Equilibre régional : comment Ahidjo et Biya ont freiné l’unité nationale
•L’équilibre régional est une modalité publique de régulation sociopolitique qui semble davantage diviser les Camerounais.
•L'équilibre régional est une inspiration du Président Ahmadou Ahidjo
•L’équilibre régional est option nécessaire pour la réparation des inégalités subies par des groupes socio-ethniques les plus défavorisés
L'équilibre régional est une inspiration du Président Ahmadou Ahidjo. Le lendemain de l'indépendance du Cameroun en 1960 marque sa période de mise en pratique. Il s'agit pour certains d'un mécanisme de gouvernance publique injuste. Pour d'autres, d'une option nécessaire pour la réparation des inégalités subies par des groupes socio-ethniques les plus défavorisés. Ainsi se structure la trame du débat pour le moins houleux sur cet instrument de politique publique. Il est toujours en vigueur dans le « triangle national ». Cette politique de quotas prend le contre-pied des considérations érigeant le fait majoritaire, comme seule conception de la démocratie. Elle postule ainsi la prise en compte et en charge des minorités. Sinon, celles-ci n'accèderaient que très peu ou jamais aux instances de redistribution des ressources collectives. L'intégration nationale est à ce prix.
Les effets pervers
Malheureusement, ce traitement n'est pas sans effets indésirables. Surtout dans son aspect de la répartition des postes politiques. Car, ces derniers font particulièrement l’objet de revendications communautaires, des plus véhémentes. « Depuis le décès en 2011 du ministre d'État, Augustin Frédéric Kodock, le peuple Bassa Bati-Mpô peine encore à se retrouver dans l’échiquier cosmopolitique du partage du gâteau national…Vivement que le Président Paul Biya puisse en tout temps et en tout lieu, faire respecter les équilibres sociologiques et anthropologiques, dans la redistribution des postes de pouvoir et de souveraineté », fulmine Samuel Bondjock, directeur de publication du journal Direct info. Parfois l’on use et abuse même de memoranda pour porter des revendications au sommet de l'État.
D'autres encore, plus ancrés dans des logiques communautaristes, vont même jusqu’à brandir des menaces de sécession, à l'effet d’effrayer l'État et parvenir à leurs fins. Quid des frustrations que cette pratique de l'équilibre régional semble parfois causer au sein de la société ? Car le principe est de promouvoir parfois les moins méritants, simplement sur la base de leur appartenance à tel ou tel groupe. Malheureusement, cette générosité se fait au détriment des candidats compétents et au mépris de leurs efforts. On dénude trop Pierre pour habiller Paul. Et la méritocratie alors ? Cette valeur est tout aussi exaltée par le président de la République, au point d'octroyer la prime dite d’excellence aux meilleurs étudiants de l'enseignement supérieur, en guise de récompense. Avec tout ceci, à l'heure de la mondialisation, l'on peut légitimement questionner la capacité de jeunes Camerounais à être encore compétitifs à l'international. Seul le talent y parle. Dans les zones supposées favorisées au Cameroun, des générations entières de jeunes, ont été à jamais sacrifiées. Avec elles, à certains égards, leurs régions à l'instar du Centre, du Sud et l'Est, parmi les plus enclavées. L’infrastructure routière s'y trouve globalement dans un état douteux. Dans la partie méridionale du pays, sommier électoral naturel du président de la République, en l'absence d'une université d’État, d'autres jeunes doivent abandonner leur rêve de poursuivre des études supérieures, faute de moyens d'aller s'installer loin de leur base. Dans ces conditions, l'unité nationale risque de continuer pendant longtemps à avoir du plomb dans l’aile. Incapable de décoller. À cause surtout des tensions intercommunautaires nées de la suspicion générale ambiante : effets pernicieux de l’équilibre régional. Pour autant, peut-on reprocher au Président Ahidjo d'avoir conçu cet outil. Il lui a permis de rattraper le retard du Grand-Nord, dans tous les domaines du développement. Qu’ils soient infrastructurel, économiques ou humain, avec la promotion ostensible d'un personnel politico administratif et du secteur privé, malgré les lacunes criardes de ces cadres. Ces régions septentrionales avaient été lésées par l'administration coloniale basée à Yaoundé, au profil du Grand-Sud, considéré à cette époque comme le « Cameroun utile ».