Fame Ndongo: L'esclave, le sophiste et la vénération spontanée
YAOUNDE - 31 MAI 2012
© PIERRE CÉLESTIN ATANGANA | Mutations
«Ministres, députés, nous sommes tous des créatures du président Biya. Sans son décret, je ne serais rien. C'est la même chose pour les députés. On ne peut pas être député si l'on n'a pas été investi par le Rdpc qui a été créé par le président Biya.»
© PIERRE CÉLESTIN ATANGANA | Mutations
«Ministres, députés, nous sommes tous des créatures du président Biya. Sans son décret, je ne serais rien. C'est la même chose pour les députés. On ne peut pas être député si l'on n'a pas été investi par le Rdpc qui a été créé par le président Biya.»
«Ministres, députés, nous sommes
tous des créatures du président Biya. Sans son décret, je ne serais
rien. C'est la même chose pour les députés. On ne peut pas être député
si l'on n'a pas été investi par le Rdpc qui a été créé par le président
Biya.»
Ainsi parlait Jacques Fame Ndongo sur le plateau de l'émission «Parole d'homme» en mars 2010 sur les antennes de Canal 2 International. Face à Joly Koum, le présentateur d'alors, le ministre de l'Enseignement Supérieur, très inspiré ce soir-là, remuait les terres en jachères d'un sillon où la dévotion délirante à un individu, Paul Biya en l'occurrence, avait trouvé un fertile asile. Si cette sortie avait semblé déconcertante pour les uns, pour beaucoup, c'était l'exécution d'un récital dont les paroles et la mélodie ont été écrites par un maître de l'art oratoire, qui manie à merveille les fonctions du discours et qui magnifie son créateur.
La dévotion à Paul Biya est pour Jacques Fame Ndongo une sorte d'opium qu'il consomme sans modération. Les prémices de cette célébration enivrante du président de la République remontent à mai 1983. Six mois seulement après l'accession à la magistrature suprême du successeur constitutionnel d'Ahmadou Ahidjo, le sémiologue commet l'ouvrage «Paul Biya ou l'incarnation de la rigueur» aux éditions Sopecam. Dans cet opus, il prend le risque de publier la carte d'étudiant du chef de l'Etat et donne sa véritable identité (Paul Barthélemy Biya'a bi Mvondo), jusque-là ignorée du grand public. Dans son essai, il déifie son créateur, magnifie l'œuvre du nouveau président dont le règne était long de six mois, salue le visionnaire, et trace les perspectives d'un bail dont les germes de la prospérité sont portés d'après lui, par un homme dont les idéaux de paix sont inaltérables et inaliénables.
Par cette somme littéraire, l'actuel Minesup pose les jalons de la ligne de défense, à travers ce qui sera aperçu plus tard comme le discours fondateur des intellectuels du Renouveau. Parvenu à la Cellule de la communication de la présidence de la République en 1984 après un passage à Cameroon Tribune, le journaliste, diplômé de l'Ecole de Lille, travaille à polir l'image du président, et à traquer les ennemis supposés ou réels du régime. C'est ainsi qu'on lui prêtera à tort ou à raison, la rédaction des discours du Chef de l'Etat, et donc, de porter sa pensée. Homme de l'ombre, il sera aussi le chantre de la communication du Renouveau. Avec le journal Le patriote, chargé de donner la réplique à ceux qui tournent en dérision le régime, Ossou Bita (son pseudonyme dans cet hebdomadaire devenu périodique), il produit des éditoriaux qui encensent le système et pond des textes incendiaires qui dénigrent le camp d'en face.
Pour défendre le système, Jacques Fame Ndongo n'hésite pas à s'aliéner le soutien et l'amitié de ses camarades de parti. En 2004 par exemple, alors que Grégoire Owona et Françoise Foning lancent le débat sur la modification de la constitution le 17 janvier 2004 à travers une motion de soutien envoyée pour publication à Cameroon Tribune, le ministre de la Communication qu'il est, fait pression sur le quotidien gouvernemental afin qu'il publie une motion de soutien mutilée de la partie concernant l'abrogation de la limitation des mandats présidentiels. Résultat, le lendemain, un texte incomplet est publié en lieu et place de celui que le «groupe de Douala» a envoyé. Opération de récupération politique ou alors peur de se faire griller par le secrétaire général du comité central. Toujours est-il qu'il n'a pas hésité à humilier et à frustrer son camarde de parti et collègue du gouvernement. Dans la sanctification de son maître, il n'y a pas mieux. Il [Fame Ndongo] n'hésite pas à tenir des propos inexacts s'il le faut pour le blanchir et sauver ce qui peut l'être...
