Fermeture d'églises clandestines: La mise au point du gouvernement

Yaoundé, 26 Août 2013
© Cameroon Tribune

 

L'intégralité du propos liminaire du Ministre de la Communication lors du point de presse de vendredi dernier.

 

 

«Monsieur le Secrétaire général du Ministère de la Communication, 

Monsieur l'Inspecteur général, 

Messieurs les Conseillers techniques, 

Madame, Messieurs les Inspecteurs, 

Madame, Messieurs les directeurs et chefs de divisions, 

Chers collaboratrices, chers collaborateurs, 

Mesdames, Messieurs les journalistes, 

Chers invités, 

Mesdames, Messieurs,
 

Je voudrais tout d'abord vous souhaiter à toutes et à tous une chaleureuse bienvenue dans cette salle de conférences de mon Département ministériel, devenue familière des rencontres que nous tenons régulièrement, dans le souci d'informer l'opinion publique sur les points saillants de l'actualité nationale et internationale. 

Je vous remercie d'avoir comme d'habitude, répondu avec promptitude à l'invitation que je vous ai adressée, pour nous entretenir sur un fait d'actualité dont la relation et l'interprétation nécessitent quelques points de clarification. 

Je voudrais tout d'abord parler de l'agitation qui semble s'être emparée de certains milieux médiatiques à l'Étranger notamment, au sujet de la fermeture ces dernières semaines d'un certain nombre de congrégations religieuses exerçant sur le territoire national. 


Il s'agit: 

pour la ville de Yaoundé de: la Cathédrale de la Foi, l'Église Catholique Traditionnelle Universelle succession Utreicht, Église Communauté Chrétienne, Église Chrétienne Évangélique, Union des Églises Évangéliques des Frères du Cameroun, toutes à Yaoundé 1er; Heaven Gate of All Nations et le Ministère de la Délivrance et du Progrès à Yaoundé 3e; l'Église du Salut: la traversée de la mer rouge par Jésus, et une autre église sans nom, dont le promoteur est le nommé Malachi BOTOMBÉ, logée à Ngousso 2, celles-là pour Yaoundé 5. 

Pour la ville de Douala de: Gospel of Christ Mi¬nistries, Sainte Église du Sabbath, Centre Spirituel Sion, The Door Christian Fellowship Church, toutes à Douala 1er; et l'Église Mouvement de Réveil Charismatique Catholique la Sentinelle et l'Église Universelle du Royaume de Dieu, à Douala 2e; 

Pour la Ville de Bamenda de: Christ Embassy, The Redeemed Church of God, The Lords Chosen Charismatic Revival Ministry, Jesus Reigns For Éver Ministry, Glorious Life United Pentecostal Church International, Zion Assembly Church of God of Prophecy, Atuda Community Hall Church, Assemblies of God, God's Power Ministries Inter¬national, The Grace Bible Church, One Church at Pinyin Quarter, One Church (Mariama Restaurant Old Town), World Eternity Ministry International (Food Market Bridge), toutes situées dans l'arrondissement de Bamenda 2e; Assembly of God (Mile 4 Nkwen), Dominion Ministries Wordlwide (Nda¬mukong Street), Christadelphian Bible Mission (A2 street Bayele), Good News Mission (Upper Bayele), Jesus Evangelistic Bible Ministry (Ntabessi), de l'arrondissement de Bamenda 3e. 

Il n'en fallait pas plus pour que certains médias étrangers et autres sites d'informations en ligne, s'emparent de cette situation, pour fustiger ce qui à leurs yeux, n'était rien d'autre qu'une opération déguisée de la part du gouvernement, pour mener une croisade contre le phénomène des églises dites «de réveil». 

Dans cette manœuvre ostentatoire de désinformation de l'opinion publique, le président de la République du Cameroun est particulièrement mis à l'index par nos contempteurs, pour, à leurs yeux, «violation de la liberté du culte, pourtant garantie par la Constitution». 

Persistant dans cette dérive mythomaniaque, ils n'hésitent pas à alléguer de ce que l'opération, commanditée, toujours selon eux, depuis le plus haut niveau de l'État, viserait en fait à embastiller des ministres du culte, promoteurs de ces églises, de plus en plus critiques au goût du pouvoir dictatorial de Yaoundé. 
Ce mouvement de persécution aurait été, selon ces bonimenteurs, fortement appuyé par des renforts militaires, notamment à Yaoundé et à Bamenda. 

Or, de quoi s'agit-il exactement? 

Premièrement, en ce qui concerne le socle juridique national sur lequel sont assises les pratiques religieuses au Cameroun: 

Tout d'abord, le préambule de la Constitution énonce, je cite: «L'État est laïc. La neutralité et l'indépendance de l'État vis-à-vis de toutes les religions sont garanties. La liberté du culte et le libre exercice de sa pratique sont garantis », fin de citation. 

