Entretien avec Danielle Eyango: «Kotto Bass a souffert très tôt»
Yaoundé, 28 mars 2013
© Ericien Pascal | Le Soir
Auteur de l'ouvrage «Kotto Bass comme un oiseau en plein envol», Danielle Eyango déballe tout sur la vie de cet artiste émérite.
© Ericien Pascal | Le Soir
Auteur de l'ouvrage «Kotto Bass comme un oiseau en plein envol», Danielle Eyango déballe tout sur la vie de cet artiste émérite.
Vous venez de publier un ouvrage
sur l'artiste camerounais Kotto Bass de regrettée mémoire. Qu'est ce qui
a motivé la publication de ce roman?
(Hésitation)Je suis gênée chaque fois qu'on me pose cette question. C'est une histoire totalement rocambolesque et folle. Ça commencé à mon insu, je ne me rends pas compte. Je suis à Buea, nous sommes en 2000, j'ai 18 ans. Et donc quatre ans après la mort de Tonton Vieux Kotto Bass, il commence à venir dans des songes à trois heures du matin. Et il me demande d'écrire chaque fois qu'il vient. Je n'y crois pas, mais au bout de trois mois je me dis, bon je fais le pari de Pascal, ça ne me coûte rien d'écrire. Je commence à écrire chaque fois tout ce qu'on se dit, et c'est après que je me rends compte, très finement, qu'il m'a amené à revenir sur toutes les tensions familiales, c'est-à-dire que le roman balaie toutes les tensions familiales, toute la vie intime de Kotto Bass. Par ce qu'il a vu qu'il y a en moi beaucoup de haine et de désir de vengeance et il ne pouvait pas reposer en paix tant que je suis comme ça. Alors avec beaucoup de dextérité, il m'amène à parler de ça, à vomir cela pour me guérir parce que, comme il me dit dans un songe, tu es malade de haine, tu es à l'agonie mais tu ne le sais pas. C'est à la fin, parce qu'il viendra pendant onze ans, et c'est pourquoi le livre sort seulement maintenant; c'est-à-dire que le roman a pris tout ce temps là pour être écrit. C'est en décembre 2011, je crois que, comme d'habitude, à trois heures du matin, il s'assoit sur mon lit, il me demande de lui lire le manuscrit que j'ai eu à écrire. Quand je finis, il me regarde et il me dit: «ça y est l'oiseau peut s'envoler il n'est plus malade», et c'est là que je comprends que j'ai été guérie à mon insu, j'ai été un peu comme manipulée voilà un peu toute l'histoire de ce roman. Dans ce roman, il ya ce côté loufoque de songe, c'est ce qui le rend romanesque. De ce songe, viendra tout ce qu'on se dira; et il y a aussi sa vie réelle de petit enfant au cours de laquelle il a été atteint de poliomyélite à trois ans, subi des souffrances intimes jusqu'à sa mort, sans oublier le procès qui a suivi. Voilà toutes les deux facettes que l'on retrouve dans ce roman.
Est-ce que l'ouvrage parle aussi de son parcours artistique?
Non pas vraiment, je ne me suis attardée que sur la personne de Kotto Bass, parce que je n'ai pas connu la star. Honnêtement, c'est à sa mort que j'ai découvert son côté star, puisqu’ à sa mort il y avait une foule immense. Tonton Vieux n'a pas eu d'enfant et j'étais la seule enfant de sa sœur aînée, Catherine Eyango Ebongué (il aimait l'appeler dans ses chansons). Ma mère était divorcée, donc c'est lui qui tenait le rôle de papa. Ainsi, la facette de Kotto Bass que je présente c'est la facette intime de l'artiste.
Parlons de son enfance, il était quel genre de garçon?
C'est quelqu'un qui a souffert très tôt. A trois ans, il a ses deux jambes atteintes de poliomyélite et il se traîne sur le sol comme un serpent. Il a souffert parce qu'on se met à lui faire des massages horriblement douloureux jusqu'à l'âge de dix onze ans pour qu'il daigne au moins se mettre sur un pied. Il est le troisième enfant de six gosses d'une famille extrêmement pauvre. Un enfant qui n'a jamais aimé l'école, qui a fabriqué sa première guitare quand il avait cinq ans, qui a composé la chanson Edith quand il avait cinq ans qui était décidé à l'âge de cinq ans à devenir un grand artiste, comme Eboa Lottin, apprendre tout seul. Il s'est battu pour y arriver. Mais malheureusement et au moment même où il devait jouir des fruits de son travail, c'est à ce moment qu'il est fauché par la mort, à l'âge de 33 ans. C'était le 20 novembre 1996. Il est né le 6 février 1963.
