Exclusif: un scandale secoue Etoudi, des ministres et des responsables dans la tourmente
Source: Camerounweb 20 01 2021
Des ministres et des responsables de la présidence dans la tourmente.
La Commission nationale anti-corruption est saisie depuis le 17 novembre 2020 d’une requête émanant du groupe français Ciao, aux fins défaire la lumière sur « des manœuvres susceptibles de recevoir une pluralité de qualifications pénales, à raison d’agissements commis par une société de droit camerounais, CGZ Construction Group, son dirigeant Guy Djouken, associé ou agissant pour le compte de plusieurs ministres, (…) et hauts fonctionnaires, agissant dans l’exercice de leurs fonctions, en bande organisée ». L’affaire enrhume aujourd’hui certains services de la présidence de la république, où des réunions s’enchaînent à un rythme effréné, afin d’y trouver rapidement solution.
Pour cause, en plus de la requête adressée ù la Conac et cotée au Premier ministre chef du gouvernement le 03 décembre 2020, l’affaire prend les allures d’un véritable imbroglio diplomatico-judiciaire, ù l’initiative de Léon Lucide, Pdg du groupe Ciao, qui a également saisi Jean Yves Le Drian, ministre français des Affaires étrangères, Eric Dupont Moretti, Garde des Sceaux et ministre français de la Justice, Christophe Guilhou, ambassadeur de France au Cameroun, sans compter le tribunal de grande instance de Toulon, de même que les juges de référé des tribunaux de Yaoundé et de Douala.
C’est un véritable volcan en ébullition dans la gouvernance des marchés publics au Cameroun, de même que dans les relations d’affaires entre la France et le Cameroun. La plainte de l’investisseur français Léon Lucide a vocation à demander assistance auprès des autorités saisies, afin de trouver un règlement à ce qu’il considère comme « mensonges, mise en scène, et manipulations diverses » de son partenaire camerounais, CGZ Construction Group, dans la mise en œuvre de la convention de partenariat signée le 02 février 2020, et qui le lie au Groupe Ciao, convention paraphée en vue de l’implantation de plusieurs logements sociaux économiques au Cameroun. Mais également à mettre à nu les manœuvres mafieuses ( ?) qu’il a enregistrées autour de la mise en œuvre de cette convention. De quoi s’agit-il exactement ?
La chronologie des faits de l’espèce est minutieusement détaillée dans la requête adressée à la Conac – la Commission nationale anti-corruption, document volumineux de 80 pages,,qui retrace avec force détails les contours de l’odyssée entrepreneuriale du groupe Ciao, dans la cadre de l’affaire. Répondant à une invitation de Célestine Ketcha Courtès, Mindhu – ministre de l’Habitat et du Développement urbain, la société Ciao a séjourné au Cameroun courant juillet 2019, à l’effet de présenter ses technologies aux autorités camerounaises, dans l’optique de nouer des relations de partenariat public-privé avec ces autorités, dans des domaines touchant à l’investissement et notamment la construction des logements sociaux économiques.
A l’occasion, les technologies Bati-Fablab et Road-Rock avaient visiblement séduit les autorités camerounaises. Plusieurs autorités et officiels du pays avaient été rencontrés, dont le ministre Directeur du Cabinet civil de la présidence de la république, Samuel Mvondo Ayolo, Cléopâtre Mengolo, Intendant adjoint de la présidence de la république, Monsieur Ondo, responsable en service au protocole du Directeur du Cabinet civil, et tout naturellement le Minhdu Ket-cha Courtès. Joseph Dion Nguté, Premier ministre, chef du gouvernement, avait même accordé une audience au Pdg de Ciao, Léon Lucide, au cours de laquelle il avait encouragé l’investisseur français à concrétiser ses intentions d’investissement au Cameroun.
CGZ et le contrat de 3,435 EUROS
C’est à la suite de ces différentes audiences qu’un accord de licence et de partenariat avait été signé préalablement entre Ciao et Emmanuel Neossi, Pd& de Néo-Industy. Mais, la rupture de la relation commerciale entre Neossi et Ciao, par la suite, n’a pas , dilué l’intérêt du Cameroun pour les technologies du Groupe Ciao, notamment pour la réalisation du programme de construction de 200 000 logements sociaux sur 10 ans, selon la requête adressée à la Conac.
Le 28 janvier 2020, CGZ Construction Group et son Directeur Guy Djouken adressaient une lettre d’intention au Pdg du groupe Ciao dans laquelle ils manifestaient leur « très grand intérêt à contracter avec le groupe Ciao (…), en vue de créer une joint-venture, qui nous permettra d’accéder aux licences d’exploitation exclusive (pays-Cameroun), de vos technologies Titan et Road-Rock respectivement, pour la construction des maisons et des routes ».