Il est donc indéniable que la liberté du culte et son libre exercice ont une valeur constitutionnelle. Ils font partie des libertés fondamentales et constituent des droits inaliénables et sacrés de tout être humain. 

En sa qualité d'État de droit, le Cameroun ne saurait se soustraire aux exigences ainsi formulées par sa propre Constitution. 

Mais, comme il est formellement établi dans tout État de droit justement, toute liberté est nécessairement circonscrite par les exigences de la vie en société. 

Le préambule de la Constitution est explicite à cet égard. Je cite: «Nul ne peut être inquiété en raison de ses origines, de ses opinions ou croyances religieuses... sous réserve du respect de l'ordre public et des bonnes mœurs», fin de citation. 

Cette disposition de notre loi fondamentale reprend, comme on peut s'en rendre compte, l'une de celles contenues dans la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen issue de la Révolution française de 1789 en ces termes, et je cite: «Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi», fin de citation. 
Il est donc établi, que ce soit au Cameroun ou ailleurs à travers le monde, que la liberté du culte, pour autant qu'elle soit reconnue à des citoyens, et garantie par les lois de la République, ne peut en aucun cas déborder les exigences de la vie en société, et particulièrement celle relative à l'ordre public. 

Cet ordre public, dans sa conception contemporaine, tel qu'il est aujourd'hui admis par toutes les sources du droit — la coutume, la doctrine, la jurisprudence et la loi —, où que l'on se trouve sur la planète, cet ordre public, disais-je, englobe la sécurité, la sûreté, la salubrité, et désormais la moralité publiques. 

En clair, quand bien même la liberté du culte s'exercerait librement, il lui faudrait encore se garder de porter atteinte à cet ordre public, ou aux autres libertés fondamentales, elles aussi garanties par la Constitution. 

Ensuite, la loi n°90/053 du 19 décembre 1990 portant sur la liberté d'association, traite de l'association religieuse, qu'elle définit d'une part, comme tout groupement de personnes physiques ou morales ayant pour vocation de rendre hommage à une divinité, et d'autre part, en tant que groupement de personnes, vivant en communauté conformément h une doctrine religieuse. 

Il découle visiblement de cette définition, que les églises mises en cause dans le cadre des opérations de régulation administrative menées par les différentes autorités en vertu de leurs attributions respectives, constituent bel et bien des associations religieuses, au sens où l'entend la loi du 19 décembre 1990 y relative. 

En tant que telles, le régime applicable à. leur création, donc h leur existence légale, est celui de l'autorisation préalable, conformément aux dispositions de l'article 5, alinéa 2 de la loi du 19 décembre 1990. 

Les articles 23 et 24 de cette même loi disposent en outre que toute association religieuse, ainsi que tout établissement congréganiste doit être autorisé. Ces autorisations sont prononcées par décret du Président de la République, après avis motivé du Ministre chargé de l'Administration territoriale. 

Comme on peut donc s'en rendre compte, la procédure d'autorisation en vue de la création d'une association religieuse, est à la fois longue et rigoureuse, ceci pour permettre à l'Administration de s'assurer de la bonne moralité des promoteurs, mais aussi, de déceler toute velléité de menace à l'ordre public ou d'atteinte aux bonnes mœurs. 

Un tel régime induit sans équivoque que, préalablement à son entrée en activité, toute association religieuse doive en être dûment autorisée, dans les conditions prévues par la loi. 

Cela étant, et comme je l'ai précédemment indiqué, le fait d'être autorisé n'exonère pas pour autant l'association religieuse ainsi autorisée, de ses obligations de respect de l'ordre public et des autres lois et règlements en vigueur. 

Deuxièmement, pour ce qui est de la situation telle qu'elle prévaut sur le terrain: 

D'abord le tableau confessionnel légal, qui du reste a été à maintes fois rendu public par le ministre en charge de l'Administration territoriale, y compris par voie de presse, fait état de 47 associations religieuses dûment autorisées à ce jour, dont la moitié entre 1990 et 2009. Depuis cette date, aucune association religieuse n'a plus été autorisée. 

Ce qui voudrait dire que l'écrasante majorité de ses églises qui essaiment nos villes et villages à l'heure actuelle, existent en toute illégalité, bénéficiant d'un régime de tolérance administrative. - La raison en est simplement que le Gouvernement, conscient de l'intérêt que représente, tout au moins en théorie, la spiritualité dans l'épanouissement de tout être humain, conscient aussi de ce qu'avant tout, ce sont la liberté d'initiative et le pluralisme des idées et des convictions religieuses qui devraient primer en matière de liberté du culte, et non pas une tendance à l'«oligo-polisation» des consciences humaines, a pris l'option de tolérer le fonctionnement de certaines confessions religieuses, dans l'attente de l'aboutissement ou non de leurs dossiers d'autorisation administrative. 

