États-Unis: Le procès posthume de Pius Njawé - Le tribunal devait entériner le dédommagement des ayants droit le 10 octobre dernier, les divisions familiales ont conduit à un renvoi
YAOUNDE -18 OCT. 2012
© Aristide Komze | Le Jour
Le juge décide que les chèques de l’assurance soient payés aux avocats et suspend le partage de la somme qui revient aux ayants droit de Pius Njawé. Ces derniers seront convoqués devant la Cour, probablement en avril prochain, afin que chacun d’eux puisse démontrer qu’il est légitimement un ayant droit de Pius Njawé...
© Aristide Komze | Le Jour
Le juge décide que les chèques de l’assurance soient payés aux avocats et suspend le partage de la somme qui revient aux ayants droit de Pius Njawé. Ces derniers seront convoqués devant la Cour, probablement en avril prochain, afin que chacun d’eux puisse démontrer qu’il est légitimement un ayant droit de Pius Njawé...
États-Unis: Le procès posthume de Pius Njawé
Le tribunal devait entériner le dédommagement des ayants droit le 10 octobre dernier, les divisions familiales ont conduit à un renvoi.
C’est à 10 h 20 mn que le dossier numéro CL11002653-00, relatif à l’accident et au décès de Pius Njawé, est évoqué par le juge Creekmore du tribunal de Chesapeake, dans l’État de Virginie, aux États-Unis. Dans cette salle d’audience numéro 3 du troisième étage, grande comme deux salles de classe, à peine une douzaine de personnes ont pris place. Le juge fait prêter serment aux protagonistes du dossier et invite l’avocat de la famille Njawé à prendre la parole.
Élément nouveau
Me Andrew Sacks rafraîchit la mémoire du juge en évoquant rapidement l’accident du 12 juillet 2010 qui a coûté la vie à Pius Njawé et blessé grièvement Éric Wande, le conducteur de la Lexus dans laquelle Njawé a trouvé la mort. Il rappelle que les négociations avec la compagnie d’assurance Hanover Ins, qui couvrait le camion du mis en cause, M. John Moore Jr., ont permis de s’entendre sur un dédommagement global de 900 000 dollars (près de 450 millions de francs CFA). Il précise que 700 000 dollars iront aux ayants droit de Pius Njawé, tandis qu’Éric Wande recevra 200 000 dollars. Me Sacks requiert l’approbation du juge pour cette transaction et explique que les bénéficiaires des 700 000 dollars, les ayants droit du défunt Pius Njawé, ne semblent pas s’entendre sur le partage de ce qui leur est dû.
L’avocat présente à ce sujet un courrier envoyé à ses bureaux, le 04 octobre dernier, par le frère aîné de Pius Njawe, M. Michael Njawe Musuma, qui réside à Douala. Ce dernier qui se présente comme le chef de famille demande une révision de la liste des ayants droit de Pius Njawé. Il faudrait, selon lui, y enlever les noms des mère et belle-mère, mais ajouter ceux des frères et soeurs du défunt. Face à cet élément nouveau dans le dossier, l’avocat requiert un renvoi de l’affaire, afin que les différents protagonistes puissent s’exprimer devant la Cour. Il ajoute également que si la discorde semble profonde, le tribunal serait contraint, en accord avec la loi, de faire statuer un jury qui décidera du montant que chaque ayant droit de Pius Njawé recevra.
Après avoir pris connaissance du courrier de Michael Musuma, le juge Creekmore s’enquiert de la qualité de Lucas Kemeni à parler et agir au nom de la famille Njawé. Une inquiétude levée par Me Sacks, qui présente un document de la Cour daté du 05 août 2010 et qui donne les pouvoirs à Lucas Kemeni pour ester en justice, au nom des ayants droit de Pius Njawé. Ensuite, Florin Njawé, fils du défunt, est appelé devant la barre.
Ce fils Njawé qui réside au Texas et qui s’est déplacé pour la circonstance précise au tribunal qu’il est le porte-parole de ses frères et soeurs. À ce titre, il désapprouve tour à tour la qualité d’administrateur de la famille Njawé dont se serait arrogé M. Lucas Kemeni et relève qu’Amanda Njawé avait été désignée comme tel par un tribunal de Douala. Il dit ensuite son désaccord sur le montant de 200 000 dollars attribué à Éric Wande.
