France, Diplômés africains : Pourquoi ne pas retourner chez soi ?

France, Diplômés africains : Pourquoi ne pas retourner chez soi ?

Diplomes:Camer.beParis 12 novembre. Lorsque arpentant les rues pour me rendre à un rendez vous, je tombai sur une nouvelle manifestation de jeunes diplômés étrangers d’origines diverses réclamant le retrait de la circulaire Guéant (une précédente avait eu lieu le 13 octobre). Cette circulaire en vigueur depuis le 31 mai restreint la possibilité jadis offerte aux diplômés étrangers de travailler en France après leurs études. Cette manifestation attira mon attention car elle me rappela une intervention sur les ondes d’une radio quelques jours plus tôt d’un diplômé d’origine marocaine président d’un autre collectif pour le retrait de la circulaire.

Ce dernier, titulaire d’un diplôme HEC et « en quête d’une première expérience en France avant de retourner au Maroc » s’était vu refuser le changement de statut. Il avait déclaré purement et simplement enfin de son interview que « c’est une perte pour la France de former les étudiants étrangers et de les chasser ensuite »… Ne partageant pas l’avis de mon camarade Marocain, je m’étais posé alors une question qui me revint en tête à la vue de la manifestation du 12 novembre : pourquoi ne pas retourner chez soi ?

Une pratique qui était nécessaire dans le temps

Avant toute chose nous tenons à préciser un aspect fondamental de notre pensée : nous avons en effet la conviction que dans la sphère internationale, chaque Etat lutte pour son intérêt national et utilise donc des stratégies ayant pour simple but de parvenir à ses fins qui sont de dominer les autres nations pour les plus forts. Pour les faibles il s’agit de sortir de toute domination. Les grandes puissances ont ainsi toujours développé des méthodes ayant pour but d’optimiser leur domination sur les faibles avec des stratégies souvent hard (les guerres en Irak, Lybie) parfois soft (dominer en séduisant par la coopération, l’aide au développement, la coopération décentralisée….).

La période de bipolarisation qui advint après la seconde guerre mondiale s’est manifestée par la recherche effrénée de zones d’influences de la part des grandes puissances dans les pays du sud. La France grande puissance coloniale a ainsi développé (au même titre que l’Angleterre) une stratégie de regroupement de ses anciennes colonies ( ACP, OIF…) avec des accords de coopération (Yaoundé, Lomé, APE…) et d’un processus sélectif de renouvellement des élites de ces pays (les bourses octroyées aux plus méritants afin de favoriser la poursuite de leurs études dans les universités hexagonales). Cette stratégie tout en limitant la progression du bloc socialiste lui permettait la diffusion de ses valeurs. De même, elle comportait un autre avantage : permettre de coopter ces diplômés issus pour la plupart des pays africains afin de répondre au besoin en main d’œuvre qualifiée de cette France en pleine croissance économique.

Cela s’est ainsi traduit par des mesures incitatives d’une part au niveau administratif (la carte compétences et talents en est la dernière illustration) et d’autre part dans l’aspect matériels (salaires et autres avantages en nature, perspectives professionnelles et sécuritaires incomparables à l’offre de leurs pays d’origines). Ces mesures toujours dénoncées par les gouvernants africains dépossédés d’une partie de leurs cerveaux concouraient ainsi à accroitre la compétitivité économique de la France ainsi que son rayonnement dans le monde.

La donne a changé

Au fil des ans, cette stratégie allait ainsi se perpétuer tout en se muant dans le discours au fur et à mesure des dénonciations des pays africains principales victimes jusqu’à l’avènement de la dernière crise économique. Les crises dans la sphère économique ont toujours occasionné des mesures en terme d’actions publiques (les crises d’ancien régime économique, les crises mixtes, la crise de 1929, la crise des ans 70…) sur les plans politique et social. La dernière crise économique n’a pas échappé à cette règle avec plusieurs mesures dont la circulaire Guéant qui constitue une répercussion de la crise sur le champ du politique.

