Exclusif ! Un commissaire divisionnaire déballe tout sur l'Opération Epervier
Le Messager
« J’étais payé pour faire ce que mes supérieurs m’ont prescrit de faire au cours de l’Opération Epervier »
Ancien Sous-directeur chargé des enquêtes préliminaires à la Direction de la police judiciaire, Benjamin Ntonga, reconverti dans la défense des droits de l’Homme, revient entre autres sur les cas Abah Abah, Yves-Michel Fotso, Atangana Mebara, Olanguéna Awana, Abono Moampamb... et évoque la condamnation de Michel Thierry Atangana
«...Certains parents du président de la République , de sa famille propre ou alliée, sont incarcérés ou sur le point de l’être dans le cadre de cette opération...»
Dans cette série de rendez –vous manqués, il fallait tenir pour arracher le moindre propos au commissaire divisionnaire, 4e échelon à la retraite, Benjamin Ntonga. Tant il est de ceux qui sont taxés avoir le verbe rare. Son regard inquisiteur jauge d’emblée son interlocuteur venu lui tirer les vers du nez. “ Vous voulez qu’on parle droit de l’Homme, eh bien allons y, c’est ma nouvelle tasse de thé ”, lance-t-il. L’ancien sous-directeur des renseignements généraux préfère son actuelle occupation à celle de flic autrefois redouté. Et voir l’enthousiasme avec laquelle il en parle, on sent bien qu’il pourrait s’y étendre pendant plusieurs lunes.
Mais cela n’échappe pas au reporter. C’est ce monsieur qui a officié comme sous-directeur des enquêtes économiques et financières à la direction de la police judiciaire d’octobre 2006 à janvier 2009. Et donc, c’est lui qui a mené les enquêtes préliminaires des affaires Mebara, Abah Abah, Olanguena, Abono, Ngamo Hamani, Fotso... “ Revenez un autre jour. On en parlera ”. Il sert la même rengaine lorsque ces sujets-là sont évoqués, comptant certainement sur le découragement de son interlocuteur. Jusqu’à ce que vint ce jour de samedi où il lâche quelques mots.
Mais jusque-là, il faut pouvoir lire entre les lignes pour comprendre les insinuations quand il parle de l’Opération Epervier. Evitant de jouer les juges ou de trahir les secrets de l’instruction, cet ancien haut cadre de la police, né le 07 août 1955 à Eséka, dit sa part de vérité, en tant que personne de premier plan, sur l’opération qui vise officiellement à assainir les mœurs dans la gestion de la chose publique dans la Res publica. On peut alors deviner en lisant entre les lignes qu’il y a eu des arrestations injustes, que certains détourneurs de la fortune publique se battent pour que l’opération soit perçue comme une épuration politique de peur d’être pris dans les serres du rapace, que la police n’a pas toujours eu les coudées franches... Mieux que le fin limier, c’est le militant des droits de l’Homme qui parle.
Vous avez quand même occupé de hautes responsabilités au sein de la police camerounaise qu’on présente comme un rassemblement de tortionnaires. Comment s’est passé votre conversion, puisque vous quittez un des appareils répressifs de l’Etat pour militer pour la cause des droits de l’Homme ?
Je tiens à rectifier cette idée qui tient du lieu commun. Il y a certes des cas de violations de droits enregistrés dans la manière de servir de la police de notre pays. Ce sont des actes regrettables qui ne doivent pour autant pas faire perdre de vue qu’à l’intérieur de cette institution, de nombreux fonctionnaires s’acquittent de leur devoir dans des conditions parfois ignorées du public, mais qui confinent assez souvent au sacerdoce. De nombreux policiers sont habités par le sens du service public qui caractérise leur travail quotidien et manifestent un vif respect pour les droits de l’Homme. Le choix porté sur notre modeste personne pour sortir des fonts baptismaux l’Association droits de l’Homme – international pour la zone Afrique témoigne de la présence au sein de la police camerounaise de personnels n’ayant pas de leçons à recevoir dans cette matière sensible.
Comment tout ceci a-t-il été possible ? Je dois avouer que nous avons été coopté par certains observateurs qui nous ont proposés au conseil d’administration de cette association qui a pris le 10 décembre 2010 à Marseille en France une délibération nous investissant à cette charge pour une durée de trois années. Il faudrait sans doute indiquer que, comme de nombreux autres fonctionnaires de police de notre pays, j’ai pu bénéficier d’une formation en droits de l’Homme à l’Université catholique d’Afrique centrale où je poursuis des recherches doctorales dans ce domaine. Il s’agit donc, il me semble, d’une transition naturelle.
Vous avez travaillé longtemps dans les forces de police. De cette posture, pensez-vous que le mal causé par l’insuffisance du respect des droits de l’Homme soit si profond que ça dans ce sous segment ?
Vous savez, la problématique des droits de l’Homme se posera sous tous les cieux tant qu’il y aura des Hommes. Si droits de l’Homme – international voit le jour en novembre 2009 en France, pays réputé des libertés, vous comprenez que le combat n’est jamais définitivement gagné nulle part. Le mal est réel et nous sommes persuadés qu’il n’y aura jamais trop de mains pour travailler à l’éradiquer.
De manière opérationnelle vous allez vous attaquer à quoi, car les atteintes aux droits de l’Homme sont récurrentes au Cameroun...