Est-ce que l'ouvrage parle également des causes de son décès?
Exactement. C'est ce que je dis dans le roman. Ce dernier a deux facettes: sa vraie vie intime, la vie de Vieux (c'est son petit nom) de sa naissance jusqu'à la nuit tragique du 19 au 20 novembre 1996, en détails pour avoir les vraies causes de sa mort comment ça s'est passé et ce qui s'en est suivi.
Aviez-vous des rapports particuliers avec Kotto Bass?
J'étais sa fille puisqu'il n'a jamais eu d'enfant et comme je l'ai dit, ma mère étant divorcée, il jouait le rôle de papa, c'est lui qui s'inquiétait pour moi: Est-ce que Dany a mangé à midi? Qui a osé envoyer Dany laver les assiettes parce qu'il n'aimait pas que je travaille. Dany est où? Donc il tenait le rôle de papa, d'où effectivement cette rancœur, cette grosse colère que j'ai en moi quand il meurt, parce qu'il faut dire que Tonton Vieux était l'équilibre de la famille. Car qu'il n'aimait pas les problèmes, c'était celui qui calmait les choses. Il n'était pas l'aîné mais était très calme et très fort de caractère. Ce qui fait que quand il décède c'est comme une grosse déchirure familiale et tout le monde sort les masques. Donc c'est cette haine là que j'avais en moi qu'il est venu enlever de mon cœur. C'est pour cela qu'il me dit à la fin qu’il m'a aidé, que l'oiseau peut s'envoler il n'est plus malade. D'où le titre même du roman.
Comment comptez-vous pérenniser d'avantage sa mémoire au-delà de ce roman?
Pour l'instant, nous pensons à une compilation au plan musical parce que beaucoup de gens ont du mal à trouver ses chansons. Mais l'ouvrage fait déjà des ravages musicalement, parce que j'ai l'impression que même dans la tombe il veut toujours être premier. Il est le premier artiste camerounais à bénéficier d'une œuvre immortelle telle un Roman. En France et partout le roman fait déjà des grabuges. Nous pensons aussi à sa tombe qui est en train d'être refaite, embellie à nouveau. On n'est pas pressé. L'essentiel pour lui, c'était de me guérir. Il ya des projets...
Qui s'occupe de la gestion de ses droits d'auteur. C'est également vous?
Moi je ne m'en occupe pas. Il y a quelqu'un qui s'en occupe. C'est un aîné, son frère qui touche ses droits d'auteur. Pour ses droits, je crois qu'il n'ya pas de problèmes. La famille s'en charge.
Alors si on parlait un peu des origines de Kotto Bass...
Tonton Vieux est un Yabassi de Longtoka. Son papa était Yabassi de Longtoka et sa maman, une Douala de Bonendallé. Son père est décédé un an après sa mort et sa mère,«mémé», en 2008.
C'est votre premier ouvrage ou bien?
Oui. C'est mon tout premier roman que je publie.
On peut dire que c'est le début d'une nouvelle carrière alors...
(Rires) Oui, en effet pourquoi pas, l'écriture pour moi c'est une thérapie.
Vous avez déjà pensé aux sujets du prochain roman?
(Hésitations puis rires) Oui... comme j'aime à le dire, je suis «malade», comme tout le monde j'ai mes blessures...
C'est quoi ces blessures?
Mais c'est comme vous. Chacun a des blessures, chacun a des cadavres dans son cœur, dans son placard; chacun a des hontes qu'il cache, chacun a des traumatismes qui ont façonné sa personnalité, et ma façon de me guérir, c'est d'écrire.
Votre roman coûte combien et où peut-on le trouver?
Le roman coûte 7.500 FCFA et il est en vente ici à Yaoundé au magasin casino, au supermarché Dovv à Bastos, à l'Aéroport, et dans les kiosques Messapresse. Et à Douala on le retrouve toujours à Casino à l'Aéroport et à l'Hôtel méridien. Je rappelle que le roman court vers sa deuxième rupture de stock.
Un mot de fin pour tous ceux qui ont connu et aimé votre oncle, votre «Père» Kotto Bass...
