Février 2008: Il y a 7 ans, les rues priremt feu au Cameroun

Retour sur une tragédie dont les causes demeurent d'une brûlante actualité. La vie toujours plus chère - Le chômage toujours plus galopant - Une gouvernance tatillonne  qui n'autorise pas beaucoup d'espoir.
 

A l'origine, le syndicat des transporteurs routiers du Cameroun avaient annoncé une grève pour le 25 février 2008. Afin  protester contre les prix du carburant qui ne cessaient de grimper chaque jour. La veille, dimanche, la principale résolution d'une réunion  entre syndicalistes et  autorités administratives à Yaoundé avait laissé clairement entendre que le débrayage  était suspendu. Les  événements  vont montrer que l'écho de cette résolution était allé droit dans un abîme.

On ne sait pas pourquoi. Mais ce que les camerounais dans leur large majorité  avait retenu,  comme dans une intuition féminine, c'est que la grève était maintenue. Une inconnue toutefois : seul un magicien aurait  présagé que ce seraient plutôt de jeunes gens à l'affût qui  récupéreraient l'affaire et  prendraient d'assaut la rue, à la place des transporteurs finalement surpris par l'ampleur de l'explosion. C'est bien ce qui s'est passé, ce matin quand des jeunes de tous âges, ont  envahi  les rues de  Douala, Yaoundé  et les autres grandes localités du Sud du Cameroun.

 Non  pas pour plaider la cause des transporteurs, mais pour crier toute leur colère contre la vie chère et un chômage ambiant, enraciné et endémique. Du 25 au 28 février, plusieurs villes du Cameroun se sont embrasées. Avec son lot de vandalisme et de pillages. Pour la première fois, Yaoundé, la capitale politique du Cameroun dont le président de la République avait dit une dizaine d'années auparavant, que lorsqu'elle « respire, le Cameroun vit », est prise dans la tourmente. Le feu brûle à l'entrée du palais d'Etoudi. Pour la première fois aussi. A la barbe de Paul Biya.

Mais le rapport que le  locataire d'Etoudi reçoit d'abord de ses collaborateurs laisse  manifestement croire que c'est un complot de ses adversaires politiques pour le renverser. Il va par conséquent réagir très fermement le 26 février  au cours d'une allocution musclée.

Selon lui, « pour certains,  l'objectif est d'obtenir par la violence ce qu'ils n'ont pas eu par la voie des urnes, c'est-à-dire par le fonctionnement normal de la démocratie. (…)Les apprentis sorciers qui, dans l'ombre, ont manipulé ces jeunes, ne se sont pas préoccupés du risque qu'ils leur faisaient couvrir en les exposant à des affrontements avec les forces de l'ordre », en l'occurrence les forces de troisième catégorie que sont l'armée de terre et le bataillon d'intervention rapide (Bir) spécialisé dans la lutte contre le grand banditisme. Et il a conclu dans le même ton en indiquant que «tous les moyens  légaux dont dispose le gouvernement seront mis en œuvre pour que force reste à la loi». Ce qui fut fait avec un zèle digne des  situations de guerre.

 Mais  le président va se raviser,  probablement après un rapport contradictoire et réaliste, que les jeunes n'étaient guidés que  par la faim et la misère  cancéreuse qui les rongent. Il  se résout même à décréter pour eux des mesures de clémence. En même temps qu'il va  prendre dès le 7 mars 2008 une série d'initiatives pour lutter contre la vie chère. Solution transitoire pour apaiser les tensions sociales restées vives, après un lourd bilan en vies humaines et en dégâts matériels.

Il faut également rappeler que le Cameroun, depuis un certain temps, avait  accumulé des ingrédients pour que la moindre étincelle mette un monumental feu aux poudres. Déjà un an auparavant, dans son discours à la nation le 31 février 2007, le président de la République avait laissé entrevoir une éventualité de la modification de la constitution. Un sujet qui véritablement  donnait des maux de tête à l'opinion publique de l'opposition et à  une frange important des jeunes. Situation tout indiquée, susceptible de  provoquer des tensions sociales à l'issue imprévisible.

C'est aussi dans la même lancée que le gouverneur de la Région du Littoral de l'époque, Faï Yengo Francis, avait  interdit sur l'ensemble de son territoire de commandement toute manifestation publique. L'opinion publique en général et l'opposition en particulier avait fait rapidement un lien entre cette mesure de restriction des libertés publiques et l'annonce de la modification de la constitution. Surtout que depuis plusieurs mois, le leader de la Nouvelle Dynamique africaine (Nodyna), Mboua Massok, avait annoncé une série de manifestations pour protester justement contre une éventuelle modification de la loi fondamentale. Deux jours avant le déclenchement des émeutes, un meeting organisé par le député Sdf de Wouri Est, Jean Michel Nintcheu, avait été interdit par les autorités  administratives de Douala lll (Carrefour marché  Dakar).

Lorsque le député s'est plié à cette interdiction et regagné sont domicile, par derrière,  la police qui tenait à voir  la foule se disperser,  avait chargé les civils qui s'apprêtaient à regagner leurs domiciles. Bilan, deux morts et des blessés par balles. Le lundi 25, les habitants de la capitale économique, l'épicentre de ces émeutes de la faim, ne s'étaient pas encore remises des émotions de  vendredi. Quand tout s'est subitement gâté.

lanouvelleexpression

 
 
 


25/02/2015
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