France- Afrique: POUR L’AFRIQUE J’ACCUSE LA FRANCE
France- Afrique: POUR L’AFRIQUE J’ACCUSE LA FRANCE
Mes chers amis de France.Le gouvernement français vient de poser un acte qui appelle de votre part une série de réactions, de manifestations et de protestations véhémentes bien que pacifiques.En effet pendant la première et la deuxième guerre mondiale, guerres dans lesquelles la France a été particulièrement intéressée relativement au conflit qui lui était imposé par l’Allemagne, l’Afrique a joué un rôle prépondérant dans l’issue du conflit grâce notamment à ses milliers de fils qui ont été enrôlés dans l’armée Française. On les a appelé « les tirailleurs sénégalais » et l’esprit de ceux, très nombreux qui sont tombés sur les champs de batailles comme sur des champs de mines, rôdent encore partout en France et notamment dans le sud sur les montagnes de Toulon comme sur les côtes de la Normandie. Leurs os blanchissent également dans le désert du Sahara.
Les tirailleurs Sénégalais étaient Sénégalais bien sûr, mais aussi Camerounais, Congolais, Tchadien, Malien, Gabonais, Togolais etc. Ils étaient « recrutés » dans ce qu’on appelait alors Afrique Equatoriale Française ( AEF)et Afrique Occidentale Française(AOF). Ils étaient « engagés volontaires » ou enrôlés de force ou par ruse.
Ceux qui sont rentrés après la guerre en Afrique nous ont appris comment ils ont héroïquement combattu pour la mère patrie, la France. Ils avaient appris à chanter la Marseillaise comme personne au monde avant eux : « Allons z’enfants de la patrieeeye… » Il se raconte que dans certaines sections, au combat, ils étaient notamment et constamment envoyé aux points les plus chauds ou en éclaireurs. Ils étaient toujours les premiers à la pointe du combat comme « chair à canon » selon l’expression amusée qu’on leur a affublé après la guerre. Lorsqu’un espace vague était susceptible de receler des mines, il leur revenait tout naturellement de tâter le terrain. S’ils ne sautaient pas sur des mines alors toute la troupe pouvait avancer ! Ils n’avaient pour la plus part que 20(vingt) ans…Les survivants en ont 82 aujourd’hui.
La guerre finie, ils ont été remerciés et renvoyés chez eux en Afrique. Leurs morts ont été enterrés au front. Ils sont morts pour que vive la France. Leurs camarades de front, des Français, des Anglais, des Américains, des Russes sont traités avec les égards dus à leur bravoure. Ils ont entre autres avantages le droit à une pension d’anciens combattants qui les met à l’abri du besoin et leur assure une vieillesse sans soucis matériels, leur poitrine ploie sous le poids des décorations de toutes sortes. Ils ont mérité de la patrie.
Les camarades africains du général de GAULLE et du général LECLERC DE HAUTE CLOQUE quant à eux croupissent dans une misère indescriptible. D’autres sont morts dans l’indigence totale et dans l’anonymat le plus complet. Leurs familles vivent dans un dénuement inédit. Ces Africains partis d’Afrique pour libérer Paris et la France ont toujours été oubliés par les pouvoirs publics successifs français. Quelle injustice !
Et pourtant l’histoire révèle, je cite « que l’Afrique a aidé De GAULLE, chef de la France libre que le Cameroun a accueilli et aidé en 1940 après sa cuisante défaite à Dakar au Sénégal.
En effet au tournant des années 40, Adolf Hitler a occupé la France et le maréchal Pétain est à la collaboration. Charles de Gaulle quitte discrètement le pays pour se réfugier à Londres d’où, avec l’aide de winston Churchill, il va prendre la tête d’une force d’expédition qui partira des côtes de Liverpool, au nord de l’Angleterre, en septembre 1940.
De Gaulle va sillonner les côtes africaines à la
recherche de points stratégiques. A la tête de cette armée, il lance une
attaque à Dakar, sur les positions stratégiques d’une armée encore
fidèle à Pétain. Du 23 au 25 septembre 1940, l’attaque est étouffée dans
l’œuf, l’armada détruite, et De Gaulle a juste le temps de s’enfuir
prestement. Aucun pays de la côte ouest africaine n’est disposé à
accueillir le général dans sa fuite. Sauf le Cameroun. Le 8 octobre
1940, De Gaulle débarque au port de Douala, sur le quai, Leclerc de
Haute Cloque, alors Colonel, est venu l’accueillir. Avec lui, plusieurs
milliers de Camerounais, qui viennent parfois du fond des campagnes
camerounaises. Le visage De Gaulle s’épanouit subitement. Il dira dans
son discours de remerciements :
« Aujourd’hui, la confiance est revenue en moi ».