Enfin, Florin Njawé désapprouve la liste des bénéficiaires et demande notamment qu’elle soit réduite à huit noms, les enfants du défunt. Une demande qui, de facto, signifie la disqualification de la soeur aînée de Pius Njawé, ainsi que sa mère et sa bellemère.
Les lois de l’État de Virginie prises en considération
«Avez-vous une connaissance des lois de l’État de Virginie en matière de succession?» demande Me Sacks à Florin Njawé.
Ce dernier rétorque avoir lu des dispositions sur la question, mais il garde le silence par la suite quand l’avocat lui demande d’expliquer les détails de ladite loi. Le conseil de la famille Njawé lui explique alors que selon la loi en vigueur dans l’État de Virginie, un administrateur devrait résider dans l’État, et apparemment, M. Lucas Kemeni semble être le seul membre de la famille à remplir cette condition. Ensuite, dans un exposé empreint de pédagogie, Me Sacks rappelle que les ayant droit peuvent être le conjoint, les enfants ou toute personne qui vivait avec le défunt ou qui dépendait des subsides de ce dernier pour vivre.
Par la suite, M. Lucas Kemeni est appelé à la barre pour expliciter ses liens avec le défunt. Il indique que leurs deux mères étaient des soeurs et qu’il était un ami intime de Pius Njawé, au-delà de ce lien de parenté. Il relève également qu’il a toujours informé la famille de toute la procédure et précise à la Cour qu’il ne touchera pas un sou dans le partage, car Justice Njawé qui vit sous son toit et qui est mineure (âgée de 13 ans) ne pourra toucher sa part qu’à la majorité. En attendant ses 18 ans, toutes les dépenses en son nom seront gérées par Mme Colleen Dickerson, avocate auprès de la Cour. Lucas Kemeni explique en outre que le partage qu’il a effectué était guidé par un souci d’équité. « Pius Njawé, de son vivant, n’avait jamais fait de distinction entre ses enfants », argumente-t-il.
Après ces témoignages et près d’une heure de débats, le juge décide que les chèques de l’assurance soient payés aux avocats et suspend le partage de la somme qui revient aux ayants droit de Pius Njawé. Ces derniers seront convoqués devant la Cour, probablement en avril prochain, afin que chacun d’eux puisse démontrer qu’il est légitimement un ayant droit de Pius Njawé.
Aristide Komze,
de retour de l’État de Virginie
Chronologie des grands moments de l’affaire Njawé aux États-Unis
1- Le 12 juillet 2010, aux environs de 15 h, Pius Njawé décède dans un accident de la circulation sur une autoroute de l’État de Virginie, alors qu’il se rend au domicile de son cousin germain Lucas Kemeni, chez qui réside son dernier enfant, Justice Njawé.
2- Le corps de Pius Njawé est parti, le 02 août, de Washington, et est arrivé à Douala le 04 août.
3- Le 05 août 2010, les avocats Andrew Sacks et Bill O’mara saisissent le tribunal de Chesapeake, qui octroie le droit à M. Lucas Kemeni d’ester en justice au nom des ayants droit de Pius Njawé qui ne résident pas dans l’État de Virginie.
4- Le 17 mars 2011, la Cour criminelle de Chesapeake tient une audience de l’accident de Njawé. Une procédure criminelle qui fait suite aux investigations du patrouilleur Jonathan Scott Hertenstein. Le chauffeur du camion qui a causé le décès de Pius Njawé, M. John Moore Jr de la compagnie J. W. Canaday, est reconnu coupable de conduite non appropriée et écope d’une amende de 250 dollars, soit environ 125 000
francs CFA.
5- Après cette décision du 17 mars, le mis en cause a interjeté appel, mais il s’est désisté avant la date du procès. C’est donc au vu de cette culpabilité que l’avocat de la famille Njawé engage une procédure au civil, au nom de la famille Njawé et d’Éric Wande, le conducteur de la Lexus dans laquelle se trouvait Pius Njawé au moment de l’accident.
6- Au lieu de passer par une longue et coûteuse bataille judiciaire avec l’assurance et les avocats de l’entreprise employant le mis en cause, les avocats de la famille Njawé optent pour une négociation à l’amiable, qui aboutit à un dédommagement total de 900 000 dollars, soit près de 450 millions de francs CFA. L’accord, signé le 02 mai 2012, précise que 200 000 dollars seront reversés à ÉricWande, tandis que les ayants droit de Pius Njawé recevront 700 000 dollars. Notons que les frais de représentation des avocats s’élèvent au tiers du montant arrêté. La famille Njawé recevra donc 460 029 dollars, tandis qu’ÉricWande pourra toucher environ 100 000 dollars sur les 200 000 qui lui sont alloués. Les frais d’avocat et les factures des hôpitaux seront couverts par l’autre moitié.
