Comme Ali Bongo, Idriss Déby ou encore Blaise Compaoré avant lui, Paul Biya a décroché son ticket d’entrée à l’Elysée. Sauf imprévu, une visite de travail en France a été calée les 30 et 31 janvier. D'ordinaire peu enclin aux séjours à l’étranger, le président camerounais réclame cette rencontre depuis plusieurs semaines afin de se faire légitimer par François Hollande et raffermir les intérêts économiques, plutôt sclérosés, entre les deux pays. Pour ce faire, il a dû montrer patte blanche sur plusieurs dossiers actuellement préjudiciables à la relation bilatérale. Enquête.
Droits de l’homme - François Hollande, qui s’entretiendra avec son homologue camerounais le 30 janvier à 15 heures, a fait des droits de l’homme une condition sine qua non à la réussite de la rencontre. Aidé par l’implication notable de l’ambassadeur de France au Cameroun, Bruno Gain, Paris suit de très près le sort du Français Michel-Thierry Atangana. Condamné en 1997 à quinze ans de prison pour détournement de fonds publics, ce dernier aurait en fait payé sa proximité avec Titus Edzoa, ex-secrétaire général à la présidence et candidat à la présidentielle la même année, au Cameroun.
En 2012, au terme de sa peine, Atangana a écopé de vingt ans d’emprisonnement supplémentaires après une parodie de procès concernant une prétendue autre affaire. Alors que François Hollande a déjà évoqué ce dossier lors du 14e Sommet de la francophonie à Kinshasa, Paul Biya pourrait mettre sa visite à profit pour annoncer une grâce. L’avocat français d’Atangana, Rémi Barousse (cabinet FFM & associés), ne relâche pas la pression. Il a sollicité un entretien avec la conseillère Afrique de l’Elysée, Hélène Le Gal. L’autre affaire concerne Lydienne Yen-Eyoum Loyse. Emprisonnée depuis 2010, illégalement selon ses défenseurs Caroline Wassermann et Christian Charrière-Bournazel, cette avocate de nationalité française est accusée d’avoir perçu des honoraires indus sur des fonds saisis à la SGBC.
Opération séduction des patrons - Paul Biya devrait également mouiller sa chemise devant les milieux d’affaires. Le Medef et le CIAN s'activent pour l’accueillir à leur table. Mais le format reste à définir. Le Medef a d’ores et déjà annoncé à ses adhérents un petit-déjeuner restreint, le 31 janvier de 8h30 à 10h30, avec une poignée de patrons réunis autour de Michel Roussin, vice-président de Medef international. Même souhait du côté du CIAN présidé par Alexandre Vilgrain, patron du groupe éponyme et intime de Paul Biya.
Fin de régime contestée - Le troisième volet de la visite préparée par l’ambassadeur Mbella Mbella résidera dans une rencontre avec la diaspora. Du moins celle mobilisée par les réseaux proches du palais d’Etoudi et du RDPC. Car d’autres sons de cloche devraient se faire entendre du côté des opposants, lesquels, tel le CODE, entendent manifester contre le sphinx d’Etoudi, leader octogénaire d’un régime à son crépuscule. En décembre, l’association issue de la diaspora One Cameroon Movement a déposé une requête devant l’Office central pour la répression de la grande délinquance financière, en France.
Elle accuse le fils aîné du chef de l’Etat, Franck Biya, de posséder des biens acquis par des fonds publics. Au sein même du pouvoir, l’après-Biya délie les langues et crispe. Fin 2012, la première dame, Chantal Biya, s’est même brouillée plusieurs semaines avec son "cher et tendre" face à la volonté de ce dernier de ne pas préparer sa succession. Pire, de mettre au frais tous ses dauphins putatifs dans le cadre de l’opération Epervier.