Pour demeurer fidèle aux principes d’action de notre association, nous n’exclurons nulle facette d’activité susceptible d’induire des violations des droits de l’Homme. Comme vous le savez, ces violations peuvent être politiques, économiques, sociales, culturelles ; elles peuvent concerner des groupes ou être individuelles. Nous nous efforcerons de ne rien négliger. Toutefois, il va de soi que pour un début, de peur de mal étreindre en trop embrassant, nous verrons de quelle manière il sera possible de contribuer à la réduction des atteintes aux droits de l’Homme par les institutions dont la mission est justement d’assurer la promotion et la protection de ceux-ci, je voudrais parler des forces de maintien de l’ordre et de la Justice.
Quelle sera la plus value des droits de l’Homme - international à côté des autres entités déjà vouées à la promotion et la défense des droits humains ?
Ainsi que nous l’avons déjà indiqué, nous sommes persuadés qu’aucune compétence ne sera de trop dans cette mission difficile. Nous le sommes d’autant plus que notre conviction est que le jour où tous les Hommes se feront des défenseurs de droits de l’Homme, ceux-ci cesseront d’être violés. Mais dans l’attente de la réalisation de cet idéal, nous pensons que notre modeste pierre contribuera, aux côtés des autres structures œuvrant dans cette matière, à maintenir debout cet édifice de l’humain que des forces contraires cherchent à démolir.
Vous avez exercé pendant quelques années les fonctions de sous-directeur des enquêtes économiques et financières à la direction de la police judiciaire. C’est donc vous qui avez auditionné “les éperviables ”. Bien plus, c’est vous qui avez mené les enquêtes préliminaires de leurs procès. Vous sentez-vous super homme après avoir envoyé des barons en prison ?
Je ne me reconnais pas dans cette image. Vous savez, notre époque est sans doute de plus en plus caractérisée dans la fonction publique par des comportements jetant aux orties les valeurs élémentaires et pourtant sacrées du service public. Les notions de devoir, d’intégrité publique ou encore du sens de l’intérêt général sont en option chez de nombreux fonctionnaires. Personnellement, je ne suis pas habité par un tel sentiment. J’étais payé pour faire ce que la loi et mes supérieurs m’ont prescrit de faire. Je n’ai fait que mon devoir. En plus, il s’agit en réalité du travail d’une équipe de fonctionnaires que le sort a voulu que je dirige. Je devrais même dire que sans ces hommes et femmes, jeunes pour la plupart, profondément habités par les enjeux de la mission à accomplir, donnant régulièrement de leur temps de repos et parfois de leurs moyens personnels pour le succès final, les résultats obtenus n’auraient jamais été atteints.
Il est néanmoins évident que depuis votre départ de cette structure, on assiste comme à un arrêt de cette opération...
Vous faites sans doute bien de le souligner. Toutefois, je suis incapable d’apporter une explication à votre observation. Il n’est pas impossible que des mesures soient en train d’être prises en vue de rationaliser la conduite de cette opération pour des résultats plus probants.
Lorsque vous regardez les procès, vous vous dites que vos conclusions sont prises en compte ?
Pour l’essentiel, les conclusions de nos rapports ont été suivies par diverses informations. Nous avons relevé néanmoins un cas qui nous semble curieux d’un citoyen actuellement incarcéré dans des circonstances qui nous semblent défier aussi bien le droit que les faits à la base de cette grave mesure. S’agissant de ce qui nous semble constituer une atteinte caractérisée aux droits de l’Homme, nous nous réservons l’opportunité d’en parler dans un proche avenir.
L’opinion prête la nature d’épuration politique à l’Opération Epervier. Vous qui étiez au four et au moulin, qu’en pensez-vous ?
De mon point de vue, il n’en est rien. Toutes les personnes actuellement impliquées dans ces affaires se sont retrouvées confrontées avec la loi pénale de notre pays. Il est vrai que certaines décisions du genre de celle que je viens de dénoncer pourraient prêter le flanc à cette insinuation, ou encore certains retards dans la prise de mesures concernant des personnes également incriminées mais curieusement laissées libres peuvent contribuer à entretenir dans l’opinion cette idée. Il s’agit-là, nous en sommes convaincus, de phénomènes de surface qui trouvent leur explication ailleurs que dans la volonté du premier magistrat qui a instruit la conduite de cette opération.
Pourtant les dossiers étaient initiés de la présidence de la République et dans le meilleur des cas, par le ministre de la Justice...
Cela ne change pas grand-chose à ce que je viens de dire. Toutefois, il ne faudrait pas perdre de vue que nous sommes dans le cadre d’une procédure qui est régie par des principes dont le moindre n’est pas la présomption d’innocence. La Justice s’occupe de ces affaires. Malgré des choses que l’on pourrait améliorer, il convient de faire confiance à cette institution qui prendra, le moment venu, les décisions les plus adaptées à chaque cas.
Mais l’affaire de l’interpellation de Paul Ngamo Hamani par la Pj , sa relaxe par la Dgsn et son interpellation à nouveau par exemple, affiche bien les atermoiements de cette opération qui peuvent prêter le flanc à ces critiques...
Cette situation que vous signalez relève d’un malheureux malentendu qui, comme vous le savez, a été rapidement corrigé, puisque cet homme, à ma connaissance, est actuellement incarcéré.
Mais il nous revient que c’est sur instruction du délégué général de l’époque qu’un inspecteur général est venu le relaxer...
Beh !!! Cela est certainement dû à une mauvaise communication. La bonne information est remontée et les choses sont revenues à l’ordre.
Si tant est que cette Opération n’est pas politique, cette étiquette qu’on lui colle trouverait ses origines où selon vous ?