Le long séjour du Général en terre Camerounaise est marqué par une telle hospitalité qu’il décidera d’implanter sa base arrière à Douala. Toute la campagne orchestrée dans la sous région de l’Afrique centrale sera lancée à partir du Cameroun qui deviendra ainsi la base historique d’où sont parties les campagnes militaires décisives des pays d’Afrique ralliés qui ont permis de libérer la France. Si les patriotes africains, toujours inflexibles lorsqu’il s’agit de liberté, n’avaient pas consenti à aider De Gaulle à ce moment crucial de l’histoire de la France, nul ne peut dire avec exactitude ce que la France et les français seraient devenus . La France doit sa Libération et sa prospérité aux Africains ».
Les anciens combattants revenus d’une guerre qui leur était étrangère et à laquelle ils ne comprenaient ni les tenants ni les aboutissants, n’ont jamais fait l’objet d’une attention particulière des autorités françaises.
Le conseil d’état français vient de décider dans un arrêt historique (Arrêt DIOP) de rétablir cette injustice et iniquité en décidant que la pension des anciens combattants africains sera d’égal montant que celle des anciens combattants Français ! Il s’agit là d’une jurisprudence salutaire, historique qui répare avec plus d’un demi-siècle de retard une injustice incommensurable dont ont été si longtemps stoïquement victimes les anciens combattants Africains.
Cependant nous apprenons avec effroi, avec crédulité, avec surprise, avec étonnement, avec colère ( dans un article publié le 5 Janvier 2002 au journal Le Monde par SYLVIA ZAPPI sous le titre « Bercy veut limiter le coût des pensions des anciens combattants étrangers ») que le gouvernement français, par l’organe de son Ministre des Finances, refuserait de se plier à la décision du conseil d’état français ! Il semble qu’il serait soutenu qu’une égale pension aux anciens combattants Français et Africains provoquerait un déséquilibre économique et des écarts de richesse trop importants dans les pays africains, que ceux des anciens combattants Africains et leurs familles qui vivaient dans le plus total dénuement deviendraient subitement trop riches ! que l’application de cette décision de la justice française grèverait le budget de l’état français de la somme d’environ 1,8milliard de FF alors qu’en modulant cette pension selon le coût de vie et le pouvoir d’achat des pays concernés, la France ne débourserait que la somme de 1,1milliard de FF !
C’est proprement scandaleux de soutenir un tel raisonnement. Rien, absolument rien ne peut justifier qu’on refuse de rétablir une victime entièrement et complètement dans ses droits.
Nous partageons avec vous vos idéaux d’égalité, de fraternité et de justice et la position du gouvernement français sur cette question est pour le moins surprenant et injuste et ne trouverait même pas un support quelconque dans le désir instinctif et primaire de domination du monde et des peuples qui a présidé à la colonisation Africaine.
Cette décision du conseil d’état concerne uniquement 85.000 anciens combattants dans le monde sur les millions d’africains partis faire la guerre. La plus part sont décédés ou ont été tués dans les champs de batailles. Absolument rien n’a été fait pour leurs familles si douloureusement éprouvées. Il semble que le sieur DIOP qui a introduit son recours depuis de longues années ne peut pas jouir des fruits de ses efforts pour être déjà passé de vie à trépas.
Les anciens combattants africains survivants sont pour leur majorité à l’article de la mort et appartiennent à une catégorie plus ou moins marginalisée par certains de leurs compatriotes du fait de leur collaboration à la puissance coloniale. Chacun sait que les nationalistes africains étaient contre l’invasion coloniale étrangère et beaucoup ne supporte pas ces « traîtres » à la revendication de l’indépendance totale de l’Afrique. Comme la France condamne Pétain pour avoir collaboré avec l’Allemagne, de la même manière, les nationalistes africains accusent les anciens combattants d’avoir pactisé avec l’ennemi. Le silence de la plus part des gouvernements des Etats Africains relativement à cette affaire est assez éloquent.
Qu’est-ce qui peut en effet justifier, en dehors d’une injustice criarde, que les anciens combattants de la Guadeloupe, de la Réunion, de la Martinique, de Lens, d’Amiens ou de Paris, sous le prétexte qu’ils sont Français, touchent une pension dix fois supérieure à celle des anciens combattants du Cameroun, du Sénégal, du Congo, de Madagascar, du Tchad… ? Ces derniers ont-ils été Français seulement le temps d’une guerre ?
Aussi, chers amis de France, je vous prie
respectueusement de protester véhémentement, par écrit ou par des
manifestations publiques, avec courage, détermination et abnégation
auprès du gouvernement français pour qu’il reconsidère sa position et
répare complètement, intégralement et de manière rétroactive l’énorme
préjudice que subissent les anciens combattants Africains et leurs
familles depuis la guerre.
Me MOMO Jean de Dieu, Avocat au Barreau du Cameroun
BP 15354 Douala. Tel 00237 9996 35 03