Etats-unis: Michelle Obama dans le «duel des dames»
Les démocrates ont réservé un triomphe mardi soir à Michelle Obama, clou de la première journée de la convention nationale de Charlotte, en Caroline du Nord. Après quatre ans passés à la Maison Blanche, Barack Obama est «le même homme», a-t-elle martelé dans son discours, faisant l'éloge d'un président qui «partage les valeurs de très nombreux Américains, travail, éducation, honnêteté, intégrité».
Face à Ann Romney, la First Lady met sa grande popularité au service de la réélection du président
L'une est noire, moderne, a des cheveux de jais raides et épais et a grandi dans une famille ouvrière des quartiers modestes de Chicago. L'autre, blanche, blonde, classique, fille d'un self-made-man devenu riche, a été élevée dans le milieu patricien et traditionnel de l'Amérique du Midwest, à Bloomfield Hills, petite ville du Michigan.
La première a fait de brillantes études à Princeton et Harvard avant de devenir avocate. Elle a aussi un temps fait bouillir la marmite de son foyer. La seconde, après une licence de français à l'université mormone Brigham Young, a décidé de consacrer sa vie à élever ses cinq fils, avant de devoir affronter vaillamment les difficiles épreuves d'une sclérose en plaques et d'un cancer du sein. Autant dire que Michelle Obama, 48 ans, et Ann Romney, 62 - façonnées par des expériences de vie très différentes et séparées par une génération - sont tout en contraste.
Pourtant, une chose rapproche les épouses des deux candidats en lice: leur rôle central dans une campagne présidentielle serrée, dont elles sont toutes deux devenues des armes de charme redoutables. Il n'est pas anodin qu'Ann Romney, chargée d'humaniser son technocrate de mari, ait ouvert la semaine dernière la grand-messe républicaine de Tampa, signant le moment d'émotion d'une campagne qui en avait singulièrement manqué. Hier soir, Michelle devait à son tour communiquer lustre et enthousiasme à une convention démocrate dont la base affiche sa désillusion. «Ce sont les deux meilleures dans cette campagne», constatait récemment Tom Brokaw, commentateur à NBC. Derrière le combat de Barack et de Mitt, se profile donc un autre duel, indirect, pour le cœur des Américains - et surtout celui des Américaines, électorat clé très courtisé: celui de Michelle contre Ann.
«Maman en chef»
Michelle Obama n'est pas une nouvelle venue en politique. En 2008, ses premiers pas dans la fosse aux lions médiatique avaient été difficiles. Parfois trop spontanée, elle avait été baptisée «Mme Mécontente» et épinglée par la presse conservatrice pour avoir déclaré «être fière de son pays pour la première fois». Au fil de la campagne, elle avait modifié son discours pour faire ressortir son rôle d'épouse et de mère, racontant aussi sa réussite à la force du poignet, grâce à l'amour de ses parents.
Depuis son arrivée à la Maison-Blanche, cette femme chaleureuse et extravertie a su jongler avec brio entre son rôle de «maman en chef», soucieuse d'assurer une vie à peu près normale à ses deux filles, Sasha et Malia, et son engagement dans la lutte contre l'obésité, le soutien aux familles de militaires et aux vétérans. Arborant des tenues colorées originales, elle s'est aussi imposée comme une référence en matière de mode et de style. Avec plus de 66 % d'avis favorables, sa popularité est impressionnante. Chez les républicains, elle recueille 24 % de plus que son mari. «Si elle se présentait, je voterais pour elle», glissait un prêtre conservateur de l'Iowa pendant les primaires.
Rencontrée à la convention de Charlotte, à la sortie d'un panel sur les familles de militaires, Roxanne, une activiste démocrate du Minnesota, vantait elle aussi les mérites de Michelle, ce lundi: «C'est un atout formidable pour Barack, elle crée le lien avec tellement de strates de la société: les minorités, notamment les Afro-Américains, les familles frappées d'obésité, malheureusement nombreuses, les militaires… Je peux vous dire que toute la communauté des vétérans estime que Michelle a beaucoup fait pour les inscrire sur l'agenda présidentiel.»
«Raconter le président»
Au mois d'avril, une joute avait opposé l'épouse du républicain à la stratège démocrate Ann Rosen. Celle-ci avait estimé que n'ayant «jamais travaillé un seul jour de sa vie», l'épouse de Mitt Romney ne pouvait comprendre les difficultés de l'Amérique moyenne. Ann Romney avait répliqué dans un tweet qu'«élever cinq fils était un travail à part entière». Les démocrates, et même Michelle Obama, s'étaient excusés de cet impair. Depuis, à Tampa, Ann Romney est carrément sortie du bois, lançant un «Je vous aime les femmes!», très explicite aux mères de famille américaines. «La campagne démocrate la prend très au sérieux», note Jodie Kantor, auteur d'un livre sur Les Obama. Il sera intéressant de voir si la première dame devient de son côté le porte-voix des démocrates, qui accusent les républicains de mener une véritable guerre contre les femmes, notamment sur la question de l'avortement.
À en croire l'état-major de campagne d'Obama, cité par le Charlotte Observer, il n'était pas prévu que Michelle s'aventure dans «une position d'attaque» lors de son discours mardi soir. Le but était plutôt d'«illuminer» la convention en racontant le quotidien de son mari à la présidence. C'était ce qu'avait fait Laura Bush en 2004, pendant la campagne de réélection de son mari George W. Elle avait fait un tabac, peignant le portrait d'un homme veillant la nuit pour garder l'Amérique «en sécurité». Michelle «a tant d'informations sur ce qui motive» le président, note le conseiller politique d'Obama David Axelrod. «Elle va parler des trois dernières années et demie… Personne ne pourrait le faire avec plus force.» Ann Romney, que Michelle n'avait pas écoutée la semaine dernière, a annoncé qu'elle suivrait de près le discours.