France - Cameroun : Plaidoyer pour le Renouveau de la réglementation pénitentiaire nationale.
France - Cameroun : Plaidoyer pour le Renouveau de la réglementation pénitentiaire nationale.
L'administration pénitentiaire camerounaise se focalise davantage dans son indispensable fonction sécuritaire au détriment d'une nécessaire amélioration des conditions de détention. Il n'est pas dans l'objet de ce propos de s'étendre sur les raisons des insuffisances du dispositif actuel.
La multiplication des doléances des détenus mécontents sur leurs conditions de vie carcérale est un diagnostic largement partagé. Elle doit inspirer, sous le patronage du Vice-Premier Ministre, Ministre de la Justice, à la mise en place d'un groupe de travail chargé de proposer les modalités de mise en œuvre de la rénovation du service public pénitentiaire, avec notamment cinq objectifs :
Lutter contre la surpopulation carcérale et la promiscuité.
Améliorer les conditions de détention
Assouplir des mesures d'exécution des peines
Améliorer la formation, la sécurité des personnels.
Permettre un meilleur suivi des détenus, gage de leur réinsertion future.
Deux principes guident mes propositions : Un État de droit ne peut régner dans les prisons que lorsque la dignité de l'homme y est respectée et la sécurité n'est pas antinomique avec les droits de l'homme.
Sous les auspices des Droits de l'Homme, il est temps de réagir et d'agir par la reconnaissance de nouveaux droits pour le détenu avec l'impérieuse nécessité de réformer le système de prise en charge médicale au sein de nos établissements pénitentiaires.
En effet, avec une population carcérale en hausse et de plus en plus confrontée à la toxicomanie, au S.I.D.A, l'organisation des soins en milieu carcéral est devenue une tâche lourde tant sur le plan financier que des actes thérapeutiques.
Le Ministère de la Justice peut avantageusement développer une politique visant à permettre au Ministère de la Santé de s'impliquer davantage en milieu pénitentiaire par le biais de protocoles. Il incombera alors au service public hospitalier d'assurer les examens de diagnostic et les soins dispensés en milieu pénitentiaire et, si nécessaire en milieu hospitalier. Pour la réalisation de cet objectif une loi pourra faciliter le couplage de chaque établissement pénitentiaire avec un établissement hospitalier qui assurera l'intégralité de la prise en charge sanitaire à l'intérieur de la prison dans les mêmes conditions qu'à l'extérieur, garantissant ainsi pour les personnes détenus un égal accès aux soins équivalent à tout citoyen.
Le cahier des charges fixera à l'établissement de santé chargé des soins somatiques l'obligation d'apporter une réponse d'ensemble aux besoins des détenus du centre pénitentiaire avec lequel un protocole a été conclu.
Il faut également une politique de décloisonnement qui permettra de confier le contrôle des mesures indispensables au suivi de la santé du détenu à l'Inspection générale de la santé.
Il est important que le microcosme pénitentiaire puisse s'ouvrir mutations de la société camerounaise.
Pour atteindre tous ces objectifs, les mesures suivantes apparaîtraient également appropriées :
1.La création de régions pénitentiaires placées sous l'autorité d'un directeur régional, responsable de l'ensemble des services déconcentrés de sa région.
2.L'allégement des régimes de visites et aménagement de parloirs permettant de préserver l'intimité sexuelle de couples.
3.L'assouplissement des formalités de correspondance.
4.L'accès à la culture et à l'actualité (presse, radio, internet).
5.L'instauration des permissions de sortir pour le maintien des liens familiaux.
6.La pratique d'un travail avec une rémunération équivalente et celle d'activités sociales
7.L'instruction primaire obligatoire dans tous les établissements.
8.La remise d'une trousse de toilette à chaque entrant.
9.L'accès libre au dispositif de santé par une prise en charge gratuite des soins pour les détenus malades nécessiteux.
10.L'instauration d'une commission de surveillance auprès de chaque centre pénitentiaire avec mission de contrôler la salubrité, la sécurité, le régime alimentaire, le service de santé, le travail, l'enseignement et l'observation des règlements ainsi que la bonne exécution des mesures tendant à la réadaptation des détenus.
En cas d'enquête administrative interne la commission peut procéder à l'audition de toutes les personnes susceptibles de lui communiquer des informations.
11.Des visites trimestrielles du Procureur de la République dans chaque centre situé dans le ressort du Tribunal de grande Instance avec la faculté pour les détenus qui ont préalablement exprimé le souhait de le voir de pouvoir s'entretenir avec lui.
12.L'obligation pour l'autorité judiciaire de transmettre à l'autorité pénitentiaire la notice individuelle de chaque détenu pour permettre au chef de l'établissement pénitentiaire de mieux individualiser la prise en charge des personnes écrouée en prenant en compte l'ensemble des éléments relatifs à leur personnalité, à leur état de santé, à leurs antécédents, ainsi qu'aux risques qu'elles sont susceptibles de présenter pour autrui, (codétenus et personnels), pour elles-mêmes, que pour la sécurité des établissements.
13.La séparation entre prévenus et condamnés, entre délinquants primaires et récidivistes.
Le lancement d' un vaste programme « Architecture et Prisons » par la construction de nouveaux établissements et la fermeture des prisons les plus vétustes sera la traduction de la volonté politique d'humanisation de l'univers carcéral et des mutations de la société camerounaise du futur.
La dynamique du Cameroun des Grandes Ambitions doit inspirer une politique ambitieuse de soins en milieu pénitentiaire et de protection sociale des détenus avec la création d'un véritable Ministère à la condition pénitentiaire. La souplesse d'adaptation de notre institution pénitentiaire impactera l'image du Cameroun à l'international. La pratique interne de la vie pénitentiaire ne doit pas ajouter d'autres sanctions à la détention.
L'efficience de ce dispositif du Nouvel Ordre Pénitentiaire ne vaudra que par la vigilance et la compétence des fonctionnaires auxquels revient leur mise en œuvre.
Maints signaux alarmistes ne peuvent laisser inaudibles les cris de désespoir des personnes incarcérées et de leurs familles. Prendre en compte leurs préoccupations est un impératif pour la poursuite de la construction d'un Cameroun moderne.
Elles doivent aiguillonner une réaction volontariste des ministères concernés dans la recherche d'un meilleur équilibre entre mission de sécurité publique et droit à l'égalité et à la protection devant la loi, mission de garde, punition du condamné et souci de préparer son éventuelle réinsertion sociale, droit à la sûreté et droits de la défense. Grandes ambitions et inertie deviennent forcément antinomiques.
Et un gouvernement qui ne veille pas ou ne crée pas cette force d'entraînement à l'adaptation des hommes et des structures, à la capacité créatrice des équipes, détruit les gisements de sa réussite.
Dans une société de liberté comme le Cameroun, chacun doit faire ses propositions. J'ai tenté d'apporter ma modeste contribution. Le débat contradictoire fait la force et peut faire jaillir la lumière.
Par Me Martin LONGO
Avocat
Président du CAAC 33 ( Conseil des Associations et des Amis du Cameroun à Bordeaux - Ancien Président du R.D.P.C S/section de Bordeaux
Ancien Président de la Commission Relations Extérieures et co-développement
du Cercle des Ressources et d'Échanges Afro-Euro-Méditerranéen ( C.R.E.A.M)
Ancien Président de l'Association Échanges Bordeaux-Cameroun
© Correspondance de : Me Martin LONGO