EXTRAITS D'UN ARTICLE PARU DANS LES CAHIERS DE MUTATIONS
Fame Ndongo: Le temps des titans
Dans un éditorial acidulé, le secrétaire à la Communication du Rdpc répond à l'ancien ministre d'Etat.
Le n°848 du journal L'Action, publication du comité central du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc), paru hier, n'est pas loin d'être une édition spéciale sur Marafa Hamidou Yaya. En effet, cinq pages sur 16 de cette livraison sont consacrées à l'ancien ministre d'Etat en charge de l'Administration territoriale et de la Décentralisation, en détention préventive à la prison centrale de Kondengui, puis au Sed, depuis le 16 avril dernier.
De l'abondante réplique des «lieutenants» du président national de ce parti, Paul Biya, on retient particulièrement l'éditorial du secrétaire à la communication du comité central du Rdpc, Jacques Fame Ndongo, qui est titré: «Un plaidoyer pro-domo peut se situer à des années-lumière de la vérité». Dans son style si caractéristique, le ministre Fame Ndongo s'insurge contre la «prose épistolaire du camarade Marafa Hamidou Yaya [qui] est rigide, sèche, voire arithmétique», et se démarque du registre de la tendresse et de l'amour propre à Jean Jacques Rousseau. «A travers les médias, les militants du Rdpc, les Camerounais et les internautes du inonde entier ont assisté, éberlués, à la naissance d'un écrivain camerounais qui rivalise d'inspiration et de ténacité avec les célébrissimes romanciers épistolaires français», révèle-t-il d'entrée de propos.
Pour Jacques Fame Ndongo, l'attitude du «camarade Marafa», qui tient la dragée haute au président de la République, quitte à transgresser le devoir de réserve, qui est un sacro-saint principe du droit administratif, ne surprend guère, «l'Histoire étant parsemée de ces reniements aussi loufoques que machiavéliques et spectaculaires». L'autopsie de la littérature épistolaire du «camarade Marafa» conduit le ministre sur trois principales pistes : d'abord la piste de la discipline du parti : «Le camarade Marafa Hamidou Yaya est membre du Rdpc, du comité central et du bureau politique. Jusqu'à preuve du contraire, nous le considérons comme l'un des nôtres, à part entière (...). Toutefois, le fait pour un membre du Rdpc, de présenter aux Camerounais un projet de société autre que celui du président national induit, implicitement, que ce camarade déroge sciemment aux dispositions pertinentes de l'article 31 des statuts [du Rdpd. Cela signifie qu'il en tire, lui-même les conséquences. Le principe aristotélicien du tiers-exclu nous apprend que nul ne saurait « être et ne pas être».
Fidélité
Au sujet de «la politique de la nation», le ministre de l'Enseignement supérieur fait remarquer que celui qui, pendant près de 20 ans, a scrupuleusement appliqué la politique définie par le président de la République (...) couvre [aujourd'hui] d'opprobre son ancien mentor et promet, selon certaines indiscrétions de déféquer (excuser la métaphore rabelaisienne) encore davantage sur celui qui le nomma ministre d'Etat et le coopta, à 44 ans, au bureau politique du parti proche du pouvoir. C'est son droit élémentaire, le. Cameroun étant un Etat de droit, une démocratie plurielle et un pays où (dl n'est plus besoin de prendre le maquis pour exprimer ses idées».
Mais, estime Fame Ndongo, l'ancien Minatd fait diversion dans ses lettres : «Le camarade Marafa est attendu sur le terrain judiciaire (au tribunal), mais il s'illustre sur le champ politique, ses contempteurs diraient «politicien», en présentant à l'opinion publique mondiale sa version des faits». L'ancien Sgpr ferait également dans le divertissement, au goût du porte-parole du Rdpc : «le chef de l'Etat est peint [dans ses lettres] sur un registre dantesque voire ubuesque (Ubu, Roi) lors même que l'image connue et reconnue de S.E Paul Biya est celle d'un homme d'Etat pondéré, sage, perspicace, patriote, démocrate (...). Et quid de l'image du camarade Marafa? Selon lui-même, elle est angélique (loyauté, intégrité, engagement, fidélité, rejet de la courtisanerie et de la duplicité, conseils pertinents et perspicaces mu Prince) Voire !».