En effet, les pouvoirs publics français dans cette période pré électorale de crise se retrouvent dans un défi politique avec la vaste problématique suivante : comment expliquer les promesses électorales antérieures non tenues (sécurité, emplois, participation politique des étrangers au niveau local), amoindrir les effets de la crise (chômage, délocalisations, suppression d’emplois) consolider son électorat et draguer celui de l’extrême droite (dont le domaine de prestation est l’immigration) dans la perspective des élections présidentielles à venir ? Si pour la première fourchette la stratégie a consisté a toujours stigmatiser et ostraciser une population (celle issue de l’immigration), dans la seconde elle a consisté à des mesures sur le chômage qui consistent à écarter les diplômés étrangers coupables de limiter les opportunités des citoyens français dans le monde de l’emploi.

Les facteurs de légitimation

Les pouvoirs publics français comme nous venons de le démontrer surfent sur la vague nationalistes avec mesures participant à leur objectif de se maintenir au pouvoir aux élections présidentielles de 2012 : la circulaire Guéant n’est donc qu’une illustration de cette logique. Elle peut s’avérer inacceptable du point de vue de la morale car discriminatoire. Toutefois, elle comporte de notre point de vue une légitimité à trois niveaux : d’abord légale (parce qu’elle n’est pas anti constitutionnelle). De même, elle est conforme au discours affiché sur la politique française en matière de formation d’étudiants étrangers dans les universités françaises à l’origine (former des étudiants étrangers qui ont vocation à retourner chez eux après. Discours qui, du fait des besoins en main d’œuvre qualifié de la France était inappliqué.).

Enfin dans le domaine du politique, même si elle constitue une rupture avec les pratiques antérieures, elle n’est rien d’autre qu’une action qui concoure à une strategie de conquête du pouvoir de la part d’acteurs politiques à destination d’une population française qui appréciera lors du vote.

On n’est pas tombé du ciel

Vouloir entreprendre une première expérience professionnelle après ses études par le biais d’un stage ou d’un emploi en vue d’acquérir une expertise pratique (en soutien au savoir académique) est une entreprise noble et judicieuse. Toutefois, force est de constater que cela relève presque du domaine de l’impossible dans la France actuelle qui a fait un choix politique de privilégier (ou protéger) ses jeunes diplômés dans cette période de crise et nous considérons pour notre part cela légitime. De plus, la circulaire Guéant n’est pas une première dans le domaine en Europe (la Suisse, l’Allemagne et l’Angleterre pour ne citer qu’eux ont privilégient leurs nationaux dans l’emploi sans que cela ne choque).

même si les collectifs pour le retrait de cette circulaire bénéficient du soutien du monde scientifique (le conseil des universités et grandes école de France), du privé (pour lequel seule la compétence de l’individu doit être le seul critère de recrutement dans un souci de compétitivité) et d’une partie du politique ( il convient de relativiser ici car, seul le conseil régional d’ile de France qui octroi annuellement des bourses aux étudiants étrangers a dénoncé cette circulaire. la classe politique dans son ensemble prompte pourtant à réagir sur chaque action des pouvoirs publics a brillé par son silence, ce qui est significatif…), leur existence même soulève une question de fond. En effet, pourquoi s’entêter à vouloir rester dans un pays de plus en plus répulsif ? ( La circulaire sur les diplômés n’est pas la seule mesure contre les étudiants étrangers : les dossiers de demandes de renouvellement du visa étudiant jadis gratuits doivent depuis 2009 être accompagnées d’un timbre de 30 euros auquel s’ajoute cette année un autre de 19 euro lors du retrait du titre de séjour, mesures dont vous apprenez l’existence le jour du retrait du titre. A cela s’ajoute l’impossibilité d’obtention d’un stage surtout pour les étudiants africains….).

Manifestement, l’intérêt de la France ne passe plus par une immigration sélective. Il en résulte donc toutes ces mesures sur l’immigration en amont (conditions drastique d’attribution du visa étudiant, mesures sur le regroupement familial…) et en aval (ajouts de mesures pour les renouvellement des titres de séjour et circulaire qui restreint les possibilités des jeunes diplômés formés en France jadis courtisés…). Pour ceux qui sont venus pour apprendre à lier le bois au bois, ayons la dignité de ne pas subir toutes ces humiliations et retournons chez nous. D’ailleurs n’était-ce pas l’objectif initial du séjour en territoire français ? Pour notre part nous pensons que oui

© Le Faso.net : Windata Miki Zongo (mikizongo@yahoo.fr)


01/12/2011
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