Vous savez, l’opinion se nourrit davantage de faits apparents et très peu de personnes vont au fond des choses. Vous devez sans doute vous rappeler que certains parents du président de la République , de sa famille propre ou alliée, sont incarcérés ou sur le point de l’être dans le cadre de cette opération ou de la lutte en général contre la corruption. D’autres sont même décédés en détention. S’il s’agit donc d’une opération politique, on devrait reconnaitre que le président a prescrit une bonne politique dans l’application de la loi pénale. Il choisit en effet de commencer à balayer devant sa porte, il choisit d’enlever de son œil la poutre qui s’y trouve avant d’ôter la paille de l’œil de son voisin. On devrait donc penser que le meilleur, ou alors le pire pour les criminels, est à venir.
Et ces traitements humiliant alors...
De quoi voulez-vous parler ?
On vous a notamment reproché de réserver des traitements pas corrects à certains “ éperviables ”. Notamment Abah Abah et Olanguena Awono qui ont été filmés par les camera de la Crtv alors qu’ils étaient couchés sur des matelas de fortune. Si ce n’était pas la volonté de les humilier, c’était donc quoi ?
A ma connaissance, cette épuration avait été organisée par les intéressés qui se sont montrés soucieux de jeter le discrédit sur les enquêtes. Par principe, je n’aurais pas personnellement autorisé une telle démarche, ne fût-ce que du fait que les prises de vue ne sont pas autorisées à l’intérieur des services de sécurité qui sont des points sensibles. Bien plus, la garde à vue étant un acte de police judiciaire, celle-ci est couverte par le secret professionnel et ne saurait tolérer pareille publicité intempestive.
Et ces arrestations spectaculaires où on observait des déploiements du Gmi, du Gso lourdement armés...
Il fallait tout simplement envoyer le message que force revienne à la loi. Car ces gens pouvaient avoir des inconditionnels qui auraient, pourquoi, pas manifesté leur mécontentement en public.
Autre chose. On a entendu dire au cours de cette Opération qu’il y a déjà eu beaucoup de Béti. Il fallait donc équilibrer en prenant des gens issus d’autres ethnies. Il paraît que vous n’étiez pas d’accord pour cette approche...
Vous savez, il n’est pas possible de freiner toutes sortes d’opinions dans le feu des opérations de cette nature. Les faits sont pourtant là pour indiquer que toutes les composantes tribales de notre pays sont impliquées dans les actes incriminés. D’une manière générale, lorsque l’on est choisi par le sort pour effectuer une mission de cette nature, il importe de se mettre au-dessus d’un type de considérations et éviter de hurler avec les loups.
Dites-nous Monsieur le commissaire divisionnaire, pourquoi les dossiers vous parvenaient presque au moment où il fallait mettre les mis en cause aux arrêts. Pourquoi n’avoir pas plaidé pour qu’on laisse les suspects en liberté au cours des enquêtes préliminaires et de l’instruction ?
Il s’agit d’un mode de procédure pensé et mis en place en accord avec le procureur de la République qui, comme vous le savez, est le directeur des enquêtes. Il est vrai que d’un point de vue strictement protecteur des droits de l’Homme, on devrait faire de la liberté d’aller et venir le principe et sa limitation l’exception. Mais, en raison de la nature des faits en cause et de leurs auteurs auxquels une certaine opinion attribuait des pouvoirs insoupçonnés, je crois qu’il avait été convenu que des mesures soient prises afin d’indiquer la claire détermination de l’Etat à demeurer maître du jeu et que son autorité ne devait nullement être mise en doute par des criminels, quel que fût leur statut social.
Vous voulez dire que comme le prétendaient des gorges chaudes, ils représentaient une menace pour la paix sociale ?
Nous prenions toutes les précautions.
Les avez-vous jamais interrogés sur la nébuleuse G11 ?
Non.
Nous avons appris de nos sources que vous n’aviez pas toujours été d’accord sur l’embastillement de certains suspects de l’Opération. Cette information est-elle fondée ?
Nous nous sommes simplement laissés commander par les dispositions légales en matière de garde à vue.
Pour le cas Olanguena Awono, vous avez dit à votre hiérarchie, le parquet notamment : “ je n’ai rien trouvé contre lui, mais je vous l’envoie sur votre demande ”...
Cette information, comme vous le savez, est réservée car elle relève du secret de l’enquête. Je ne sais donc pas de qui vous la tenez.
Vous auriez estimé qu’il n’y a pas eu détournement dans l’affaire Fotso, que l’infraction de détournement ne devait pas être retenue contre les suspects, mais tout autre chose...
Je peux me tromper, mais je n’ai pas eu à enquêter sur une quelconque affaire Fotso Toutefois, si vous faites allusion au lié à son incarcération, et sous réserve d’être renseigné sur le contenu du dossier sous-tendant cette mesure, je demeure dans une posture prudente. Néanmoins, ainsi que cela apparaît et peut être consulté sur le Net par tout le monde, il convient, au plan strict du droit, de retenir que la perte par l’Etat des sommes d’argent aujourd’hui querellées est liée à des négligences graves de certains hauts fonctionnaires actuellement inculpés [Atangana Mebara, Gérôme Medouga etc., ndlr ] pour d’autres faits n’étant liés au détournement de la somme actuellement en question.
Vous parlez de la responsabilité qui incombe aux hauts fonctionnaires. Mais Yves Michel Fotso n’est pas fonctionnaire...
Comme vous le dites, je parle bien de certains hauts fonctionnaires. On est curieux tout de même de savoir si Fotso s’est trouvé gardien de la somme d’argent querellée [31 millions de dollars Us, ndlr], a-t-il instruit le transfert de ces sommes vers une destination quelconque ? Les a-t-il reçues à un moment ou à un autre ? L’objet destiné à cet argent a-t-il été réalisé ou non ?
Vous avez certainement les réponses...