7- Le 21 septembre 2012, le tribunal a transmis une lettre à tous les ayants droit afin de les inviter à se présenter au tribunal, ce 10 octobre, pour le dénouement de la procédure de dédommagement.
8- Le 04 octobre dernier, un fax du frère aîné de Pius Njawé, M. Michael Njawé Musuma, est reçu au cabinet d’avocats Sacks & Sacks. Le signataire se présente comme étant le chef de la famille Njawé et s’oppose à la grille de partage qui est faite aux ayants droit, tout en récusant la légitimité de Lucas Kemeni à pouvoir représenter la famille.
9- Le 10 octobre, le tribunal de Chesapeake entérine l’accord entre les avocats de Njawé et Éric Wande et l’assurance du chauffeur ayant causé l’accident. Les chèques de 700 000 et 200 000 dollars sont payés aux avocats. La tribunal suspend le partage de la portion dévolue aux ayants droit de Pius Njawé et les convoque pour statuer sur la légitimité des uns et des autres.
Florin Njawé, fils de Pius Njawé: “Le défunt a laissé des enfants jeunes”
Le
défunt a laissé des enfants qui sont encore jeunes et dont certains
vont à l’école.nJe souhaite que cet argent puisse servir à payer leurs
études.
Au sujet des informations qui ont paru dans la presse, je crois que cela doit cesser, car les problèmes de famille doivent se gérer en famille. Sur la question de la légitimité de M. Lucas Kemeni à représenter la famille Njawé, je voudrais préciser que j’ai suivi ce dossier de bout en bout avec l’accord de mes frères et soeurs, mais à la fin, je n’ai pas été informé des détails du partage des fonds. Je voudrais également préciser que la mère de notre père a droit au dédommagement, car elle vivait avec son fils. Le problème, c’est la soeur de notre père qui ne parlait plus avec son frère avant son décès et qui est revenue s’installer à la maison pour, soit disant, prendre soin des enfants. On voit qu’elle avait des idées derrière la tête. Pour la belle-mère de mon défunt père, qui est ma grand-mère maternelle, elle ne vivait pas avec mon père et je prends déjà soin d’elle. À mon avis, le problème du partage concerne surtout la soeur aînée et le soi-disant Julio Ombede. Ce dernier n’est pas un ayant droit et je le prouverai devant le tribunal.
Éric Wande, conducteur du véhicule au moment de l’accident: “L’argent ne va jamais ramener Pius”
Je
voudrais d’abord décrier le fait que Florin Njawé puisse manquer de
respect à M. Lucas Kemeni, qui était plus qu’un frère pour Pius Njawé,
en le désavouant comme responsable de la famille en Virginie. Ce n’est
pas un fait du hasard si Pius Njawé avait confié sa dernière fille,
Justice Njawé, aux soins de Lucas Kemeni après le décès de son épouse
Jane. J’ai eu l’opportunité de conduire Pius Njawé plusieurs fois chez
Lucas Kemeni, et j’ai pu vivre l’intensité de l’amitié qui les liait. De
plus, en refusant que la mère de Pius Njawé puisse être considérée
comme ayant droit, il manque également de respect à la mémoire de son
père. En ce qui concerne mon dédommagement, je me fous des biens
matériels. L’argent ne va jamais ramener Pius, il est irremplaçable à
mes yeux. Deux ans après l’accident, je fais toujours des cauchemars
dans la nuit, le matin on me dit souvent que j’ai crié durant mon
sommeil. J’ai encore les séquelles de l’accident.
J’ai deux doigts qui ont perdu de leur mobilité et cela me marquera toute ma vie. Sans compter les innombrables cicatrices visibles sur mon corps. Ce qui me fait le plus mal c’est le rêve inachevé de Pius Njawé. Je souhaite que sa légende lui survive. Pius Njawé n’a pas encore dit son dernier mot.
Lucas Kemeni, cousin de Pius Njawé: “Pas de distinction entre les enfants”
Je
croyais qu’on devait en finir aujourd’hui. Dans notre culture, on ne
fait pas de distinction entre enfants biologiques et non biologiques.