Enfin, le ministre Fame Ndongo élabore sur «le terrain judiciaire» : «C'est sur ces eaux véridiques que le peuple camerounais attend, maintenant le camarade Marafa, et non sur de prétendues «révélations fracassantes» ou sur un narcissisme auto-purificateur».
GEORGES ALAIN BOYOMO
Ainsi parlait Jacques Fame Ndongo sur le plateau de l'émission «Parole d'homme» en mars 2010 sur les antennes de Canal 2 International. Face à Joly Koum, le présentateur d'alors, le ministre de l'Enseignement Supérieur, très inspiré ce soir-là, remuait les terres en jachères d'un sillon où la dévotion délirante à un individu, Paul Biya en l'occurrence, avait trouvé un fertile asile. Si cette sortie avait semblé déconcertante pour les uns, pour beaucoup, c'était l'exécution d'un récital dont les paroles et la mélodie ont été écrites par un maître de l'art oratoire, qui manie à merveille les fonctions du discours et qui magnifie son créateur.
La dévotion à Paul Biya est pour Jacques Fame Ndongo une sorte d'opium qu'il consomme sans modération. Les prémices de cette célébration enivrante du président de la République remontent à mai 1983. Six mois seulement après l'accession à la magistrature suprême du successeur constitutionnel d'Ahmadou Ahidjo, le sémiologue commet l'ouvrage «Paul Biya ou l'incarnation de la rigueur» aux éditions Sopecam. Dans cet opus, il prend le risque de publier la carte d'étudiant du chef de l'Etat et donne sa véritable identité (Paul Barthélemy Biya'a bi Mvondo), jusque-là ignorée du grand public. Dans son essai, il déifie son créateur, magnifie l'œuvre du nouveau président dont le règne était long de six mois, salue le visionnaire, et trace les perspectives d'un bail dont les germes de la prospérité sont portés d'après lui, par un homme dont les idéaux de paix sont inaltérables et inaliénables.
Par cette somme littéraire, l'actuel Minesup pose les jalons de la ligne de défense, à travers ce qui sera aperçu plus tard comme le discours fondateur des intellectuels du Renouveau. Parvenu à la Cellule de la communication de la présidence de la République en 1984 après un passage à Cameroon Tribune, le journaliste, diplômé de l'Ecole de Lille, travaille à polir l'image du président, et à traquer les ennemis supposés ou réels du régime. C'est ainsi qu'on lui prêtera à tort ou à raison, la rédaction des discours du Chef de l'Etat, et donc, de porter sa pensée. Homme de l'ombre, il sera aussi le chantre de la communication du Renouveau. Avec le journal Le patriote, chargé de donner la réplique à ceux qui tournent en dérision le régime, Ossou Bita (son pseudonyme dans cet hebdomadaire devenu périodique), il produit des éditoriaux qui encensent le système et pond des textes incendiaires qui dénigrent le camp d'en face.
Pour défendre le système, Jacques Fame Ndongo n'hésite pas à s'aliéner le soutien et l'amitié de ses camarades de parti. En 2004 par exemple, alors que Grégoire Owona et Françoise Foning lancent le débat sur la modification de la constitution le 17 janvier 2004 à travers une motion de soutien envoyée pour publication à Cameroon Tribune, le ministre de la Communication qu'il est, fait pression sur le quotidien gouvernemental afin qu'il publie une motion de soutien mutilée de la partie concernant l'abrogation de la limitation des mandats présidentiels. Résultat, le lendemain, un texte incomplet est publié en lieu et place de celui que le «groupe de Douala» a envoyé. Opération de récupération politique ou alors peur de se faire griller par le secrétaire général du comité central. Toujours est-il qu'il n'a pas hésité à humilier et à frustrer son camarde de parti et collègue du gouvernement. Dans la sanctification de son maître, il n'y a pas mieux. Il [Fame Ndongo] n'hésite pas à tenir des propos inexacts s'il le faut pour le blanchir et sauver ce qui peut l'être...
EXTRAITS D'UN ARTICLE PARU DANS LES CAHIERS DE MUTATIONS
Fame Ndongo: Le temps des titans
Dans un éditorial acidulé, le secrétaire à la Communication du Rdpc répond à l'ancien ministre d'Etat.
