Événements de Février 2008: Les poncifs du régime Biya

Événements de Février 2008: Les poncifs du régime Biya

 

 

MONTREAL - 25 FEV. 2010
© Venant MBOUA | Correspondance

 

 

Réaction à la réaction du RDPC, suite à la demande d’une enquête de l’Onu sur les massacres de février 2008.

 

 

 

 

 

Le comité central du RDPC a publié en urgence, le 25 février 2010, un communiqué dénonçant la démarche de certains compatriotes qui demandent une enquête de l’Onu sur les massacres de février 2008 au Cameroun. Réaction normale, dirait-on, pour un appareil politique concerné par une affaire de si grande importance. On pourrait d’ailleurs féliciter cette instance grabataire pour ses réactions régulières, ces derniers temps, qui donnent au moins l’impression que des gens travaillent dans son cabinet. En dehors de la promptitude de la réaction, le communiqué du Rdpc n’est qu’une concaténation de poncifs hérités du système Ahidjo et davantage pervertis sous Paul Biya.

Le Rdpc, quoi qu’ayant (probablement, mais qui sait?) lu le compte rendu des journaux sur cette démarche s’acharne sur un seul des signataires dont il insiste sur l’exil volontaire, comme si l’adjectif qualificatif adjoint au mot exil changeait quelque chose au statut de ce compatriote. Une attitude de stigmatisation se dégage d’ailleurs des propos des héritiers d’Ahidjo, lorsqu’ils parlent de Bedzigui comme «ce compatriote qui, de son exil lointain et volontaire, n’est à l’évidence pas au fait des réalités de son pays ». On croit encore entendre les sorties de l’Unc contre l’Upc en exil, dans les années 60-70. Quelle avancée !

Toujours dans sa posture, on constate que le système de Yaoundé qui croit toujours si bien expier ses incuries et autres fautes humanitaires sur les compatriotes qui osent en parler à l’étranger, n’a pas cherché loin les motivations des organisations auteures de la plainte auprès de l’Onu. Et voilà donc qu’il nous remet la bonne vieille complainte sur le dénigrement du pays à l’étranger, ce crime pour lequel il en appelle à toutes les armées.

Mais deux idées -j’allais dire farce-, véritables cas de clichés sans inspiration, se juxtaposent honteusement dans le communiqué du Rdpc, nous confortant dans l’idée qu’on tient à tout prix à nous faire voir le doigt au lieu de la lune qu’il désigne. D’abord, pour ce parti, les événements de février 2008 n’ont rien de commun avec les massacres du 28 septembre en Guinée, car au Cameroun, ils « ont, en leur temps, fait l’objet, dans le cadre de l’État de droit, d’un traitement des plus transparents de la part des autorités camerounaises, aux plans politique, social, administratif et judiciaire ».

Ensuite, le Rdpc indique qu’«au Cameroun, (...) il s’est agi, sous le prétexte de la crise alimentaire mondiale, de manifestations orchestrées par des forces tapies dans l’ombre et qui visaient à compromettre l’ordre public ».

À se demander si les scribes de ce parti s’imaginent que les Camerounais n’ont pas entendu Dadis Camara désigner les responsables des événements qui ont endeuillé son pays (les adversaires politiques, bien sûr). Tout ce qui a manqué au Cameroun, c’est une sortie musclée d’un Bernard Kouchner ou l’indignation d’un Abdou Diouf «horrifié». Mais doit-on chercher à comprendre la non réaction de la France protectrice du gang de Yaoundé?

Ainsi donc, si ces événements sont l’oeuvre d’adversaires politiques, « forces tapies dans l’ombres » et que ces mêmes événements ont fait l’objet d’un traitement transparent au plan judiciaire, que le Rdpc et son appareil judiciaire ne nous sortent-ils ces fameuses forces de l’ombre afin que le peuple et la communauté internationale les jugent? Que ne nous disent-ils comment, depuis « leurs ombres », les adversaires politiques de Biya ont envoyé des jeunes dans les rues, les armes qu’ils leur ont donné, etc.? À notre connaissance, seuls deux pauvres individus reconnus militants politiques, ont été condamnés – après des procès jugés iniques par les observateurs – à la suite de ces événements. Et même! l’un des deux, Paul Éric Kingué, brave militant du Rdpc accuse clairement une multinationale française et un ministre du gouvernement, d’avoir orchestré son jugement aux fins de sa déchéance politique, en représailles à des mesures fiscales qu’il aurait prises à l’encontre de ladite multinationale. L’autre, Lapiro de Mbanga, chanteur engagé, militant d’un parti d’opposition, est aussi accusé d’avoir organisé le pillage d’une ...multinationale française dans sa localité. Les deux ont aussi en commun d’être originaires de bourgades dont les ressources sont pillées et les ressortissants traités comme des esclaves par les Français, avec la complicité du gouvernement camerounais.

Après le discours de Biya, dénonçant des « apprentis sorciers tapis dans l’ombre», on s’attendait à voir devant la barre, les hommes politiques qui veulent « obtenir par la rue, ce qu’ils n’ont pas pu obtenir par les urnes ». Une accusation lancée à la cantonade contre le chef du Sdf, John Fru Ndi, quelques heures d’audition du député Jean-Michel Nintcheu...et le dossier des apprentis sorciers a été clos. On n’a pas tardé à se rendre compte que Paul Biya et son gouvernement ont menti, comme la femme infidèle, à un peuple qui savait.

En fin, le contenu du communiqué du Rdpc indique tout simplement que le régime est plus que jamais sans imagination, voilà pourquoi, depuis 50 ans, il produit les mêmes discours, inondés de banalités et de stéréotypes. La théorie du complot, développée par le régime depuis Ahidjo est l’un des arguments maison des dictatures en difficulté. Bon, ça tient un moment, juste un moment, mais ça finit toujours par s’effondrer...

Venant Mboua
Citoyen camerounais en exil.
Montréal



26/02/2010
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