Fête nationale du Cameroun : La Maison Blanche ignore Paul Biya

Fête nationale du Cameroun : La Maison Blanche ignore Paul Biya

Fête nationale du Cameroun : La Maison Blanche ignore Paul BiyaEn langage diplomatique, il existe des usages qui ne trompent guère et qui ne laissent place à aucune équivoque. Le récent message de voeu envoyé au Peuple Camerounais par la Secrétaire d’État Hilary R. Clinton en est une illustration parfaite. Car selon le protocole très reglementé de la diplomatie, on envoie généralement un message à la personne du même rang que soi; c’est à dire qu’un ministre félicite un autre ministre, un chef d’Etat envoie un message à son homologue, etc. Mais, grande fut la surprise de constater que le gouvernement américian ait choisi une formule plutôt curieuse,  à savoir que le Ministre des Affaires étrangères  adresse un message de voeux non pas à son homologue comme il est coutume, mais au Peuple Camerounais tout entier.
 
Pour les habitués de la chose diplomatique, Il est de notoriété publique, que les messages sont généralement régidés par le responsable du desk pays au sein dudit Ministère des Affaires étrangères et transmis selon les usages  au nom du Chef de l'État lorsque, comme c’est le cas en ce moment, il s’agit de la célébration de la fête nationale. Même si dans cette correspondace, la cheffe de la diplomatie américaine énumère les réalisations de son pays dans le notre et se montre optimiste quant au futur de nos relations bilatérales avec notamment le retour imminent des programmes de l’ USAID, le  fait de s’adresser au peuple camerounais en lieu et place de son président  donne matière à réflexion. 

Nos fins limiers pourraient y voir encore une attitude condescendante des autorités du pays de l’Oncle Sam envers un pays pauvre très endetté (PPTE) qu’est le Cameroun.  Assurément non car le président Obama a bien envoyé par le passé des messages à différents pays dans une situation plus ou moins similaire au notre(Côte d'Ivoire, Soudan du Sud par exemple) certes pour des motifs différents . La réaction de notre ministre de la communication, très peu disert en général et toujours prompt à réagir pour défendre la république est fort attendue car il trouvera sans nul doute une explication à cette entorse diplomatique.

Paul Biya un président  ‘intouchable’?
A y regarder de près, on peut comprendre qu’ en restant fidèle à ses principes, le président Obama à quelques mois de l’élection présidentielle n’a visiblement pas voulu se compromettre auprès de l’opinion publique. Il a tout simplement ignorer  le président  Biya quite à faire une entorse au protole. Le message est on ne peut plus clair: Paul Biya n’est plus un interlocuteur valable. Si l’on s’en tient au fameux discours de l’homme le plus puissant de la planète à  Accra en 2009 où il affirmait sans ambages que L’Afrique n’avait pas besoin d’hommes forts, mais d’institutions solides, alors on comprend mieux que le locataire de la Maison Blanche ait en quelque sorte esquivé son homologue en conviant sa Secrétaire d’État de s’adresser au Peuple Camerounais.

Barack Obama reste ainsi sur sa ligne de sonduite : isoler au maximum les dictateurs et encourager le changement  avec un passage de témoin à une nouvelle génération capable d’arrimer le continent vers le progrès et pour le cas du Cameroun en l’occurence éffectivement accéder au rang de pays émergent ce qui n’est pour l’heure qu’un mirage. Alors, le président Biya serait-il devenu une espèce d’intouchable, non pas à cause de sa longevité au pouvoir mais qui à l’instar de cette caste inférieure en Inde, est devenu au fil des années un personage  infréquentable, véritablement  indésirable dans le monde civilisé, ou il fait bon de l’éviter; bref un paria  qu’on doit soigneusement esquiver et qu’on peut rencontrer en catiminie tout au plus pour accomplir de basses besognes. Car en effet la dernière visite du président camerounais à  Washington remonte au 20 mars 2003, la veille de la nouvelle guere américaine en Irak, opération qui avait été condamnée unanimement par la communauté internationale. Mais qu’importe, le Cameroun  siégeait  à l’époque comme membre non-permanent du Conseil de Sécurité des Nations Unis et il fallait faire contre mauvaise fortune bon coeur.

Épuration politique
Aujourdhui, les temps ont changé, le locataire de la Maison Blanche aussi mais pas celui d’Etoudi qui vient de rempiler pour sept ans encore et qui se débarrasse les uns après les autres de ses plus proches collaborateurs d’hier, soupçonnés, à tort ou à raison d’avoir des ambitions présidentielles. Sa garde rapprochée d’autrefois se retrouve en prison sous le prétexte fallacieux de lutte contre la corruption alors qu’il s’agit ni plus ni moins d’une véritable chasse aux sorcières. Qui pourrait croire un seul instant que seuls les gestionnaires indélicats sont en ce moment pourchassés, alors que les Mendo Ze (indexé par la CONSUPE sur sa gestion passéede la CRTV), Rémy Zé Meka (dont les cables de Wikileaks ont révélé que le président lui-même était au courant de la voracité de ce dernier), sans oublier l’actuel Mindef, Mebe Ngo dont l’étalage de la richesse pour ce commis de l’État ne laisse personne indifférent dans le microcosme polique du Cameroun et la liste est loin d'être exhaustive.

