Équilibre régional: Qui sera le Président du Sénat?
Yaoundé, 01 Mars 2013
© GEORGES ALAIN BOYOMO | Correspondance
Cavaye Yéguié Djibril sera-t-il reconduit au perchoir de l'Assemblée nationale au cours de la session qui s'ouvre le 11 mars prochain à Ngoa-Ekellé? Cette question, pour saugrenue qu'elle peut paraître, tant la réélection de l'actuel Pan passe pour une évidence depuis... 1992, prend du relief avec la mise en place annoncée du Sénat cette année. Le premier Vice-Président du Social Democratic Front (Sdf), Joshua Osih a, d'ailleurs, la pensée heureuse, lorsqu'il déclare que l'après-Biya a commencé hier, avec la signature du décret portant convocation du collège électoral en vue des élections sénatoriales.
De fait, dans le schéma de la succession au sommet de l'Etat, l'axe Nord-Sud étant une donnée qui résiste à l'analyse et à l'usure du temps, de nombreux observateurs continuent à penser, en dépit de la position officielle de Paul Biya, exprimée sur France 24 en 2007, selon laquelle «dans une République, le mot dauphin résonne mal», que le Président de la République pourrait, à travers le Sénat, positionner ou préparer un dauphin, qui viendrait du septentrion.
Or, selon les dispositions de la Constitution, «en cas de vacance de la présidence de la République pour cause de décès de démission ou d'empêchement définitif constaté par le Conseil constitutionnel (...) l'intérim du président est exercé de plein droit, jusqu'à l'élection du nouveau Président de la République, par le Président du Sénat». Ce dernier, qui est tenu d'organiser l'élection du nouveau Président 20 jours au moins et 120 jours au plus après l'ouverture de la vacance, peut modifier la composition du gouvernement «en cas de nécessité liée à l'organisation de l'élection présidentielle», mais ne peut être candidat à l'élection organisée pour la présidence de la République.
Si la Constitution ne définit pas l'origine ethnique de l'occupant du prestigieux poste de Président du Sénat, le «jeu d'équilibres», du moins une règle non écrite en vigueur, autorise à indiquer que généralement, au Cameroun, lorsque le Premier Ministre est originaire du grand Nord, le Président de l'Assemblée nationale est issu de l'une des deux régions de la partie anglophone du pays et inversement.
La mise sur pied du Sénat, qui ne devrait par tarder après la proclamation des résultats des sénatoriales, le 29 avril 2013 (soit quinze jour à compter de la date de clôture du scrutin), complexifie l'équilibre régional sur lequel s'adosse le fonctionnement de l'Etat. Conscient du pouvoir chevillé à la fonction, Paul Biya désignera-t-il à la présidence du Sénat un ressortissant du grand Nord (Adamaoua, Nord et Extrême-Nord) du grand Sud (Centre, Sud et Est) ou du grand Ouest (Ouest Nord-Ouest et Sud-Ouest) ou du littoral?
Sur cette question, le politologue Mathias Eric Owona Nguini fait un décryptage tout en hypothèses: «Dans la perspective de la mise en place du Sénat, il y aura une redistribution ethno régionale des cartes en fonction de l'origine du sénateur qui sera élu Président de cette institution. On peut envisager dans ce sens, un Premier Ministre issu de la partie anglophone, un Président de l'Assemblée nationale originaire du grand Nord et un Président du Sénat qui serait un ressortissant du grand Ouest francophone. L'on peut également avoir un schéma où l'on retrouverait à l'Assemblée nationale une personnalité de l'Ouest francophone, à la primature, un anglophone et à la tête du Sénat un ressortissant du grand Nord. Cette hypothèse me parait plus probable, au vu de la place du septentrion dans la structuration de l'équilibre clientéliste communément appelé équilibre régional, au Cameroun, et compte tenu du rôle primordial du Président du sénat dans le jeu de la succession. L'on peut aussi entrevoir le positionnement de deux personnalités du grand Nord à l'Assemblée nationale et au Sénat et d'un ressortissant anglophone à la primature ou alors pour tenir les trois blocs (grand Nord, grand Sud et grand Ouest) à équidistance, il est possible que le poste de Président du Sénat revienne à une personnalité du Littoral. Dans tous les cas de figure, le scénario qui verrait l'élection d'un ressortissant du grand Sud à la présidence du Sénat est peu envisageable», explique l'universitaire.
En attendant que l'écheveau institutionnel soit démêlé, l'heure est déjà aux manœuvres. Selon l'hebdomadaire L'Oeil du Sahel à la faveur des obsèques de l'ancien Ministre Dénis Oumarou, fin janvier dernier au Nord, des élites des trois régions septentrionales ont discuté de la nécessité pour le grand Nord de reconquérir le poste de Premier Ministre, concédé aux Anglophones depuis 21 ans. Cela impliquerait alors, plausiblement, la non attribution à ce bloc, du perchoir de l'Assemblée nationale et du Sénat…
source: mutations
© GEORGES ALAIN BOYOMO | Correspondance
La mise sur pied imminente de la chambre haute du parlement complexifie la succession.
