France-Cameroun: Démocratie, Epervier, Homosexualité …
Écrit par Serge-Lionel Nnanga |
Jeudi, 31 Janvier 2013 12:11 |
Paul Biya exprime ses positions face aux journalistes au sortir de sa rencontre avec son homologue français, le chef de l’Etat a fait valoir ses positions sur ces questions qui fâchent. Avec la constance légaliste qui lui est si coutumière.
La rencontre avec François Hollande a été
présentée comme le point culminant de la visite de travail que le
président camerounais effectue en France du 28 janvier au 02 février
2013. Au sortir de l’entretien d’une trentaine de minutes, tenu à huis
clos avec son homologue, Paul Biya n’a peut-être pas bénéficié des
honneurs d’une conférence de presse conjointe comme cela a été le cas
notamment des présidents béninois Boni Yayi et nigérien Mahamadou
Issoufou. Mais il a pu profiter de la présence de quelques journalistes
au perron du palais de l’Elysée pour donner sa position sur certains
sujets sur lesquels il était plus ou moins attendu. Si l’on peut se
féliciter qu’il ait choisi d’affronter directement toutes les questions à
lui posées, le contenu de ses réponses n’a cependant révélé aucun
scoop. Ou plutôt, il a confirmé une tendance qui s’observe depuis
plusieurs années dans le discours présidentiel : celui du recours
permanent à un légalisme taillé parfois sur mesure. Première
illustration avec la longévité au pouvoir. Au journaliste qui lui
demande s’il n’est pas fatigué après 30 années de pouvoir
ininterrompues, le président répond « dire que je suis fatigué… mon
problème n’est pas de cet ordre» ; tout en précisant que ses efforts
reste concentrés sur les engagements pris envers le peuple. « Je ne suis
pas au pouvoir par la force, ajoute t-il. C’est le peuple camerounais
qui m’a élu parmi vingt ou trente autres candidats ». Les observateurs
les moins oublieux doivent se rappeler toute la mise en scène qui a
entouré la modification de la Constitution en 2008. Alors que quelques
uns dans l’opposition et dans la société civile se sont ouvertement
opposés au projet présidentiel de faire sauter le verrou de la
limitation des mandats, le pouvoir avait alors mobilisé l’essentiel de
ses ressources pour démontrer que seul le peuple devait choisir son
leader. En prenant ainsi le peuple à témoin, Paul Biya s’appuie sur une
légitimité qui n’a d’égale que les multiples «appels du peuple» qui ont
souvent «précipité» son engagement dans les joutes politiques.
Opération Epervier
Interrogé également sur cette opération
épervier que certains confondent à une opération d’épuration politique,
le président a répondu qu’il y a là des personnes reconnues coupables de
détournement qui masquent leur culpabilité derrière des arguments
politiques. Et de préciser qu’il fait confiance à la justice. Encore un
de ces arguments légalistes dont il a le secret et qu’il a souvent
exhibé lors de plusieurs interview dans les médias étrangers. Mais qui
ne se rappelle de cette déclaration qu’il fit après la pose de la
première pierre du barrage de Lom Pangar lorsqu’il affirma ne pas
«commenter les commentaires» ? Son expansion sur le cas de Michel
Thierry Atangana a, de ce point de repère, de quoi surprendre. Sur ce
dossier, il ne s’est jamais épandu outre mesure. Des bruits de couloir
avaient déjà cité ce cas comme ayant meublé l’entretien avec François
Hollande à Kinshasa lors du sommet de la Francophonie. Paul Biya aurait
alors affirmé à son homologue qu’il s’agissait là d’une affaire
judiciaire. Devant la presse française, il a cru devoir aller plus loin
en précisant notamment que ne le connaissant pas physiquement, il ne
saurait être un «ennemi politique». Et que son cas est en instance à la
Cour suprême. Cela pourrait donner des indications quant à la prégnance
de ce sujet au cours de cet entretien.
Homosexualité
Un point sur lequel le président a semblé
sortir de sa réserve, tout en restant cantonné à son option légaliste,
c’est la dépénalisation de l’homosexualité. La loi camerounaise réprime
cette pratique et il s’en trouve derrière les barreaux qui purgent des
peines y afférentes. Par pudeur peut-être, - et peut-être es-ce là sa
position aussi -, le Chef de l’Etat n’a pas souhaité nommer la pratique,
lui préférant plutôt le péjoratif de «chose». Le débat sur cette
question est dans l’actualité depuis quelques jours et suscite comme
depuis toujours, une levée de boucliers. En s’en tenant à la loi, Paul
Biya confirme les réticences que son gouvernement a toujours eues
vis-à-vis de la question. Petite illustration : lorsqu’un ensemble
d’associations de défense des droits des homosexuels obtient en 2011,
une subvention de l’Union européenne de 200 millions de Fcfa, le
gouvernement a demandé des comptes très détaillés. Et a pu obtenir de
cette instance des garanties quant aux motivations réelles de cette
subvention.