Extrême-Nord: Un réseau d'approvisionnement de Boko Haram démantelé

YAOUNDÉ - 22 Octobre 2012
© RAOUL GUIVANDA ET DAVID WENAÏ | L'Oeil du Sahel

Neuf personnes interpellées et 1400 munitions saisies.

Le 13 octobre 2012, aux environs de 20 h 30, des policiers en faction au niveau du pont reliant la ville de Limani a Amchidé dans le Mayo-Sava, immobilisent un véhicule de marque Toyota communément appelé Carina E. Un travail de routine à ce check point, le dernier avant de gagner paisiblement le Nigeria. Les policiers fouillent le véhicule et tombent sur un sac suspect posé dans la malle arrière du véhicule. Ils l'ouvrent et jackpot: 1.399 munitions de kalachnikov, un pistolet et un fusil de marque kalachnikov.

Les passagers du véhicule sont interpellés sur le-champ. Outre le chauffeur Adoum Mahamat, il s'agit de Bana Modu (32 ans), Abba Ahmat (28 ans) et Badou Oumar (30 ans). D'où viennent-ils? «Ils ont indiqué qu'ils venaient de Kousseri. Quand ils se sont rendu compte que nous avons découvert le pot aux roses, l'un d'eux a jeté son portable dans la rivière qui passe sous le pont, et un autre y a aussi jeté des documents», affirme un policier qui a participé à l'opération. Un vrai réflexe de professionnel de la part des suspects.

A qui appartenaient l'arme et les munitions interceptées? «Les munitions et l'arme, selon la déclaration des suspects, appartiendraient à un certain Aboya, installé à Kousseri, et ils les acheminaient à Arachide pour les remettre à Abba Gomma de nationalité tchadienne», explique un responsable des services de sécurité de l'Extrême-Nord. Pour l'instant, le fournisseur et le client supposés sont introuvables. Depuis lors, toutefois, les policiers ont progressé dans leur enquête tant et si bien que ce sont aujourd'hui neuf personnes qui séjournent à la prison de Maroua en attendant de passer devant le commissaire du gouvernement.


BOKO HARAM

Selon nos informations, les policiers seraient tombés sur une des nombreuses filières du réseau islamiste Boko Haram implantées au Cameroun. «Bobo Haram a besoin d'armes et de munitions et ses fournisseurs s'approvisionnent au Tchad, au Soudan et en Centrafrique. Ils préfèrent passer par le Nord-Cameroun parce que la surveillance est moins stricte qu'au Niger par exemple. Le véhicule a roulé de Kousseri jusqu'à Amchidé et a passé théoriquement pas moins de dix contrôles», regrette une source haut placée au State Security Service (SSS) à Maiduguri dans l'Etat de Borno. «C'est une activité très lucrative car grace au racket et aux dons divers, la secte a beaucoup d'argent et ne lésine pas sur le prix pour acheter du matériel militaire», poursuit la source au sein du SSS.

Les trafiquants d'armes ont trouvé là une belle opportunité pour les affaires. Autant dire même qu'ils affluent de partout. Les premières enquêtes ont révélé par-exemple que si tous les passagers du véhicule intercepté possèdent la carte nationale d'identité camerounaise, deux sont d'origine nigériane et un est tchadien. Une petite multinationale, bien organisée. «Les documents jetés à l'eau par le suspect d'origine tchadienne et retrouvés par les policiers le rattachent aux services de sécurité tchadiens. Nous procédons en ce moment à des vérifications pour savoir s'il ne s'agit pas de faux documents. Le fait qu'il l'avait toutefois en sa possession indique qu'il en avait besoin pour circuler en toute quiétude aussi bien au Tchad qu'au Cameron», indique un responsable camerounais.

Le Nigeria suit très attentivement cette première grosse prise du Cameroun même si certains responsables du SSS à Maiduguri regrettent qu'ils ne puissent interroger les suspects et remonter la filière jusqu'au Nigeria. «Nous n'avons pratiquement pas de collaboration sur la question et cela nuit gravement à l'efficacité de notre lutte contre ce cancer. Le Cameroun refuse d'admettre que sa partie Nord est une zone de transit et de refuge pour les membres de la secte alors que nous disposons des informations sérieuses a ce propos. J'espère que les derniers évènements vont lui ouvrir les yeux et accepter une coopération plus accrue sur le sujet», espère le responsable haut placé du SSS à Maiduguri.


25/10/2012
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