Le n°848 du journal L'Action, publication du comité central du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc), paru hier, n'est pas loin d'être une édition spéciale sur Marafa Hamidou Yaya. En effet, cinq pages sur 16 de cette livraison sont consacrées à l'ancien ministre d'Etat en charge de l'Administration territoriale et de la Décentralisation, en détention préventive à la prison centrale de Kondengui, puis au Sed, depuis le 16 avril dernier.
De l'abondante réplique des «lieutenants» du président national de ce parti, Paul Biya, on retient particulièrement l'éditorial du secrétaire à la communication du comité central du Rdpc, Jacques Fame Ndongo, qui est titré: «Un plaidoyer pro-domo peut se situer à des années-lumière de la vérité». Dans son style si caractéristique, le ministre Fame Ndongo s'insurge contre la «prose épistolaire du camarade Marafa Hamidou Yaya [qui] est rigide, sèche, voire arithmétique», et se démarque du registre de la tendresse et de l'amour propre à Jean Jacques Rousseau. «A travers les médias, les militants du Rdpc, les Camerounais et les internautes du inonde entier ont assisté, éberlués, à la naissance d'un écrivain camerounais qui rivalise d'inspiration et de ténacité avec les célébrissimes romanciers épistolaires français», révèle-t-il d'entrée de propos.
Pour Jacques Fame Ndongo, l'attitude du «camarade Marafa», qui tient la dragée haute au président de la République, quitte à transgresser le devoir de réserve, qui est un sacro-saint principe du droit administratif, ne surprend guère, «l'Histoire étant parsemée de ces reniements aussi loufoques que machiavéliques et spectaculaires». L'autopsie de la littérature épistolaire du «camarade Marafa» conduit le ministre sur trois principales pistes : d'abord la piste de la discipline du parti : «Le camarade Marafa Hamidou Yaya est membre du Rdpc, du comité central et du bureau politique. Jusqu'à preuve du contraire, nous le considérons comme l'un des nôtres, à part entière (...). Toutefois, le fait pour un membre du Rdpc, de présenter aux Camerounais un projet de société autre que celui du président national induit, implicitement, que ce camarade déroge sciemment aux dispositions pertinentes de l'article 31 des statuts [du Rdpd. Cela signifie qu'il en tire, lui-même les conséquences. Le principe aristotélicien du tiers-exclu nous apprend que nul ne saurait « être et ne pas être».
Fidélité
Au sujet de «la politique de la nation», le ministre de l'Enseignement supérieur fait remarquer que celui qui, pendant près de 20 ans, a scrupuleusement appliqué la politique définie par le président de la République (...) couvre [aujourd'hui] d'opprobre son ancien mentor et promet, selon certaines indiscrétions de déféquer (excuser la métaphore rabelaisienne) encore davantage sur celui qui le nomma ministre d'Etat et le coopta, à 44 ans, au bureau politique du parti proche du pouvoir. C'est son droit élémentaire, le. Cameroun étant un Etat de droit, une démocratie plurielle et un pays où (dl n'est plus besoin de prendre le maquis pour exprimer ses idées».
Mais, estime Fame Ndongo, l'ancien Minatd fait diversion dans ses lettres : «Le camarade Marafa est attendu sur le terrain judiciaire (au tribunal), mais il s'illustre sur le champ politique, ses contempteurs diraient «politicien», en présentant à l'opinion publique mondiale sa version des faits». L'ancien Sgpr ferait également dans le divertissement, au goût du porte-parole du Rdpc : «le chef de l'Etat est peint [dans ses lettres] sur un registre dantesque voire ubuesque (Ubu, Roi) lors même que l'image connue et reconnue de S.E Paul Biya est celle d'un homme d'Etat pondéré, sage, perspicace, patriote, démocrate (...). Et quid de l'image du camarade Marafa? Selon lui-même, elle est angélique (loyauté, intégrité, engagement, fidélité, rejet de la courtisanerie et de la duplicité, conseils pertinents et perspicaces mu Prince) Voire !».
Enfin, le ministre Fame Ndongo élabore sur «le terrain judiciaire» : «C'est sur ces eaux véridiques que le peuple camerounais attend, maintenant le camarade Marafa, et non sur de prétendues «révélations fracassantes» ou sur un narcissisme auto-purificateur».
GEORGES ALAIN BOYOMO