Le 29 janvier 2020, Léon Joseph Lucide, Pdg du Groupe Ciao, retourne au Cameroun où il séjournera jusqu’au 03 février. C’est au cours de ce séjour que les conseils de CGZ Construction Group (Me Njindam Nchankou), et ceux du Groupe Ciao passeront en revue les contours du contrat entre Ciao et Néossi, pour en élaguer toutes les contraintes et signer une nouvelle convention de partenariat.
Désormais séparé de Néossi, c’est Guy Djouken et son CGZ Construction Group qui constituaient le partenaire de Ciao au Cameroun, en vue de l’exploitation de ses technologies. Le 02 février 2020, les statuts de la nouvelle société entre Ciao et CGZ sont rédigés et signés, et les connaissements de Ciao que détenaient Neossi transférés officiellement à CGZ.
Pour le capital de la nouvelle société, il est prévu que CGZ, gérant commandité, détentrice de 51 % des parts, devait apporter la somme de 1 752 201,75 euros, et Ciao, commanditaire, allait s’acquitter de 1 683 489 euros, soit 49 % des parts. Soit une société de 3 435 690 euros de capital. On croit avoir affaire à de gentlemen, mais la première entorse au fonctionnement harmonieux du partenariat interviendra dès la libération du capital.
Selon les termes de la convention paraphée le 02 février, un échéancier était concédé au sieur Guy Djouken pour la libération de sa participation. 300 000 euros, à échéance de 30 jours après la signature, soit au plus tard le 03 mars 2020, 159 324 euros à échéance de 60 jours, et 04 traites pour un total de 1 292 877 euros à échéance 90,150,240 et 300 jours.
Début des hostilités
D’après la dénonciation adressée à la Conac, la première « mauvaise foi » de Guy Djouken se manifestera dès la première échéance. Passé les 30 premiers jours tel que convenu, aucune réaction du Dg de CGZ Construction Group. Le 9 mars, Léon Lucide dégaina la première alerte. Dans une lettre adressée à son partenaire camerounais, il lui fait remarquer son mutisme au sujet de la libération de la première créance.
« A ce jour, nous notons que l’échéance due au 03mars n ’est toujours pas honorée, en dépit des annonces de règlement rapide. Nous vous remercions de bien vouloir nous créditer sans délai de ce montant échu de 300 000 euros. Egalement pour la bonne tenue de nos comptes, conformément à nos accords, nous vous saurons gré de bien vouloir nous remettre les 4 traites qui complètent le plan de financement de l’opération ».
En réaction à cette interpellation, Guy Djouken répondra à travers Sms et autres messages whatsapp, dont des copies sont compilées dans le document, par de bonnes déclarations d’intention. Dans l’un de ces messages envoyés le 09 mars 2020, on peut lire : « Bonjour Président. Tout en vous souhaitant un bon weekend, je tiens à vous rassurer de notre parfait état d’esprit. Ce partenariat sera gagnant pour nous tous.
Mme le Mindhu va saisir en début de semaine le ministre des Finances pour les exonérations. Nous aurons le loisir de choisir un site pour les logements-pilotes avec Mr Kwembou. Je sais aussi que vous attendez de nous les virements accompagnés des traites. Je puis vous rassurer que vous aurez des nouvelles positives la semaine prochaine à ce propos. 11 fallait que nous nous débarrassions de quelques facteurs susceptibles d’être nocifs à notre collaboration, chose qui a été faite avec Votre aide aussi ».
Toutefois, jusqu’à Ja fin du mois de mars, la situation ne changera pas d’un iota, amenant Léon Lucide à relancer CGZ, cette fois, d’une mise en demeure formelle.
«… Nous vous mettons ici formellement en demeure d’exécuter vos obligations dans les 48 heures,, en nous versant à notre domiciliation bancaire en France les 300 000 euros; ou de l’équivalent en XAF à notre compte au Cameroun (joint). Dans ce cas, vous devez promptement obtenir les autorisations de transfert auprès des autorités pour nous permettre la pleine disposition de ces fonds et assurer les frais relatifs au change et au transfert; nous remettre les traites selon les termes convenus au contrat. Sans préjudice et avec nos plus extrêmes réserves ».
Cette mise en demeure suscita la réplique musclée de Me Njindam Nchankou, conseil de la société CGZ en date du 25 mars 2020, dans laquelle il évoque pour la première fois, l’hypothèse d’une résiliation anticipée du contrat.
