Exclusif: ces hommes et femmes qui chuchotent à oreille de Franck Biya
Franck Biya n’affiche – officiellement – aucune ambition politique. Aussi discret qu’influent auprès de son père, il prend soin de s’entourer d’amis d’enfance et de proches, issus pour la plupart des milieux économiques et financiers.
Franck Biya n’a jamais brigué de mandat politique et ne figure dans aucun organigramme officiel. Il se retrouve pourtant régulièrement à la une des journaux camerounais, qui tendent à voir en lui un potentiel dauphin de son père, Paul Biya, 88 ans, président du Cameroun (depuis 1982) et du puissant Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC).
Âgé de 49 ans, Franck Biya veille néanmoins à ne rien trahir de ses intentions. Très discret, il fuit les médias et n’a jamais accordé d’interview. Son entourage s’applique également à démentir toute ambition politique.
Un mouvement des « Amis de Franck Biya » est néanmoins en cours de structuration au Cameroun et au sein de la diaspora. Son objectif ? Porter la candidature à la présidentielle de 2025 du fils aîné de Paul et Jeanne Irène Biya (décédée en juillet 1992). Certains pensent à un ballon d’essai destiné à tester l’idée du projet dans l’opinion. D’autres y voient une pression exercée par une partie du système sur cet homme d’affaires jusqu’ici peu intéressé par la conduite des affaires publiques.
Car en Afrique centrale, les successions familiales ne relèvent pas de la fiction : au Gabon voisin, Ali Bongo Ondimba a pris la relève de son père, Omar. Et en Guinée équatoriale, Teodoro Nguema Obiang Mangue, le vice-président du pays, fils de Teodoro Obiang Nguema Mbasogo et de Constancia Mangue Nsue Okomo, attend son heure.
S’il s’est toujours tenu loin des projecteurs, Franck Biya n’a pas hésité à user de son influence auprès de son père pour promouvoir des membres de sa famille maternelle.
Successivement ministre du Travail puis des Transports, entre 2002 et 2015, Robert Nkili est le frère cadet de sa mère. L’actuel ministre des Finances, Louis-Paul Motaze, est quant à lui son cousin. Tous deux doivent en partie à Franck Biya leur maroquin.
Ce dernier est aussi une porte d’entrée pour accéder au chef de l’État. C’est lui qui a invité, le 13 février, Yannick Noah à l’apéritif donné pour l’anniversaire du président. L’ancien champion de tennis, dont le projet immobilier – « La Cité des cinquantenaires » à Yaoundé – est empêtré dans les tracasseries bureaucratiques, a pu plaider sa cause entre deux verres de jus d’orange.
Si Franck Biya a longtemps pu demeurer sous les radars, c’est notamment parce qu’il a quitté le Cameroun dans les années 1990 pour s’établir à Los Angeles, où il a étudié à l’université. Il s’est ensuite installé en Afrique du Sud puis en France, où il vivait encore jusqu’en mars 2020. À cette date, il a quitté précipitamment Paris pour échapper aux rigueurs du confinement décrété pour lutter contre le Covid-19 et a reposé ses valises au Cameroun.
Dans chacun de ces pays, Franck Biya a eu soin de vivre dans un cercle fermé, entouré d’amis d’enfance et de proches, majoritairement des technocrates au profil d’économistes ou travaillant dans la finance. Il fréquente ainsi Modeste Mopa Fatoing, le directeur général des Impôts, qu’il a connu par l’intermédiaire d’un ami commun, Alamine Ousmane Mey. En Afrique du Sud, il a côtoyé Acha Leke, qui siège depuis le mois de mai 2020 au Shareholders Council de McKinsey.
Désormais installé à Yaoundé, il est proche du directeur du cabinet civil du chef de l’État, Samuel Mvondo Ayolo, et de Paul Elung Che, le secrétaire général adjoint de la présidence. Cet anglophone de 52 ans, formé à l’Enam et passé par Harvard, fut le patron de la Caisse de stabilisation des produits pétroliers et des hydrocarbures (CSPH).
Après des débuts orageux, ses rapports avec l’épouse de son père, Chantal, se sont apaisés. En revanche, les liens se sont distendus avec son cousin, Bonaventure Mvondo Assam, ancien député et ex-associé au sein de la Compagnie forestière Assam (Cofa).
Mais bien d’autres personnalités font partie de l’entourage de Franck Biya, dont voici les plus proches.
Ghislain Samou Nguewo
Âgé de 44 ans, il est l’un des plus proches collaborateurs de Franck Biya. Diplômé d’économie de l’Université Yaoundé II, Ghislain Samou Nguewo a pris en février 2019 la tête du conseil d’administration de Boissons Vins et Spiritueux (BVS), une agro-industrie lancée par Guillaume Sarra et son épouse Virginie Palu-Sarra, cette dernière étant par ailleurs la nièce de l’industriel français Pierre Castel.
Basée à Douala, l’entreprise est dirigée par l’Ivoirien Stéphane Soumahoro, fils de l’ex-président ivoirien Robert Gueï.
Christian Mataga
Il est le fils de Philippe Mataga, un ancien ambassadeur et ex-directeur du cabinet civil de Paul Biya, dont il fut également le ministre (du Travail et des Affaires étrangères). Les deux hommes sont si proches que celui-ci accepta d’être le parrain de baptême de Christian.
Franck Biya considère ce diplômé en finances de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne comme son propre frère. Christian Mataga dirige la Société commerciale industrielle et forestière (Scifo), spécialisée dans la production, la transformation et la commercialisation d’espèces tropicales de bois, à partir de concessions attribuées par le ministère camerounais des Forêts.
Alamine Ousmane Mey
L’actuel ministre de l’Économie est un ami de longue date de Ghislain Samou Nguewo qui l’a présenté à Franck Biya. Cet ingénieur formé à l’Université technique de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, à Aix-la-Chapelle, en Allemagne était alors directeur général d’Afriland First Bank, la deuxième banque du pays, avant d’être propulsé par Paul Biya à la tête du ministère des Finances, sur recommandation de Franck.
À la faveur du dernier remaniement, Mey est passé du portefeuille des Finances à celui de l’Économie, permutant avec Louis-Paul Motaze.
Serge Akounou
Ami d’enfance de Franck Biya, Serge Akounou l’a suivi aux États-Unis, où le fils du président a poursuivi ses études post-baccalauréat. Titulaire d’un MBA Finance de la Anderson School de l’UCLA, en Californie, il est d’abord rentré au Cameroun, où il travaillé pour les filiales locales de Standard Chartered Bank et de City Bank avant de s’installer, toujours dans le sillage de Franck, à Gauteng, dans la région de Johannesburg, en Afrique du Sud.
Leur amitié traverserait néanmoins une passe difficile. Peut-être est-ce dû au fait qu’Akounou soit le fils de Gervais Mendo Ze, un ancien directeur général de la télévision nationale et ancien ministre de la Communication, emprisonné depuis le 12 novembre 2014…