Si je réponds à ces questions, je viole le secret de l’instruction. Mais, de ma position de militant de droit de l’Homme, je me dis qu’en l’inculpant pour le détournement de ces sommes, la Justice a certainement clarifié son degré de responsabilité dans cette infraction, si elle est caractérisée. Est-il auteur, coauteur ou complice des suites ? Bien plus, lorsqu’on sait qu’en 2004, un tribunal américain avait pris une décision à l’issue d’une instance pour laquelle le Cameroun était partie civile en vue de la restitution de cette somme, nous sommes donc curieux de savoir quelles preuves ont été retenues contre lui. Cependant, au lieu de se livrer à des conjectures sans limites, laissons la procédure suivre son cours. Nous y verrons plus clair.
Toujours dans le chapitre des erreurs d’enquête préliminaire, il y a l’affaire Atangana Michel Thierry dont le principal témoin à charge pour certains volets, Mapouna pour ne pas le citer, a affirmé devant la barre avoir menti aux limiers de la police. Aviez-vous flairé ce mensonge ?
Il n’y a pas eu d’erreur dans cette affaire au cours de l’enquête préliminaire, puisque au cours de la première confrontation organisée depuis son déclenchement en 1997 entre Atangana Michel Thierry et le sieur Mapouna à la police judiciaire, ce dernier avait clairement avoué avoir inondé les circuits administratifs et judiciaires d’allégations pour nuire au premier nommé. En effet, il lui reprochait, à tort du reste, d’avoir pris sa place auprès du professeur Edzoa et il a affirmé avoir ainsi agi pour se venger.
Mais que dites-vous par rapport aux informations qui font de Atangana Michel le cerveau du complot attribué à Edzoa ?
Cette aberration fait partie de l’ensemble des insinuations de Mapouna sur lesquelles il revient du reste. L’enquête avait indiqué, ainsi que le confirment les débats actuels et même les déclarations du susnommé, l’inanité d’un tel fait.
Selon vous, ce prétendu complot d’Edzoa a-t-il existé après l’exploitation de Mapouna qui a écumé les salons pour dire qu’il était ourdi contre le régime ?
Je crois qu’il existe des structures au sein de l’appareil étatique pour vérifier ce genre d’informations.
Le contre-espionnage ?
Chacun sait quel est son rôle.
Dans le cadre de cette affaire, vous avez voulu interroger Dieudonné Ambassa Zang qui avait également chargé Michel Thierry Atangana. Qu’est ce qui vous en a empêché?
Vous savez que Monsieur Ambassa Zang était député à l’Assemblée nationale avec tous les privilèges se rattachant à cette fonction.
Des nombreuses auditions menées, quel est selon vous le profil psychologique d’un Michel Thierry Atangana, d’un Jean Marie Atangana Mebara, d’un Polycarpe Abah Abah ou encore d’Abono Paulin ?
Je me garderai bien de m’aventurer dans un terrain où je n’ai pas la moindre compétence, n’étant ni psychologue ni psychiatre. Toutefois, Atangana Michel Thierry, malgré les inévitables marques de sa souffrance injustement endurée depuis quatorze années, m’apparaît au jour d’aujourd’hui comme un homme serein qui continue à avoir foi en la capacité à dire le droit de la Justice de son pays qu’il aime plus que tout. Pour le reste, je me garde de tout commentaire.
Il y a des “ camerounités ” qu’on ne peut ne pas évoquer. Le sort de certains gros bonnets dépendait plus ou moins de vous. N’ont-ils jamais essayé de vous offrir quelques cadeaux ?
Non.
L’on dit souvent dans le jargon réservé à l’administration : “ Une mission, des moyens, des résultats ”. On sait quelle était votre mission. Quels ont été les moyens mis à votre disposition ? Et quels résultats avez-vous atteints ?
J’avais travaillé avec les moyens mis à ma disposition par mes chefs. Les résultats, certes modestes, sont ceux que vous connaissez.
Nous avons appris qu’une somme de 9 milliards Fcfa avait été débloquée pour les enquêtes. Quelle était la part réservée à la police judiciaire ?
Je l’ai moi aussi lu dans la presse. Je n’en sais pas plus.
Revenons à votre actuel statut. Vous êtes désormais l’interface de droits de l’Homme – international, une Ong de droit français. En quoi consistera votre tâche ?
Merci de me donner l’occasion de présenter assez rapidement l’association droits de l’Homme-international. Comme vous l’avez dit, il s’agit d’une association de droit français dont le but est de défendre les droits de l’Homme à travers le monde par tous les moyens légaux en s’inspirant largement dans son combat des exemples laissés par Yitzhak Rabin, Martin Luther King et Mohandas Karam Chand Gandhi. Elle est actuellement présidée par Me Gilbert Collard, avocat de renom français. L’association peut organiser des réunions, manifestations, colloques, débats et autres actions au bénéfice des droits de l’Homme. En se référant à la déclaration universelle des droits de l’homme, elle établit des rapports sur la situation de cette matière sensible qu’elle communique publiquement.
Notre tâche consistera donc à animer dans notre territoire de compétence l’ensemble des actions que se propose de mener droits de l’homme – international et de fournir des rapports aussi fréquents que de besoin au siège à Paris.
Comment seront choisis les membres de droit de l’Homme - international au Cameroun et en Afrique ?
Nous réfléchirons de concert avec notre hiérarchie sur les critères les plus appropriés afin de mettre notre structure dans les conditions les meilleures de performance. Néanmoins, je pourrais me risquer à dire qu’un minimum de connaissances dans le domaine des droits de l’Homme devrait constituer un atout, tout au moins pour les personnels impliqués dans les actions de terrain. De ce point de vue, les autres personnels administratifs seront choisis, cela me semble évident, en raison de leur compétence dans chaque branche déterminée.
