Le ministre des Sports envisage l’annulation des travaux de la dernière AG
La dernière session des assises de l’organe suprême de la Fédération camerounaise de football du 16 mai 2012 continue de faire des vagues sur sa légalité, sa légitimité ainsi que les résolutions prises.
I- Jusqu’où peut aller la tutelle ?
Lors de la conférence de presse donnée dans le cadre de la communication gouvernementale, le ministre des sports et de l’Education physique (Minsep), Adoum Garoua a affirmé qu’il avait demandé à la Fédération camerounaise de football (Fécafoot) de lui faire tenir le procès verbal des assises de la dernière Assemblée générale ordinaire.
Il y a été interpellé sur la question au regard des résolutions qui ont sonné comme un coup de tonnerre dans le monde du football camerounais et même au-delà de nos frontières. Ce n’est qu’après cela qu’il avisera. Mais avant, il a commis les services juridiques de son département ministériel de jeter un regard sur les contours de ces assises. Et particulièrement regarder les conséquences sur les délais qui lui sont accordés pour annuler les travaux de ces assises.
Cette demande au caractère d’une interpellation, voile mal la volonté de la tutelle de ne pas laisser que la Fécafoot continue de fonctionner comme un super Etat dans un Etat. Surtout que l’article 2 alinéa 2 des statuts indique que : « Le président de la fédération fait connaitre au ministre en charge des sports toutes les modifications de ses textes organiques trente (30) jours au plus tard après leur adoption. Dans les mêmes conditions, il informe le ministre de tous les changements intervenus dans la composition de l’organe exécutif de la Fédération.» Et comme l’indique le communiqué final sanctionnant cette session, cette Ag a procédé d’une part à la révocation de certains membres du comité exécutif, marquant ainsi des changements dans la composition de l’organe exécutif.
Et d’autre part à l’adoption des modifications de certaines dispositions des textes (statuts, règlements généraux, Code disciplinaire et le code électoral) régissant l’organisation faîtière du football camerounais. Cette énième modification a la particularité que les amendements ont été faits par la Fifa à la suite d’un chapelet de récriminations des acteurs de la société civile intervenants dans le football. Ce qui peut expliquer que ces modifications qui ont eu le mérite de toiletter judicieusement les textes de bases de la Fécafoot sont passés comme une lettre à la poste. Malgré quelques failles issues des omissions ou des ajouts insidieusement faits.
II- La Fécafoot un super Etat dans un Etat
L’une des résolutions de cette Ag est la révocation de l’Ambassadeur itinérant, Roger Albert Miller de sa qualité de président d’honneur de la Fécafoot. Celle-ci a sonné comme une défiance supplémentaire à l’égard de la haute autorité de l’Etat qu’incarne le Président de la République. Ce d’autant plus que Roger Albert Miller jouit depuis plusieurs années d’un statut de membre du gouvernement que lui confère le décret du président de la République une confiance renouvelée dans le gouvernement du 9 décembre 2011. Ceci en vertu de son importante œuvre dans le nivellement vers le haut, mais alors très haut du sportif africain et du football continental en général et du Cameroun en particulier.
Ses prouesses ont valu au continent africain d’obtenir cinq places qualificatives à une phase finale de Coupe du monde Fifa. Et sur le plan personnel, de devenir une légende vivante du football mondial. Pour cette reconnaissance, la Fifa l’a élu « joueur africain du 20è siècle » et membre d’une influente et très réservée commission où ne siègent que des anciennes gloires du football mondial, soigneusement triés sur le volet. Ce qui en a aussi fait une voix influente dans les instances mondiales du football. Autant de distinctions et bien d’autres qui en font pour l’image du Cameroun, le plus prestigieux Ambassadeur que ce pays n’ait jamais connu.
L’évocation du seul nom de « Roger Milla » au-delà de nos frontières a déjà servi à plus d’un Camerounais comme visa, mieux comme carte de séjour. Et son entregent a permis au Cameroun de voir sa disqualification de la phase éliminatoire de la coupe du monde 2006 être levée après l’échec de toutes les démarches diplomatiques possibles. Ce qui a fait dire aux plus grands critiques que Roger Milla et les Lions Indomptables ont donné au Cameroun plus que ce que la diplomatie camerounaise n’en a donné depuis l’indépendance. Il va sans dire que cette révocation de Roger Milla a choquée la grande famille du sport dans le monde, de savoir que cette icône est ainsi trainée dans les miasmes dans son pays. Ce d’autant plus que cette décision, elle seule est une atteinte à l’image du Cameroun et à ses intérêts comme le stipule l’article 2 alinéa 4 des statuts du 28 mai 2011 : « La Fécafoot s’engage à s’abstenir de tout acte ou comportement contraire aux intérêts du Cameroun ou de nature à déteindre son image.»
III- Les raisons juridiques de l’annulation
Curieusement cette disposition a été supprimée dans les nouveaux textes adoptés lors de l’Ag du 16 mai 2012. Tout comme celle de son alinéa 1 qui stipule que « La Fécafoot est placée sous la tutelle du ministre en charge des sports conformément à la législation et à la réglementation en vigueur.» Ce qui est une atteinte grave à l’autorité de l’Etat et une véritable démarcation de l’autorité de tutelle. Autant de raisons pour lesquelles, Adoum Garoua devrait annuler les travaux de cette session. Le service juridique du Minsep entend s’appuyer sur les dispositions de l’article 25 qui n’ont pas été respectées.
Il stipule en son alinéa 1 que «L’Assemblée générale ordinaire est convoquée par le président de la Fécafoot une fois par an au plus tard le 15 du mois d’avril.» Or comme de coutume, elle n’a pas été respectée, rendant nul et de nul effet les travaux de cette session. Et en son alinéa 2 il est stipulé que «les convocations à une session, rédigées en français et en anglais, doivent être adressées à tous les membres quinze (15) jours au moins avant ladite session.» ce qui n’a pas été le cas. Pis encore pour l’alinéa 3 qui précise que : « La convocation formelle se fait par écrit au moins sept (07) jours avant la date de l’Assemblée générale. Seront expédiés en même temps que la convocation, l’ordre du jour, le rapport d’activité du président, les comptes annuels, le rapports des auditeurs indépendants et tout autre document utile.»
Mais encore, la proposition de révocation de Roger Albert Miller par le comité exécutif du 15 mai n’a pas été motivé comme l’exige l’article 45 alinéa 2 des statuts : «La proposition de révocation doit être motivée…» Pourtant la 11ème délibération des travaux du comité exécutif indique que «Le comité exécutif suspend Monsieur Albert Roger Miller de sa qualité de président d’honneur de la Fécafoot et propose sa révocation à l’Assemblée générale» (sic). L’alinéa 3 stipule que « la personne ou l’organe mis en cause a le droit de se défendre devant l’Assemblée générale.» Ce qui n’a pas été le cas puisqu’il n’a même pas été notifié.
Certaines indiscrétions laissent entendre que celle-ci pourrait arriver au sortir des trois matches éliminatoires des Lions indomptables pour la Can 2013 et le mondiale 2014. Conscient de la menace d’annulation qui pèse sur les travaux de cette Ag, et sachant que la tutelle détient les arguments de droit en sa faveur, à la Fécafoot on susurre que si le ministre Adoum Garoua poussait «l’outrecuidance », alors ce sera le grand déballage sur la gestion financière du match aller contre la guinée Bissau comptant pour les éliminatoires pour la Can 2013. Show devant !