« Les conventions ont été signées pour une montant de 3 435 690 euros (…) Il vous a été in -formé par ma cliente comme vous le confirmez dans votre mise en demeure, qu’un financement bancaire est nécessaire pour honorer ces engagements. Ma cliente trouve important de vous faire savoir qu’on a beau être de près ou de loin rattaché à la présidence de la république que cela ne signifie pas qu ’une somme aussi importante peut être levée d’un grenier… », écrit-elle, selon la lettre de dénonciation adressée à la Conac.
Evoquant au passage les difficultés de CGZ à réunir les financements nécessaires au respect de son engagement part CGZ, il finit sa correspondance par une offre pour le moins surprenante : « Elle me demande par conséquent de vous in fonder qu’elle ne peut plus vous communiquer une date de règlement et qu’elle est disposée à accepter la rupture des liens contractuels ».
Une option qui visiblement mettra Léon Lucide dans tous ses états. Dans ses échanges épistolaires subséquents, l’opérateur français s’emploiera à expliquer les dispositions de l’article 5 de la convention, qui traite de la résiliation anticipée du contrat, qui ne saurait intervenir que moyennant un prévis de 06 mois, la date de réception faisant foi, et sous forme de courrier recommandé avec accusé de réception, entre autres conditions.
Coup de théâtre, dans une correspondance datée du 10 avril 2020 portant objet « Lettre de recadrage », Guy Djouken désavoue son avocat et fait de nouveau valoir son intention de poursuivre le partenariat avec Ciao. « Me référant à la lettre de notre avocat datée du 25 mars, répondant à votre mise en demeure du 23 mars 2020, ainsi qu’à toutes nos communications orales postérieures, et actes posés (remise de chèque)jusqu’à ce jour, (…) depuis vous rassurer que les associés de CGZ et moi-même restons en accord parfait avec vous pour la continuation de notre partenariat bénéfique à toutes les parties », écrit-il, avant de poursuivre :
« Pour revenir au paiement de vos échéances, le paiement de la tranche de 459 000 euros était adossé sur le paiement d’une de nos créances que nous attendons du ministère des Finances depuis le début de l’année, avant même votre invitation ici », terminant sa missive par une déclaration plus rassurante :
« Je viens donc par la présente lettre lever toute équivoque, tout doute sur notre ferme volonté de travailler avec vous ». Faut-il le préciser, monsieur Djouken avait pris soin de signer 05 chèques en garantie de sa créance, tirés sur CCA Bank, qui se sont révélés sans provision, les comptes utilisés n’étant pas approvisionnés, indique la dénonciation à la Conac. Des échanges épistolaires qui marquaient ainsi le début des hostilités entre Ciao et CGZ Construction Group.
Procédures contentieuses
C’est l’ensemble de toutes ces manigances et autres subterfuges qui ont amené l’investisseur français à conclure à la « mauvaise foi » de son partenaire camerounais et de ses connexions. En plus de ces échanges qui laissent transparaître la versatilité du Dg de CGZ, Guy Djouken a en outre tenté de convaincre Léon Lucide, en lui présentant plusieurs propositions farfelues censées couvrir sa créance.
A l’instar d’un marché d’assainissement de certains quartiers de la ville de Yaoundé, signé par la ministre Ketcha Courtès, dont les revenus lui auraient permis de régler sa dette. Ou encore l’offre de vente à réméré d’un terrain lui appartenant à Yaoundé, avant de se débiner pour cause d’opposition de son épouse, alors qu’un footballeur camerounais évoluant en Europe avait déjà marqué son accord pour son acquisition. Il faut dire qu’entre temps, une correspondance du DCC – Directeur du Cabinet civil adressée au Minhdu Ketcha Courtès, signée le 13 février 2020, suggère au ministre en charge des questions de logements « de bien vouloir examiner cette offre qui me parait conforme à la volonté du Chef de l’Etat », notamment l’offre de service pour la construction de 200 000 logements par le groupe Ciao.
Le programme d’investissement s’en trouve depuis lors coincé, CGZ n’ayant jamais libellé son apport à la constitution de la société censée le mettre en œuvre, bien que disposant déjà des technologies du Groupe Ciao et de sa licence, alors même que les 07 conteneurs de matériels nécessaires aux travaux envoyés par Ciao se trouvent toujours bloqués au port de Douala, depuis plus de 10 mois. CGZ détenant déjà les technologies de Ciao, de même que ses connaissements pour le dédouanement de ces marchandises.
