Françafrique, 14 juillet: Au sang, Africains !
Françafrique, 14 juillet: Au sang, Africains !
Que de paradoxes ! Oui, c'est par ça qu'il
nous faut commencer, après ce 14 juillet 2010, aux relents d’une
nostalgie coloniale. Par évoquer ces étranges paradoxes qui vous sautent
à la figure dès les premières minutes d'une démarche sur la
Françafrique et qui persistera au fil des rencontres au sommet, des
déclarations, des communiqués. Des paradoxes qui surprennent et vous
mettent rapidement mal à l'aise. Occultent la vérité et brouillent
toutes les pistes. Emprisonnent les Africains dans un double langage et
navrent les malhabiles au billard politique.
Des paradoxes qui témoignent d'un climat de suspicion généralisée dans
le monde de la gouvernance, lesquels autorisent et nourrissent
fantasmes, rumeurs et inquiétudes, et empêchent de s'en tenir aux
réalités quotidiennes, auxquelles sont confrontées les populations
africaines. Moins de bonne gouvernance, absence totale de démocratie ;
crimes politiques. Des paradoxes qui disent surtout la complexité d'une
France « irréprochable », qui se complaît dans le discours et fuit la
réalité. Une France qui fête les « indépendances », tout en embrigadant,
une partie de ses colonies, par le droit de la force. Sur la dizaine
des chefs d’Etats présent ce 14 juillet, presque tous se sont imposés
par la force.
Comment comprendre ce jeu français ? Il est banal
qu'interrogés sur l’état de la démocratie ou l'ambiance dans les
différentes colonies, les diplomates, conseillers français en charge
des affaires africaines, méfiants vous la décrivent – devant caméras,
c'est-à-dire, acceptant d'être cités – prospère, vaillante et
chaleureuse avant de vous confier – cette fois en privé – une réalité
nettement plus affligeante.
Les réponses de ces élites de l’ombre, ces faiseurs de présidents,
sont critiques, inquiètes et reprennent en gros les interrogations de la
presse sur bien-fondé de l’invitation de certains dictateurs et
criminels ce 14 juillet en France. Cette bravade, à l’endroit des ONG et
des populations est loin d’être positive. Cette méprise affirme une
étonnante sérénité sur la qualité de « l'indépendance » de leur
Afrique. Oui, « leur » Afrique. Ou plutôt « leur » colonie. Car à
l’Elysée, les collaborateurs de Sarkozy, utilisent fréquemment la forme
possessive.
UNE ARRIERE-GARDE ELECTORALE
Fascinant. Plus d’un journal ou magazine qui
décrit, ces dernières semaines, cette France, inquiète et bouleversée
par des vents mauvais soufflant sur l'Elysée. Les affaires ! Cette
France, pire que certaines de ses colonies où gabegie, favoritisme,
trafic d’influence, sont érigés en mode de gouvernance. La réception de
plusieurs dictateurs, sont ces symboles de la « République
irréprochable », dont Sarkozy est passé maître. Cette vue d’apparat,
traduit à elle seule, la censure et l'interventionnisme du pouvoir
politique et militaire français. La caution morale donnée à ces
dirigeants véreux, est une démonstration de force. Au lieu de rassurer,
elle alarme des milliers d'Africains qui, sur la Toile, dans des
courriels, blogs et réseaux sociaux, expriment colère et inquiétude,
allant même jusqu'à appeler au boycott des produits français, dans tous
les pays africains. Un tract d’ONG africaine, estime que les dernières
initiatives de la réception, révèlent tout simplement les intentions de
Sarkozy : « Transformer les deniers publics africains, en outil de
guerre électorale à son profit ».
Pourtant, à l'intérieur des pays, quand on prend le temps de discuter
avec les acteurs politiques, la société civile et les fonctionnaires, le
discours est tout autre. Navrés, d'abord, en constatant le désastre
actuel en termes d'image et de réputation de leurs gouvernements. Agacés
ensuite par l'amalgame des projets sans lendemains et leur récupération
dans un contexte politique particulièrement lourd. Frustrés, enfin, de
ne pouvoir défendre leurs droits et proclamer leur liberté sans
s'exposer aux godillots. Ils sont taxés de traîtres, de suppôts de
l’extérieur. Qualificatif inique. La France peut donc s’émerveiller de
ce constat, ce 14 juillet 2010. Avec tous ces sanguinaires, la
démocratie et le symbole de la prise de la Bastille sont jetées aux
orties. Et pourquoi ne pas remettre publiquement, sur le torse bombé, de
ces récipiendaires hors-normes, la Croix de Lorraine ?
LA PROVOCATION PERMANENTE
Poison. Péché originel. Malédiction. Tous les mots sont bons, pour évoquer cette mainmise de la France, sur la désignation des candidats aux élections présidentielles en Afrique. Comment comprendre, que cinquante ans après, les bases militaires françaises subsistent en Afrique ? Piège aux conséquences étonnamment perverses.
N'est-ce pas ce qu'ont fait les politiciens
français, poussant toujours plus loin le défi et la provocation,
narguant leurs colonies, évoquant ouvertement la lâcheté des peuples
des colonies, comme s'ils appelaient de leurs vœux des soulèvements. Et,
risquant d'entraîner toute l'Afrique dans une surenchère infernale où
les corps des insurgés compteraient pour argent comptant ?
La pente est dangereuse. Les Africains eux-mêmes, qui se sentent
propriétaires de leurs destins, refusent de prendre les politiques
français, pour des porte-drapeaux et se veulent eux-mêmes combatifs.
Dans l’opposition, face au péril qu’est la France pour l’évolution des
Africains, Il va sans dire qu’ils ne vont plus accepter la nomination
de leurs présidents !
Il n’est plus, dans l’intérêt de la France, de tomber dans le piège de
l'outrance. La première chose que cette France, devrait éradiquer, est
la loi du vote. Cette loi détestable, instille le poison du soupçon.
L’Afrique veut vivre avec ses propres institutions et leur faire
confiance. Car, en jugeant sur les faits, les institutions imposées ou
léguées, ont tué en cinquante ans plus que la malaria, le choléra, la
mouche tsé-tsé et le VIH mélangés.
Plus intriguant est le fait est que, cette horde de dictateurs ne connaît pas l'ombre d'une censure. Les propos de Sarkozy à l’endroit de ces dictateurs, les transforme en seuls garants de la liberté des peuples africains. Cette démarche est du reste insultante pour la démocratie. Je pense, moi, que le pouvoir français, fuit cet inventaire sur les indépendances, et le bilan de la politique française en Afrique, ces cinquante dernières années !