République bananière
Dire aujourdhui que le Cameroun se porte mal est un euphémisme. En plus de la mauvaise gouvernance, avec son corolloraire le népotisme, on assiste à  un pays paralysé, incacpable de se sortir du mauvais pétrin dans lequel il se trouve. Les réformes tant attendues et maintes fois promises en ce qui concerne la loi électorale par exemple, avec notamment un organe indépendant chargé d’organiser des élections libres et transparentes n’est pas à l’ordre du jour. L’ELECAM ayant prouvé toute son incompétence lors de la récente présidentielle, sa réforme est jugée impérative. Un autre dossier, celui de la mise en place des institutions fiables (Sénat, Cour Constitutionnelel) se fait attendre. Que dire du gouvernement, constitué par des ministres ou du moins par des fonctionnaires avec le titre et dont la nomination n’obéit à aucune considération professionnelle, mais à  un usage bien rodé : constituer une équipe avec des ministres représentatifs des différentes ethnies avec au passage la  ‘récompense’ des régions qui votent massivement pour le parti au pouvoir. Au final, le gouvernement est à l’image même du chef de l’État ; incompétence et inaction sont les maîtres mots de leur feuille de route.

Leur tâche est d’autant plus facilitée par une opposition atone, désorganisée, incapable de s’entendre mais surtout ringarde, calquée sur le modèle obsolète du parti au pouvoir avec les mêmes visages qui critiquent tout et ne proposent rien, si oui le boycott systématique. Chaque parti voulant jouer sa partition en solo, l’opposition s’est considérablement éloignée des préoccupations des citoyens. En presque vingt ans de multipartisme, elle  est aujourd’hui réduite à la portion congrue. Elle n’a cessé de diminuer au fil des ans et ses quelques députés (qui n’ont pas encore rejoints les rangs du RDPC) présents au palais de Ngoa Ekéllé font figure d’intermitents du spectacle dans ce cirque législatif qui a transformé l’Assemblée Nationale en véritable chambre d’enregistrement de l’exécutif.  Les débats étant quasiment inexistants sauf lorsqu’il s’agit des avantages à octroyer aux parlementaires.  

Le président Biya peut tranquillement mener à bien la barque vers les abîmes du désespoir. Faute de perspective, le peuple camerounais est aujourdhui découragé et ne croit plus à l’avenir et n’a confiance ni au pouvoir, encore moins à l’opposition. La société civile bien qu’embastillée par une administration aux ordres éssaie tant bien que mal d’exister avec l’aide de quelques intéllectuels qui ont encore le courage de résister à l'apât du gain. Dans cet îlot salé du désespoir, ce qui reste lorsqu’on a tout oublié c’est bien la culture. Mais qu’observons nous ? Nos artistes, ou encore ceux qui se réclament de ce nom ont pratiquement abandonné l’art pour la politique. L’exemple des musiciens est assez saisissant. S’il existe très  peu qui suivent les traces de Manu Dibango (Richard Bona et autres) , il va s’en dire que la majorité de ces chanteurs s’est prostituée et excelle dans un genre nouveau, la pollution sonore dans des rythmes truffés d'insultes et d'obscénités verbales à vous donner du tournis.

Responsabilité collective
Le pays est malade de ses institutions, de ses politiciens de ses fonctionnaires, de ses artistes, de ses intellectuels, bref de son élite. Il  y a fort à parier que ce message envoyé par les USA s’adresse bien au Peuple Camerounais dans son immense majorité. En lisant avec attention les correspondances de M. Marafa Hamidou Yaya distillées récemment à la presse, on comprend bien que ce ne sont pas les idées qui font défaut au Cameroun, mais bien le manque de volonté politique. 

Car comment comprendre qu’un pays aussi doté en ressources naturelles et humaines que le notre soit à la traîne au point d’être absent dans ce que Senghor appelait le ‘rendez-vous du donner et du recevoir’? Le pouvoir en place comprendra –t-il ce message et fera t-il face à ses responsabilités pour une fois au nom de l’amour de la patrie ou alors continuera t- il à rester sourd comme par le passé ? Il est plus qu’urgent de mettre en oeuvre les conditions pour l’avènement d’un Cameroun nouveau, état démocratique et prospère avec des institutions saines, permettant à tout citoyen de jouir pleinement de ses droits et devoirs. En s’adressant au peuple camerounais, la diplomate américaine a voulu non seulement transmettre un message d’espoir, mais aussi appeler au sursaut patriotique tout en rappelant à ce peuple que son destin lui appartient tout comme la décision de se l’approprier. Donc acte car il n’est jamais trop tard.

© Correspondance de : Brice Nomo


21/05/2012
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