En tout cas, j’ai fait ce que j’avais à faire. Quand ils vont se mettre d’accord, ils pourront donc toucher l’argent.
Je voudrais préciser que le tribunal de Virginie ne statue pas sur l’héritage de Pius Njawé. Il est question ici que le responsable de l’accident puisse dédommager les ayants droit de Pus Njawé, pour le tort qu’ils ont subi. Personnellement, je n’ai droit à rien dans ce partage, mais j’ai lutté pour eux. Je suis surpris de voir son frère aîné, qui a déserté la famille depuis vingt ans, revenir aujourd’hui s’autoproclamer chef de famille. Comment un chef de famille peut-il semer la division entre des enfants dont il a la charge? De plus, je suis surpris, aujourd’hui, de voir qu’il se nomme déjà Njawé. Il faudrait que l’opinion sache que le géniteur de Pius Njawé s’appelait Kouekam. Étant mort très tôt, Pius a été confié à un membre de la famille qui a établi son acte de naissance en lui donnant le nom Njawé, que lui-même portait. Je suis donc surpris que le frère aîné qui avait déjà son nom à lui puisse aujourd’hui le changer pour y ajouter le patronyme que son cadet a acquis par le hasard du destin.
Propos recueillis par A. K.
Le tribunal devait entériner le dédommagement des ayants droit le 10 octobre dernier, les divisions familiales ont conduit à un renvoi.
C’est à 10 h 20 mn que le dossier numéro CL11002653-00, relatif à l’accident et au décès de Pius Njawé, est évoqué par le juge Creekmore du tribunal de Chesapeake, dans l’État de Virginie, aux États-Unis. Dans cette salle d’audience numéro 3 du troisième étage, grande comme deux salles de classe, à peine une douzaine de personnes ont pris place. Le juge fait prêter serment aux protagonistes du dossier et invite l’avocat de la famille Njawé à prendre la parole.
Élément nouveau
Me Andrew Sacks rafraîchit la mémoire du juge en évoquant rapidement l’accident du 12 juillet 2010 qui a coûté la vie à Pius Njawé et blessé grièvement Éric Wande, le conducteur de la Lexus dans laquelle Njawé a trouvé la mort. Il rappelle que les négociations avec la compagnie d’assurance Hanover Ins, qui couvrait le camion du mis en cause, M. John Moore Jr., ont permis de s’entendre sur un dédommagement global de 900 000 dollars (près de 450 millions de francs CFA). Il précise que 700 000 dollars iront aux ayants droit de Pius Njawé, tandis qu’Éric Wande recevra 200 000 dollars. Me Sacks requiert l’approbation du juge pour cette transaction et explique que les bénéficiaires des 700 000 dollars, les ayants droit du défunt Pius Njawé, ne semblent pas s’entendre sur le partage de ce qui leur est dû.
L’avocat présente à ce sujet un courrier envoyé à ses bureaux, le 04 octobre dernier, par le frère aîné de Pius Njawe, M. Michael Njawe Musuma, qui réside à Douala. Ce dernier qui se présente comme le chef de famille demande une révision de la liste des ayants droit de Pius Njawé. Il faudrait, selon lui, y enlever les noms des mère et belle-mère, mais ajouter ceux des frères et soeurs du défunt. Face à cet élément nouveau dans le dossier, l’avocat requiert un renvoi de l’affaire, afin que les différents protagonistes puissent s’exprimer devant la Cour. Il ajoute également que si la discorde semble profonde, le tribunal serait contraint, en accord avec la loi, de faire statuer un jury qui décidera du montant que chaque ayant droit de Pius Njawé recevra.
Après avoir pris connaissance du courrier de Michael Musuma, le juge Creekmore s’enquiert de la qualité de Lucas Kemeni à parler et agir au nom de la famille Njawé. Une inquiétude levée par Me Sacks, qui présente un document de la Cour daté du 05 août 2010 et qui donne les pouvoirs à Lucas Kemeni pour ester en justice, au nom des ayants droit de Pius Njawé. Ensuite, Florin Njawé, fils du défunt, est appelé devant la barre.
Ce fils Njawé qui réside au Texas et qui s’est déplacé pour la circonstance précise au tribunal qu’il est le porte-parole de ses frères et soeurs. À ce titre, il désapprouve tour à tour la qualité d’administrateur de la famille Njawé dont se serait arrogé M. Lucas Kemeni et relève qu’Amanda Njawé avait été désignée comme tel par un tribunal de Douala. Il dit ensuite son désaccord sur le montant de 200 000 dollars attribué à Éric Wande.