« J’étais payé pour faire ce que mes supérieurs m’ont prescrit de faire au cours de l’Opération Epervier »
Ancien Sous-directeur chargé des enquêtes préliminaires à la Direction de la police judiciaire, Benjamin Ntonga, reconverti dans la défense des droits de l’Homme, revient entre autres sur les cas Abah Abah, Yves-Michel Fotso, Atangana Mebara, Olanguéna Awana, Abono Moampamb... et évoque la condamnation de Michel Thierry Atangana
«...Certains parents du président de la République , de sa famille propre ou alliée, sont incarcérés ou sur le point de l’être dans le cadre de cette opération...»
Dans cette série de rendez –vous manqués, il fallait tenir pour arracher le moindre propos au commissaire divisionnaire, 4e échelon à la retraite, Benjamin Ntonga. Tant il est de ceux qui sont taxés avoir le verbe rare. Son regard inquisiteur jauge d’emblée son interlocuteur venu lui tirer les vers du nez. “ Vous voulez qu’on parle droit de l’Homme, eh bien allons y, c’est ma nouvelle tasse de thé ”, lance-t-il. L’ancien sous-directeur des renseignements généraux préfère son actuelle occupation à celle de flic autrefois redouté. Et voir l’enthousiasme avec laquelle il en parle, on sent bien qu’il pourrait s’y étendre pendant plusieurs lunes.
Mais cela n’échappe pas au reporter. C’est ce monsieur qui a officié comme sous-directeur des enquêtes économiques et financières à la direction de la police judiciaire d’octobre 2006 à janvier 2009. Et donc, c’est lui qui a mené les enquêtes préliminaires des affaires Mebara, Abah Abah, Olanguena, Abono, Ngamo Hamani, Fotso... “ Revenez un autre jour. On en parlera ”. Il sert la même rengaine lorsque ces sujets-là sont évoqués, comptant certainement sur le découragement de son interlocuteur. Jusqu’à ce que vint ce jour de samedi où il lâche quelques mots.
Mais jusque-là, il faut pouvoir lire entre les lignes pour comprendre les insinuations quand il parle de l’Opération Epervier. Evitant de jouer les juges ou de trahir les secrets de l’instruction, cet ancien haut cadre de la police, né le 07 août 1955 à Eséka, dit sa part de vérité, en tant que personne de premier plan, sur l’opération qui vise officiellement à assainir les mœurs dans la gestion de la chose publique dans la Res publica. On peut alors deviner en lisant entre les lignes qu’il y a eu des arrestations injustes, que certains détourneurs de la fortune publique se battent pour que l’opération soit perçue comme une épuration politique de peur d’être pris dans les serres du rapace, que la police n’a pas toujours eu les coudées franches... Mieux que le fin limier, c’est le militant des droits de l’Homme qui parle.
Vous avez quand même occupé de hautes responsabilités au sein de la police camerounaise qu’on présente comme un rassemblement de tortionnaires. Comment s’est passé votre conversion, puisque vous quittez un des appareils répressifs de l’Etat pour militer pour la cause des droits de l’Homme ?
Je tiens à rectifier cette idée qui tient du lieu commun. Il y a certes des cas de violations de droits enregistrés dans la manière de servir de la police de notre pays. Ce sont des actes regrettables qui ne doivent pour autant pas faire perdre de vue qu’à l’intérieur de cette institution, de nombreux fonctionnaires s’acquittent de leur devoir dans des conditions parfois ignorées du public, mais qui confinent assez souvent au sacerdoce. De nombreux policiers sont habités par le sens du service public qui caractérise leur travail quotidien et manifestent un vif respect pour les droits de l’Homme. Le choix porté sur notre modeste personne pour sortir des fonts baptismaux l’Association droits de l’Homme – international pour la zone Afrique témoigne de la présence au sein de la police camerounaise de personnels n’ayant pas de leçons à recevoir dans cette matière sensible.
Comment tout ceci a-t-il été possible ? Je dois avouer que nous avons été coopté par certains observateurs qui nous ont proposés au conseil d’administration de cette association qui a pris le 10 décembre 2010 à Marseille en France une délibération nous investissant à cette charge pour une durée de trois années. Il faudrait sans doute indiquer que, comme de nombreux autres fonctionnaires de police de notre pays, j’ai pu bénéficier d’une formation en droits de l’Homme à l’Université catholique d’Afrique centrale où je poursuis des recherches doctorales dans ce domaine. Il s’agit donc, il me semble, d’une transition naturelle.
Vous avez travaillé longtemps dans les forces de police. De cette posture, pensez-vous que le mal causé par l’insuffisance du respect des droits de l’Homme soit si profond que ça dans ce sous segment ?
Vous savez, la problématique des droits de l’Homme se posera sous tous les cieux tant qu’il y aura des Hommes. Si droits de l’Homme – international voit le jour en novembre 2009 en France, pays réputé des libertés, vous comprenez que le combat n’est jamais définitivement gagné nulle part. Le mal est réel et nous sommes persuadés qu’il n’y aura jamais trop de mains pour travailler à l’éradiquer.
De manière opérationnelle vous allez vous attaquer à quoi, car les atteintes aux droits de l’Homme sont récurrentes au Cameroun...
Pour demeurer fidèle aux principes d’action de notre association, nous n’exclurons nulle facette d’activité susceptible d’induire des violations des droits de l’Homme. Comme vous le savez, ces violations peuvent être politiques, économiques, sociales, culturelles ; elles peuvent concerner des groupes ou être individuelles. Nous nous efforcerons de ne rien négliger. Toutefois, il va de soi que pour un début, de peur de mal étreindre en trop embrassant, nous verrons de quelle manière il sera possible de contribuer à la réduction des atteintes aux droits de l’Homme par les institutions dont la mission est justement d’assurer la promotion et la protection de ceux-ci, je voudrais parler des forces de maintien de l’ordre et de la Justice.
