Au terme de sa toute première réunion tenue au Palais de l'Unité il y a quelques semaines, la Commission nationale en charge de l'organisation des festivités marquant le cinquantenaire de l'indépendance et de la réunification avait pris la résolution de la délocalisation du défilé du 20 mai du Boulevard qui porte son nom au lieu dit Omnisports. Une décision accueillie avec beaucoup de circonspection par une opinion publique médusée, qui cherchait sans comprendre le bien fondé et l'opportunité d'une telle mutation. Même les explications forcenées du Délégué du gouvernement dans les médias publics, mettant en avant la promiscuité de la tribune officielle du Boulevard du 20 mai avec les grosses bâtisses du marché central, ne semblent pas avoir convaincu, la longévité de ce mariage plaidant comme une objection sérieuse.
Defile au boulevard du 20 Mai Photo: © CIN Archives
L'information reste confidentielle, une exclusivité de l'Anecdote. Paul Biya vient d'annuler cette initiative. Les raisons sont contenues dans la discrétion qui entoure les actes du chef de l'Etat, mais des indices sérieux auraient permis de dénicher un activisme affairiste pernicieux autour de cette délocalisation, selon nos recoupements.
LES 9 MILLIARDS DE LA DISCORDE
Sur le site choisi pour abriter le défilé à l'Omnisports, la Communauté urbaine de Yaoundé avait commencé à marquer la croix de Saint André sur les édifices à détruire dans la perspective de son aménagement en prélude au défilé de cette année. Si l'urgence liée au laps de temps assez écourté (deux mois et quelques jours avant le 20 mai) justifiait cette prompte intervention, celle-ci ne s'est pas faite sans heurts. A en croire quelques notes de renseignements parvenus à Etoudi, certains agents de la Communauté urbaine commençaient à se livrer à des arnaques auprès de quelques propriétaires d'immeubles, proposant d'épargner leurs biens lors des casses qui se profilaient déjà, contre des espèces sonnantes et trébuchantes. Toutes choses que n'aurait pas appréciées le chef de l'Etat, que l'on dit depuis un certain temps, embarrassé par les actions de démolition de la Communauté urbaine de Yaoundé.
Mais à la vérité, le projet de délocalisation du site du défilé du 20 mai n'aurait pas emballé tous les membres de la commission nationale d'organisation des festivités du cinquantenaire. D'après des indiscrétions puisées auprès de quelques uns, le projet de budget préparé et présenté par la Communauté urbaine en vue de la réhabilitation du site de l'Omnisport, aurait donné froid au dos à certains commissaires. Evalué à 09 milliards de FCFA, ce montant était jugé exorbitant, bien que sous cape, par certains membres de la commission. 09 milliards, susurraient-ils, auraient dû servir à la création de microprojets générateurs de nombreux emplois, et non à de dépenses de prestige. Surtout pour le Cameroun, qui multiplie les recherches de financements en vue de la mise en œuvre de son document de stratégie pour la croissance et l'emploi, (DSCE) à l'horizon 2020.
Plus grave, la sélection de la structure chargée de l'exécution des travaux d'aménagement du site de l'Omnisports était déjà source d'une sérieuse discorde au sein du sérail. La Communauté urbaine avait pris les devants pour la réalisation de ce marché, elle qui se manifestait déjà sur le terrain par des actes préalables à un déguerpissement des résidents. Mais malgré son obstination, le Génie militaire lui contestait sa candidature, excipant de son choix traditionnel dans l'exécution des marchés de réfection du site de la célébration de la fête de l'Unité. Des sources indiscrètes, le Génie militaire avait proposé de réaliser ces travaux sur le site de l'Omnisports à moindre coût, et n'entendait aucunement perdre son privilège. Le chef de l'Etat a-t-il voulu trancher cette guéguerre qui de façon insidieuse, menaçait la sérénité autour de la célébration du cinquantenaire ? Quoiqu'il en soit, la décision de Paul Biya finit de rassurer les sceptiques sur les enjeux « gombotiques » que charriait cette volonté de délocaliser le défilé officiel du Boulevard du 20 mai, sur fond de calculs ficelés depuis longtemps entre la Communauté urbaine de Yaoundé et le Cabinet civil de la présidence.
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