Dédouanement pour lequel la Minhdu avait sollicité son collègue des Finances pour des exonérations, compte tenu de l’importance du projet pour la politique sociale du chef de l’Etat. Mais dans une clairvoyance et une vigilance prémonitoires, Louis Paul Motaze, dans sa réponse, avait invité CGZ à contacter l’Api -1’Agence de Promotion des Investissements, pour plus de diligence.
C’est fort de tous ces désagréments et de bien d’autres énoncés dans la lettre de dénonciation à la Conac que Léon Lucide s’est résolu à se lancer dans des procédures diplomatiques et contentieuses contre tous les Camerounais privés ou officiels, impliqués dans la scabreuse affaire. On parle de 02 procédures en différé devant les tribunaux civils de Douala et de Yaoundé, et d’une plainte auprès du Procureur de la république près le tribunal de grande instance de Toulon en France, qui indique avec force détails, les contours de l’affaire et les prétentions du groupe Ciao en guise de dommages et intérêts.
Parallèlement, une requête a été adressée au ministre français des Affaires étrangères, qui a chargé l’ambassadeur de France au Cameroun du suivi du dossier, qui à son tour a mandaté Sieur Grandjouan, chef de service économique régional de l’ambassade, pour des investigations sur le différend. Sans compter la saisine du Garde des Sceaux français, Eric Dupont Moretti.
Sortie de crise
Depuis lors, ça bouillonne dans les coulisses diplomatiques et certains couloirs ministériels et présidentiels. C’est fort opportunément que nous avons adressé il y a trois semaines un protocole d’interview en demande de clarification au principal concerné, Guy Djouken. Malheureusement, il est resté lettre morte jusqu’à date. Aveu de culpabilité ? Question de conscience. Néanmoins, joint au téléphone par notre rédaction, le Dg de CGZ Construction Group se veut combattif. Il réfute toutes les accusations de mauvaise foi et de malhonnêteté dolosive mis à son débit par son partenaire français.
Il réaffirme sa bonne foi, tout en indiquant que c’est le contexte austère hé à la survenue du Covid-19 qui l’a empêché d’honorer ses engagements contractuels, faisant étalage d’une litanie de propositions faites par lui pour sauver le partenariat, qui n’ont pas reçu écho favorable auprès du Pdg du Groupe Ciao. D’ailleurs, il ne manque pas au passage de dénoncer le manque de sérieux de Léon Lucide, qu’il accuse d’être réfractaire à toute offre de règlement à l’amiable, préférant défendre ses intérêts personnels au heu de sauver la convention qui aurait produit des retombées bénéfiques aux deux parties.
Néanmoins, rassure-t-il, qu’à la suite de plusieurs descentes au Port autonome de Douala, les 07 conteneurs envoyés par Ciao sont en parfait état et bien gardés, contrastant ainsi avec des inquiétudes des responsables de Ciao, qui craignent pour leur détérioration. Toutefois, Guy Djouken se veut confiant, en dépit des procédures déroulées autour de l’affaire, et indique que les pouvoirs publics (camerounais) sont en passe de trouver une solution concertée à l’affaire.
Référence sans doute aux multiples réunions de sortie de crise qui s’organisent à la présidence de la république, afin de sauver l’image du Cameroun dans ce contentieux. En effet, d’après nos sources, un comité restreint a été mis en place à la direction du Cabinet civil de la présidence, pour démêler les écheveaux. Plusieurs réunions y relatives s’y sont déjà tenues, parallèlement aux procès déjà ouverts. Seule certitude qui se dégage des entretiens, l’exonération de responsabilité des officiels de la présidence de la république, dont le rôle s’est limité à encourager une offre d’investissement, qui présentait des retombées bénéfiques pour le Cameroun conformément à la vision du président de la République.
D’ailleurs, il en est du Groupe Ciao que des autres investisseurs privés, nationaux ou étrangers, qui ont toujours reçu des responsables de la présidence de la république, une écoute diligente pour la mise en œuvre de leurs plans d’investissement au Cameroun. Même les responsables du groupe Ciao semblent le reconnaître, eux qui affirment dans leur plainte à Toulon que « après renseignements pris en ce sens, il s’avère que Monsieur Mvondo Ayolo (Ministre-Directeur du Cabinet civil, Monsieur Ondo (responsable du Protocole du Directeur du Cabinet civil, et monsieur Cléopâtre Mengolo, ne disposent d’aucun pouvoir réel sur la réalisation du projet de construction envisagé ».
Reste à savoir qui paiera la note finale pour cette entourloupe qui risque de couvrir d’opprobre l’image du Cameroun auprès des investisseurs étrangers, et plus particulièrement à l’égard de la France, l’un de ses soutiens sûrs sur l’échiquier international. Affaire à suivre.