Cavaye Yéguié Djibril sera-t-il reconduit au perchoir de l'Assemblée nationale au cours de la session qui s'ouvre le 11 mars prochain à Ngoa-Ekellé? Cette question, pour saugrenue qu'elle peut paraître, tant la réélection de l'actuel Pan passe pour une évidence depuis... 1992, prend du relief avec la mise en place annoncée du Sénat cette année. Le premier Vice-Président du Social Democratic Front (Sdf), Joshua Osih a, d'ailleurs, la pensée heureuse, lorsqu'il déclare que l'après-Biya a commencé hier, avec la signature du décret portant convocation du collège électoral en vue des élections sénatoriales.
De fait, dans le schéma de la succession au sommet de l'Etat, l'axe Nord-Sud étant une donnée qui résiste à l'analyse et à l'usure du temps, de nombreux observateurs continuent à penser, en dépit de la position officielle de Paul Biya, exprimée sur France 24 en 2007, selon laquelle «dans une République, le mot dauphin résonne mal», que le Président de la République pourrait, à travers le Sénat, positionner ou préparer un dauphin, qui viendrait du septentrion.
Or, selon les dispositions de la Constitution, «en cas de vacance de la présidence de la République pour cause de décès de démission ou d'empêchement définitif constaté par le Conseil constitutionnel (...) l'intérim du président est exercé de plein droit, jusqu'à l'élection du nouveau Président de la République, par le Président du Sénat». Ce dernier, qui est tenu d'organiser l'élection du nouveau Président 20 jours au moins et 120 jours au plus après l'ouverture de la vacance, peut modifier la composition du gouvernement «en cas de nécessité liée à l'organisation de l'élection présidentielle», mais ne peut être candidat à l'élection organisée pour la présidence de la République.
Si la Constitution ne définit pas l'origine ethnique de l'occupant du prestigieux poste de Président du Sénat, le «jeu d'équilibres», du moins une règle non écrite en vigueur, autorise à indiquer que généralement, au Cameroun, lorsque le Premier Ministre est originaire du grand Nord, le Président de l'Assemblée nationale est issu de l'une des deux régions de la partie anglophone du pays et inversement.
La mise sur pied du Sénat, qui ne devrait par tarder après la proclamation des résultats des sénatoriales, le 29 avril 2013 (soit quinze jour à compter de la date de clôture du scrutin), complexifie l'équilibre régional sur lequel s'adosse le fonctionnement de l'Etat. Conscient du pouvoir chevillé à la fonction, Paul Biya désignera-t-il à la présidence du Sénat un ressortissant du grand Nord (Adamaoua, Nord et Extrême-Nord) du grand Sud (Centre, Sud et Est) ou du grand Ouest (Ouest Nord-Ouest et Sud-Ouest) ou du littoral?
Sur cette question, le politologue Mathias Eric Owona Nguini fait un décryptage tout en hypothèses: «Dans la perspective de la mise en place du Sénat, il y aura une redistribution ethno régionale des cartes en fonction de l'origine du sénateur qui sera élu Président de cette institution. On peut envisager dans ce sens, un Premier Ministre issu de la partie anglophone, un Président de l'Assemblée nationale originaire du grand Nord et un Président du Sénat qui serait un ressortissant du grand Ouest francophone. L'on peut également avoir un schéma où l'on retrouverait à l'Assemblée nationale une personnalité de l'Ouest francophone, à la primature, un anglophone et à la tête du Sénat un ressortissant du grand Nord. Cette hypothèse me parait plus probable, au vu de la place du septentrion dans la structuration de l'équilibre clientéliste communément appelé équilibre régional, au Cameroun, et compte tenu du rôle primordial du Président du sénat dans le jeu de la succession. L'on peut aussi entrevoir le positionnement de deux personnalités du grand Nord à l'Assemblée nationale et au Sénat et d'un ressortissant anglophone à la primature ou alors pour tenir les trois blocs (grand Nord, grand Sud et grand Ouest) à équidistance, il est possible que le poste de Président du Sénat revienne à une personnalité du Littoral. Dans tous les cas de figure, le scénario qui verrait l'élection d'un ressortissant du grand Sud à la présidence du Sénat est peu envisageable», explique l'universitaire.
En attendant que l'écheveau institutionnel soit démêlé, l'heure est déjà aux manœuvres. Selon l'hebdomadaire L'Oeil du Sahel à la faveur des obsèques de l'ancien Ministre Dénis Oumarou, fin janvier dernier au Nord, des élites des trois régions septentrionales ont discuté de la nécessité pour le grand Nord de reconquérir le poste de Premier Ministre, concédé aux Anglophones depuis 21 ans. Cela impliquerait alors, plausiblement, la non attribution à ce bloc, du perchoir de l'Assemblée nationale et du Sénat…
source: mutations