Quelle sera la plus value des droits de l’Homme - international à côté des autres entités déjà vouées à la promotion et la défense des droits humains ?
Ainsi que nous l’avons déjà indiqué, nous sommes persuadés qu’aucune compétence ne sera de trop dans cette mission difficile. Nous le sommes d’autant plus que notre conviction est que le jour où tous les Hommes se feront des défenseurs de droits de l’Homme, ceux-ci cesseront d’être violés. Mais dans l’attente de la réalisation de cet idéal, nous pensons que notre modeste pierre contribuera, aux côtés des autres structures œuvrant dans cette matière, à maintenir debout cet édifice de l’humain que des forces contraires cherchent à démolir.
Vous avez exercé pendant quelques années les fonctions de sous-directeur des enquêtes économiques et financières à la direction de la police judiciaire. C’est donc vous qui avez auditionné “les éperviables ”. Bien plus, c’est vous qui avez mené les enquêtes préliminaires de leurs procès. Vous sentez-vous super homme après avoir envoyé des barons en prison ?
Je ne me reconnais pas dans cette image. Vous savez, notre époque est sans doute de plus en plus caractérisée dans la fonction publique par des comportements jetant aux orties les valeurs élémentaires et pourtant sacrées du service public. Les notions de devoir, d’intégrité publique ou encore du sens de l’intérêt général sont en option chez de nombreux fonctionnaires. Personnellement, je ne suis pas habité par un tel sentiment. J’étais payé pour faire ce que la loi et mes supérieurs m’ont prescrit de faire. Je n’ai fait que mon devoir. En plus, il s’agit en réalité du travail d’une équipe de fonctionnaires que le sort a voulu que je dirige. Je devrais même dire que sans ces hommes et femmes, jeunes pour la plupart, profondément habités par les enjeux de la mission à accomplir, donnant régulièrement de leur temps de repos et parfois de leurs moyens personnels pour le succès final, les résultats obtenus n’auraient jamais été atteints.
Il est néanmoins évident que depuis votre départ de cette structure, on assiste comme à un arrêt de cette opération...
Vous faites sans doute bien de le souligner. Toutefois, je suis incapable d’apporter une explication à votre observation. Il n’est pas impossible que des mesures soient en train d’être prises en vue de rationaliser la conduite de cette opération pour des résultats plus probants.
Lorsque vous regardez les procès, vous vous dites que vos conclusions sont prises en compte ?
Pour l’essentiel, les conclusions de nos rapports ont été suivies par diverses informations. Nous avons relevé néanmoins un cas qui nous semble curieux d’un citoyen actuellement incarcéré dans des circonstances qui nous semblent défier aussi bien le droit que les faits à la base de cette grave mesure. S’agissant de ce qui nous semble constituer une atteinte caractérisée aux droits de l’Homme, nous nous réservons l’opportunité d’en parler dans un proche avenir.
L’opinion prête la nature d’épuration politique à l’Opération Epervier. Vous qui étiez au four et au moulin, qu’en pensez-vous ?
De mon point de vue, il n’en est rien. Toutes les personnes actuellement impliquées dans ces affaires se sont retrouvées confrontées avec la loi pénale de notre pays. Il est vrai que certaines décisions du genre de celle que je viens de dénoncer pourraient prêter le flanc à cette insinuation, ou encore certains retards dans la prise de mesures concernant des personnes également incriminées mais curieusement laissées libres peuvent contribuer à entretenir dans l’opinion cette idée. Il s’agit-là, nous en sommes convaincus, de phénomènes de surface qui trouvent leur explication ailleurs que dans la volonté du premier magistrat qui a instruit la conduite de cette opération.
Pourtant les dossiers étaient initiés de la présidence de la République et dans le meilleur des cas, par le ministre de la Justice...
Cela ne change pas grand-chose à ce que je viens de dire. Toutefois, il ne faudrait pas perdre de vue que nous sommes dans le cadre d’une procédure qui est régie par des principes dont le moindre n’est pas la présomption d’innocence. La Justice s’occupe de ces affaires. Malgré des choses que l’on pourrait améliorer, il convient de faire confiance à cette institution qui prendra, le moment venu, les décisions les plus adaptées à chaque cas.
Mais l’affaire de l’interpellation de Paul Ngamo Hamani par la Pj , sa relaxe par la Dgsn et son interpellation à nouveau par exemple, affiche bien les atermoiements de cette opération qui peuvent prêter le flanc à ces critiques...
Cette situation que vous signalez relève d’un malheureux malentendu qui, comme vous le savez, a été rapidement corrigé, puisque cet homme, à ma connaissance, est actuellement incarcéré.
Mais il nous revient que c’est sur instruction du délégué général de l’époque qu’un inspecteur général est venu le relaxer...
Beh !!! Cela est certainement dû à une mauvaise communication. La bonne information est remontée et les choses sont revenues à l’ordre.
Si tant est que cette Opération n’est pas politique, cette étiquette qu’on lui colle trouverait ses origines où selon vous ?