Enfin, Florin Njawé désapprouve la liste des bénéficiaires et demande notamment qu’elle soit réduite à huit noms, les enfants du défunt. Une demande qui, de facto, signifie la disqualification de la soeur aînée de Pius Njawé, ainsi que sa mère et sa bellemère.
Les lois de l’État de Virginie prises en considération
«Avez-vous une connaissance des lois de l’État de Virginie en matière de succession?» demande Me Sacks à Florin Njawé.
Ce dernier rétorque avoir lu des dispositions sur la question, mais il garde le silence par la suite quand l’avocat lui demande d’expliquer les détails de ladite loi. Le conseil de la famille Njawé lui explique alors que selon la loi en vigueur dans l’État de Virginie, un administrateur devrait résider dans l’État, et apparemment, M. Lucas Kemeni semble être le seul membre de la famille à remplir cette condition. Ensuite, dans un exposé empreint de pédagogie, Me Sacks rappelle que les ayant droit peuvent être le conjoint, les enfants ou toute personne qui vivait avec le défunt ou qui dépendait des subsides de ce dernier pour vivre.
Par la suite, M. Lucas Kemeni est appelé à la barre pour expliciter ses liens avec le défunt. Il indique que leurs deux mères étaient des soeurs et qu’il était un ami intime de Pius Njawé, au-delà de ce lien de parenté. Il relève également qu’il a toujours informé la famille de toute la procédure et précise à la Cour qu’il ne touchera pas un sou dans le partage, car Justice Njawé qui vit sous son toit et qui est mineure (âgée de 13 ans) ne pourra toucher sa part qu’à la majorité. En attendant ses 18 ans, toutes les dépenses en son nom seront gérées par Mme Colleen Dickerson, avocate auprès de la Cour. Lucas Kemeni explique en outre que le partage qu’il a effectué était guidé par un souci d’équité. « Pius Njawé, de son vivant, n’avait jamais fait de distinction entre ses enfants », argumente-t-il.
Après ces témoignages et près d’une heure de débats, le juge décide que les chèques de l’assurance soient payés aux avocats et suspend le partage de la somme qui revient aux ayants droit de Pius Njawé. Ces derniers seront convoqués devant la Cour, probablement en avril prochain, afin que chacun d’eux puisse démontrer qu’il est légitimement un ayant droit de Pius Njawé.
Aristide Komze,
de retour de l’État de Virginie
Chronologie des grands moments de l’affaire Njawé aux États-Unis
1- Le 12 juillet 2010, aux environs de 15 h, Pius Njawé décède dans un accident de la circulation sur une autoroute de l’État de Virginie, alors qu’il se rend au domicile de son cousin germain Lucas Kemeni, chez qui réside son dernier enfant, Justice Njawé.
2- Le corps de Pius Njawé est parti, le 02 août, de Washington, et est arrivé à Douala le 04 août.
3- Le 05 août 2010, les avocats Andrew Sacks et Bill O’mara saisissent le tribunal de Chesapeake, qui octroie le droit à M. Lucas Kemeni d’ester en justice au nom des ayants droit de Pius Njawé qui ne résident pas dans l’État de Virginie.
4- Le 17 mars 2011, la Cour criminelle de Chesapeake tient une audience de l’accident de Njawé. Une procédure criminelle qui fait suite aux investigations du patrouilleur Jonathan Scott Hertenstein. Le chauffeur du camion qui a causé le décès de Pius Njawé, M. John Moore Jr de la compagnie J. W. Canaday, est reconnu coupable de conduite non appropriée et écope d’une amende de 250 dollars, soit environ 125 000
francs CFA.
5- Après cette décision du 17 mars, le mis en cause a interjeté appel, mais il s’est désisté avant la date du procès. C’est donc au vu de cette culpabilité que l’avocat de la famille Njawé engage une procédure au civil, au nom de la famille Njawé et d’Éric Wande, le conducteur de la Lexus dans laquelle se trouvait Pius Njawé au moment de l’accident.