De plus, face à des questions ayant trait à la foi, aux croyances et aux convictions religieuses, il y a lieu, me semble-t-il, d'assouplir autant que possible la rigidité des normes juridiques, dès lors qu'une telle flexibilité ne fait pas courir le risque d'un dérapage ou d'une permissivité préjudiciables à l'ensemble de l'équilibre social. 

Il s'en est donc malheureusement suivi, à la faveur de cette volonté d'ouverture, une prolifération quasi anarchique d'églises de ce type, charriant des pratiques toutes aussi malsaines qu'indécentes, en tout cas contraires à l'objectif d'épanouissement spirituel des populations, ainsi qu'à la probité morale de l'ensemble de la société. 

Au nombre de ces pratiques aux effets insoutenables, il y a d'abord la généralisation du marchandage des autorisations obtenues par les uns au bénéfice de nombreuses confréries clandestines, autrement dit, des titulaires d'autorisations administratives qui, moyennant rétribution, procèdent des cessions ou des locations desdites autorisations à d'autres associations. 

Viennent ensuite des cas patents d'extorsion de fonds à des personnes en situation de désespoir, donc des cas d'abus de faiblesse, des nuisances sonores et des tapages diurnes et nocturnes à répétition, d'atteintes à la pudeur publique et privée, de déstabilisation de la structure familiale par des manœuvres de diabolisation des instances parentales, de prosélytisme, et même de plus en plus, d'activités ou de préparatifs dangereux par la mise en péril de vies humaines pouvant aller jusqu'à la mort dans certains cas. Face à une telle situation dont la gravité n'est plus à démontrer, le Gouvernement ne pouvait rester insensible et inactif. Les autorités administratives qui ont en charge la préservation de l'ordre public se devaient de prendre leurs responsabilités. 

C'est ce qu'elles ont fait, en édictant des mesures de police administrative appropriées, et en procédant à l'application immédiate desdites mesures. 

Ces mesures ont été ainsi prises à titre conservatoire, étant entendu que les décisions de fermeture d'associations religieuses sont prises par le Ministre en charge de l'Administration territoriale. C'est donc d'une question de régulation, c'est-à-dire de conformité de légalité de l'exercice d'une activité, fat-elle religieuse, qu'il s'agit ici. 

Faut-il le rappeler, en agissant de la sorte, le Gouvernement se situe en phase avec son opinion publique et la société camerounaise tout entière, lesquelles, depuis belle lurette, se manifestent en faveur d'un assainissement en profondeur de cette activité. Nous en voulons pour simple illustration, l'interpellation forte dont le ministre en charge de l'Administration territoriale a fait l'objet de la part de l'Assemblée nationale, en sa session ordinaire du mois de juin 2013. 
Cette question a en effet été débattue lors de la séance plénière du 28 juin 2013, suite à la question orale n°391/Q0/AN/8 formulée par l'Honorable LYONGA Rachel Célestine, née EPOUPA. 

En cette circonstance, l'auguste Chambre avait sollicité du gouvernement, des explications claires sur la prolifération des églises dans notre pays et l'existence ou non d'un tableau confessionnel légal. 

L'assainissement du paysage confessionnel du Cameroun, non pas dans un but de répression sauvage ou intéressée, mais plutôt dans le cadre d'une saine régulation de ce secteur ô combien sensible pour la construction morale de notre société, correspond donc à une volonté de nos populations, qui chaque jour, suffoquent sous les coups de boutoirs de vendeurs d'illusion et autres utopistes, déguisés pour la circonstance en ministres du culte. Le gouvernement saisit l'occasion de la présente intervention pour rappeler l'indéfectible attachement de la communauté nationale et des institutions de notre pays, aux principes de l'État de droit, dont la liberté du culte constitue l'un des piliers fondamentaux. 

Il va de soi qu'en garantissant cette liberté fondamentale, il est aussi de la responsabilité de nos institutions de s'assurer de son plein exercice dans les conditions d'un bon ordre public, et du respect des autres libertés. 

Le faire n'est en rien contraire à la Constitution, mais au contraire conforme à celle-ci qui, dans son préambule, énonce que, je cite: «La liberté et la sécurité sont garanties à chaque individu, dans le respect des droits d'autrui et de l'intérêt supérieur de l'État», fin de citation. 

Il s'agit là d'un engagement à la fois constant et irréversible du président de la République, Son Excellence Paul BIYA, pour la promotion de l'État de droit, la protection des libertés, mais aussi pour la garantie de la paix, de l'unité et de la solidarité nationale dans notre pays. 

Je vous remercie de votre aimable attention».



26/08/2013
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