Vous savez, l’opinion se nourrit davantage de faits apparents et très peu de personnes vont au fond des choses. Vous devez sans doute vous rappeler que certains parents du président de la République , de sa famille propre ou alliée, sont incarcérés ou sur le point de l’être dans le cadre de cette opération ou de la lutte en général contre la corruption. D’autres sont même décédés en détention. S’il s’agit donc d’une opération politique, on devrait reconnaitre que le président a prescrit une bonne politique dans l’application de la loi pénale. Il choisit en effet de commencer à balayer devant sa porte, il choisit d’enlever de son œil la poutre qui s’y trouve avant d’ôter la paille de l’œil de son voisin. On devrait donc penser que le meilleur, ou alors le pire pour les criminels, est à venir.
Et ces traitements humiliant alors...
De quoi voulez-vous parler ?
On vous a notamment reproché de réserver des traitements pas corrects à certains “ éperviables ”. Notamment Abah Abah et Olanguena Awono qui ont été filmés par les camera de la Crtv alors qu’ils étaient couchés sur des matelas de fortune. Si ce n’était pas la volonté de les humilier, c’était donc quoi ?
A ma connaissance, cette épuration avait été organisée par les intéressés qui se sont montrés soucieux de jeter le discrédit sur les enquêtes. Par principe, je n’aurais pas personnellement autorisé une telle démarche, ne fût-ce que du fait que les prises de vue ne sont pas autorisées à l’intérieur des services de sécurité qui sont des points sensibles. Bien plus, la garde à vue étant un acte de police judiciaire, celle-ci est couverte par le secret professionnel et ne saurait tolérer pareille publicité intempestive.
Et ces arrestations spectaculaires où on observait des déploiements du Gmi, du Gso lourdement armés...
Il fallait tout simplement envoyer le message que force revienne à la loi. Car ces gens pouvaient avoir des inconditionnels qui auraient, pourquoi, pas manifesté leur mécontentement en public.
Autre chose. On a entendu dire au cours de cette Opération qu’il y a déjà eu beaucoup de Béti. Il fallait donc équilibrer en prenant des gens issus d’autres ethnies. Il paraît que vous n’étiez pas d’accord pour cette approche...
Vous savez, il n’est pas possible de freiner toutes sortes d’opinions dans le feu des opérations de cette nature. Les faits sont pourtant là pour indiquer que toutes les composantes tribales de notre pays sont impliquées dans les actes incriminés. D’une manière générale, lorsque l’on est choisi par le sort pour effectuer une mission de cette nature, il importe de se mettre au-dessus d’un type de considérations et éviter de hurler avec les loups.
Dites-nous Monsieur le commissaire divisionnaire, pourquoi les dossiers vous parvenaient presque au moment où il fallait mettre les mis en cause aux arrêts. Pourquoi n’avoir pas plaidé pour qu’on laisse les suspects en liberté au cours des enquêtes préliminaires et de l’instruction ?
Il s’agit d’un mode de procédure pensé et mis en place en accord avec le procureur de la République qui, comme vous le savez, est le directeur des enquêtes. Il est vrai que d’un point de vue strictement protecteur des droits de l’Homme, on devrait faire de la liberté d’aller et venir le principe et sa limitation l’exception. Mais, en raison de la nature des faits en cause et de leurs auteurs auxquels une certaine opinion attribuait des pouvoirs insoupçonnés, je crois qu’il avait été convenu que des mesures soient prises afin d’indiquer la claire détermination de l’Etat à demeurer maître du jeu et que son autorité ne devait nullement être mise en doute par des criminels, quel que fût leur statut social.
Vous voulez dire que comme le prétendaient des gorges chaudes, ils représentaient une menace pour la paix sociale ?
Nous prenions toutes les précautions.
Les avez-vous jamais interrogés sur la nébuleuse G11 ?
Non.
Nous avons appris de nos sources que vous n’aviez pas toujours été d’accord sur l’embastillement de certains suspects de l’Opération. Cette information est-elle fondée ?
Nous nous sommes simplement laissés commander par les dispositions légales en matière de garde à vue.
Pour le cas Olanguena Awono, vous avez dit à votre hiérarchie, le parquet notamment : “ je n’ai rien trouvé contre lui, mais je vous l’envoie sur votre demande ”...
Cette information, comme vous le savez, est réservée car elle relève du secret de l’enquête. Je ne sais donc pas de qui vous la tenez.
Vous auriez estimé qu’il n’y a pas eu détournement dans l’affaire Fotso, que l’infraction de détournement ne devait pas être retenue contre les suspects, mais tout autre chose...
Je peux me tromper, mais je n’ai pas eu à enquêter sur une quelconque affaire Fotso Toutefois, si vous faites allusion au lié à son incarcération, et sous réserve d’être renseigné sur le contenu du dossier sous-tendant cette mesure, je demeure dans une posture prudente. Néanmoins, ainsi que cela apparaît et peut être consulté sur le Net par tout le monde, il convient, au plan strict du droit, de retenir que la perte par l’Etat des sommes d’argent aujourd’hui querellées est liée à des négligences graves de certains hauts fonctionnaires actuellement inculpés [Atangana Mebara, Gérôme Medouga etc., ndlr ] pour d’autres faits n’étant liés au détournement de la somme actuellement en question.
Vous parlez de la responsabilité qui incombe aux hauts fonctionnaires. Mais Yves Michel Fotso n’est pas fonctionnaire...
Comme vous le dites, je parle bien de certains hauts fonctionnaires. On est curieux tout de même de savoir si Fotso s’est trouvé gardien de la somme d’argent querellée [31 millions de dollars Us, ndlr], a-t-il instruit le transfert de ces sommes vers une destination quelconque ? Les a-t-il reçues à un moment ou à un autre ? L’objet destiné à cet argent a-t-il été réalisé ou non ?
Vous avez certainement les réponses...