6- Au lieu de passer par une longue et coûteuse bataille judiciaire avec l’assurance et les avocats de l’entreprise employant le mis en cause, les avocats de la famille Njawé optent pour une négociation à l’amiable, qui aboutit à un dédommagement total de 900 000 dollars, soit près de 450 millions de francs CFA. L’accord, signé le 02 mai 2012, précise que 200 000 dollars seront reversés à ÉricWande, tandis que les ayants droit de Pius Njawé recevront 700 000 dollars. Notons que les frais de représentation des avocats s’élèvent au tiers du montant arrêté. La famille Njawé recevra donc 460 029 dollars, tandis qu’ÉricWande pourra toucher environ 100 000 dollars sur les 200 000 qui lui sont alloués. Les frais d’avocat et les factures des hôpitaux seront couverts par l’autre moitié.
7- Le 21 septembre 2012, le tribunal a transmis une lettre à tous les ayants droit afin de les inviter à se présenter au tribunal, ce 10 octobre, pour le dénouement de la procédure de dédommagement.
8- Le 04 octobre dernier, un fax du frère aîné de Pius Njawé, M. Michael Njawé Musuma, est reçu au cabinet d’avocats Sacks & Sacks. Le signataire se présente comme étant le chef de la famille Njawé et s’oppose à la grille de partage qui est faite aux ayants droit, tout en récusant la légitimité de Lucas Kemeni à pouvoir représenter la famille.
9- Le 10 octobre, le tribunal de Chesapeake entérine l’accord entre les avocats de Njawé et Éric Wande et l’assurance du chauffeur ayant causé l’accident. Les chèques de 700 000 et 200 000 dollars sont payés aux avocats. La tribunal suspend le partage de la portion dévolue aux ayants droit de Pius Njawé et les convoque pour statuer sur la légitimité des uns et des autres.
Florin Njawé, fils de Pius Njawé: “Le défunt a laissé des enfants jeunes”
Au sujet des informations qui ont paru dans la presse, je crois que cela doit cesser, car les problèmes de famille doivent se gérer en famille. Sur la question de la légitimité de M. Lucas Kemeni à représenter la famille Njawé, je voudrais préciser que j’ai suivi ce dossier de bout en bout avec l’accord de mes frères et soeurs, mais à la fin, je n’ai pas été informé des détails du partage des fonds. Je voudrais également préciser que la mère de notre père a droit au dédommagement, car elle vivait avec son fils. Le problème, c’est la soeur de notre père qui ne parlait plus avec son frère avant son décès et qui est revenue s’installer à la maison pour, soit disant, prendre soin des enfants. On voit qu’elle avait des idées derrière la tête. Pour la belle-mère de mon défunt père, qui est ma grand-mère maternelle, elle ne vivait pas avec mon père et je prends déjà soin d’elle. À mon avis, le problème du partage concerne surtout la soeur aînée et le soi-disant Julio Ombede. Ce dernier n’est pas un ayant droit et je le prouverai devant le tribunal.
Éric Wande, conducteur du véhicule au moment de l’accident: “L’argent ne va jamais ramener Pius”
J’ai deux doigts qui ont perdu de leur mobilité et cela me marquera toute ma vie. Sans compter les innombrables cicatrices visibles sur mon corps. Ce qui me fait le plus mal c’est le rêve inachevé de Pius Njawé. Je souhaite que sa légende lui survive. Pius Njawé n’a pas encore dit son dernier mot.
Lucas Kemeni, cousin de Pius Njawé: “Pas de distinction entre les enfants”
En tout cas, j’ai fait ce que j’avais à faire. Quand ils vont se mettre d’accord, ils pourront donc toucher l’argent.
Je voudrais préciser que le tribunal de Virginie ne statue pas sur l’héritage de Pius Njawé. Il est question ici que le responsable de l’accident puisse dédommager les ayants droit de Pus Njawé, pour le tort qu’ils ont subi. Personnellement, je n’ai droit à rien dans ce partage, mais j’ai lutté pour eux. Je suis surpris de voir son frère aîné, qui a déserté la famille depuis vingt ans, revenir aujourd’hui s’autoproclamer chef de famille. Comment un chef de famille peut-il semer la division entre des enfants dont il a la charge? De plus, je suis surpris, aujourd’hui, de voir qu’il se nomme déjà Njawé. Il faudrait que l’opinion sache que le géniteur de Pius Njawé s’appelait Kouekam. Étant mort très tôt, Pius a été confié à un membre de la famille qui a établi son acte de naissance en lui donnant le nom Njawé, que lui-même portait. Je suis donc surpris que le frère aîné qui avait déjà son nom à lui puisse aujourd’hui le changer pour y ajouter le patronyme que son cadet a acquis par le hasard du destin.
Propos recueillis par A. K.