Si je réponds à ces questions, je viole le secret de l’instruction. Mais, de ma position de militant de droit de l’Homme, je me dis qu’en l’inculpant pour le détournement de ces sommes, la Justice a certainement clarifié son degré de responsabilité dans cette infraction, si elle est caractérisée. Est-il auteur, coauteur ou complice des suites ? Bien plus, lorsqu’on sait qu’en 2004, un tribunal américain avait pris une décision à l’issue d’une instance pour laquelle le Cameroun était partie civile en vue de la restitution de cette somme, nous sommes donc curieux de savoir quelles preuves ont été retenues contre lui. Cependant, au lieu de se livrer à des conjectures sans limites, laissons la procédure suivre son cours. Nous y verrons plus clair.
Toujours dans le chapitre des erreurs d’enquête préliminaire, il y a l’affaire Atangana Michel Thierry dont le principal témoin à charge pour certains volets, Mapouna pour ne pas le citer, a affirmé devant la barre avoir menti aux limiers de la police. Aviez-vous flairé ce mensonge ?
Il n’y a pas eu d’erreur dans cette affaire au cours de l’enquête préliminaire, puisque au cours de la première confrontation organisée depuis son déclenchement en 1997 entre Atangana Michel Thierry et le sieur Mapouna à la police judiciaire, ce dernier avait clairement avoué avoir inondé les circuits administratifs et judiciaires d’allégations pour nuire au premier nommé. En effet, il lui reprochait, à tort du reste, d’avoir pris sa place auprès du professeur Edzoa et il a affirmé avoir ainsi agi pour se venger.
Mais que dites-vous par rapport aux informations qui font de Atangana Michel le cerveau du complot attribué à Edzoa ?
Cette aberration fait partie de l’ensemble des insinuations de Mapouna sur lesquelles il revient du reste. L’enquête avait indiqué, ainsi que le confirment les débats actuels et même les déclarations du susnommé, l’inanité d’un tel fait.
Selon vous, ce prétendu complot d’Edzoa a-t-il existé après l’exploitation de Mapouna qui a écumé les salons pour dire qu’il était ourdi contre le régime ?
Je crois qu’il existe des structures au sein de l’appareil étatique pour vérifier ce genre d’informations.
Le contre-espionnage ?
Chacun sait quel est son rôle.
Dans le cadre de cette affaire, vous avez voulu interroger Dieudonné Ambassa Zang qui avait également chargé Michel Thierry Atangana. Qu’est ce qui vous en a empêché?
Vous savez que Monsieur Ambassa Zang était député à l’Assemblée nationale avec tous les privilèges se rattachant à cette fonction.
Des nombreuses auditions menées, quel est selon vous le profil psychologique d’un Michel Thierry Atangana, d’un Jean Marie Atangana Mebara, d’un Polycarpe Abah Abah ou encore d’Abono Paulin ?
Je me garderai bien de m’aventurer dans un terrain où je n’ai pas la moindre compétence, n’étant ni psychologue ni psychiatre. Toutefois, Atangana Michel Thierry, malgré les inévitables marques de sa souffrance injustement endurée depuis quatorze années, m’apparaît au jour d’aujourd’hui comme un homme serein qui continue à avoir foi en la capacité à dire le droit de la Justice de son pays qu’il aime plus que tout. Pour le reste, je me garde de tout commentaire.
Il y a des “ camerounités ” qu’on ne peut ne pas évoquer. Le sort de certains gros bonnets dépendait plus ou moins de vous. N’ont-ils jamais essayé de vous offrir quelques cadeaux ?
Non.
L’on dit souvent dans le jargon réservé à l’administration : “ Une mission, des moyens, des résultats ”. On sait quelle était votre mission. Quels ont été les moyens mis à votre disposition ? Et quels résultats avez-vous atteints ?
J’avais travaillé avec les moyens mis à ma disposition par mes chefs. Les résultats, certes modestes, sont ceux que vous connaissez.
Nous avons appris qu’une somme de 9 milliards Fcfa avait été débloquée pour les enquêtes. Quelle était la part réservée à la police judiciaire ?
Je l’ai moi aussi lu dans la presse. Je n’en sais pas plus.
Revenons à votre actuel statut. Vous êtes désormais l’interface de droits de l’Homme – international, une Ong de droit français. En quoi consistera votre tâche ?
Merci de me donner l’occasion de présenter assez rapidement l’association droits de l’Homme-international. Comme vous l’avez dit, il s’agit d’une association de droit français dont le but est de défendre les droits de l’Homme à travers le monde par tous les moyens légaux en s’inspirant largement dans son combat des exemples laissés par Yitzhak Rabin, Martin Luther King et Mohandas Karam Chand Gandhi. Elle est actuellement présidée par Me Gilbert Collard, avocat de renom français. L’association peut organiser des réunions, manifestations, colloques, débats et autres actions au bénéfice des droits de l’Homme. En se référant à la déclaration universelle des droits de l’homme, elle établit des rapports sur la situation de cette matière sensible qu’elle communique publiquement.
Notre tâche consistera donc à animer dans notre territoire de compétence l’ensemble des actions que se propose de mener droits de l’homme – international et de fournir des rapports aussi fréquents que de besoin au siège à Paris.
Comment seront choisis les membres de droit de l’Homme - international au Cameroun et en Afrique ?
Nous réfléchirons de concert avec notre hiérarchie sur les critères les plus appropriés afin de mettre notre structure dans les conditions les meilleures de performance. Néanmoins, je pourrais me risquer à dire qu’un minimum de connaissances dans le domaine des droits de l’Homme devrait constituer un atout, tout au moins pour les personnels impliqués dans les actions de terrain. De ce point de vue, les autres personnels administratifs seront choisis, cela me semble évident, en raison de leur compétence dans chaque branche déterminée.