Je leur dirai qu'ils ont le droit de savoir. Vous savez il y a eu une foule immense le jour de ses obsèques. Il y a des gens qui ont accompagné son corps à pied. Donc je dis qu'ils ont droit de savoir ce qui s'est passé et que voilà son dernier album qu'il leur lègue. Je vais vous raconter une anecdote, j'étais à une émission à la CRTV avec votre collègue Gilbert Ele Ndjana, et en direct à la radio, il a dit aux auditeurs: «Rappelez-vous, nous avons reçu il y a trois ans Ruth Kotto dans cette émission, et elle nous a confié avoir fait un songe dans lequel son frère lui disait qu'il va sortir son dernier album en 2012. Et que c'est un album qui fera un carton. Et elle de lui répondre, mais tu es mort. Il lui dit, non! En 2012 tu vas entendre parler de moi». Alors moi j'ai eu la chair de poule. En fait, le journaliste a fait directement le rapprochement avec le livre. Donc je dis effectivement, voilà le dernier album qu'il leur livre. Ce roman que je viens de publier sur Kotto Bass.
(Hésitation)Je suis gênée chaque fois qu'on me pose cette question. C'est une histoire totalement rocambolesque et folle. Ça commencé à mon insu, je ne me rends pas compte. Je suis à Buea, nous sommes en 2000, j'ai 18 ans. Et donc quatre ans après la mort de Tonton Vieux Kotto Bass, il commence à venir dans des songes à trois heures du matin. Et il me demande d'écrire chaque fois qu'il vient. Je n'y crois pas, mais au bout de trois mois je me dis, bon je fais le pari de Pascal, ça ne me coûte rien d'écrire. Je commence à écrire chaque fois tout ce qu'on se dit, et c'est après que je me rends compte, très finement, qu'il m'a amené à revenir sur toutes les tensions familiales, c'est-à-dire que le roman balaie toutes les tensions familiales, toute la vie intime de Kotto Bass. Par ce qu'il a vu qu'il y a en moi beaucoup de haine et de désir de vengeance et il ne pouvait pas reposer en paix tant que je suis comme ça. Alors avec beaucoup de dextérité, il m'amène à parler de ça, à vomir cela pour me guérir parce que, comme il me dit dans un songe, tu es malade de haine, tu es à l'agonie mais tu ne le sais pas. C'est à la fin, parce qu'il viendra pendant onze ans, et c'est pourquoi le livre sort seulement maintenant; c'est-à-dire que le roman a pris tout ce temps là pour être écrit. C'est en décembre 2011, je crois que, comme d'habitude, à trois heures du matin, il s'assoit sur mon lit, il me demande de lui lire le manuscrit que j'ai eu à écrire. Quand je finis, il me regarde et il me dit: «ça y est l'oiseau peut s'envoler il n'est plus malade», et c'est là que je comprends que j'ai été guérie à mon insu, j'ai été un peu comme manipulée voilà un peu toute l'histoire de ce roman. Dans ce roman, il ya ce côté loufoque de songe, c'est ce qui le rend romanesque. De ce songe, viendra tout ce qu'on se dira; et il y a aussi sa vie réelle de petit enfant au cours de laquelle il a été atteint de poliomyélite à trois ans, subi des souffrances intimes jusqu'à sa mort, sans oublier le procès qui a suivi. Voilà toutes les deux facettes que l'on retrouve dans ce roman.
Est-ce que l'ouvrage parle aussi de son parcours artistique?
Non pas vraiment, je ne me suis attardée que sur la personne de Kotto Bass, parce que je n'ai pas connu la star. Honnêtement, c'est à sa mort que j'ai découvert son côté star, puisqu’ à sa mort il y avait une foule immense. Tonton Vieux n'a pas eu d'enfant et j'étais la seule enfant de sa sœur aînée, Catherine Eyango Ebongué (il aimait l'appeler dans ses chansons). Ma mère était divorcée, donc c'est lui qui tenait le rôle de papa. Ainsi, la facette de Kotto Bass que je présente c'est la facette intime de l'artiste.
Parlons de son enfance, il était quel genre de garçon?
C'est quelqu'un qui a souffert très tôt. A trois ans, il a ses deux jambes atteintes de poliomyélite et il se traîne sur le sol comme un serpent. Il a souffert parce qu'on se met à lui faire des massages horriblement douloureux jusqu'à l'âge de dix onze ans pour qu'il daigne au moins se mettre sur un pied. Il est le troisième enfant de six gosses d'une famille extrêmement pauvre. Un enfant qui n'a jamais aimé l'école, qui a fabriqué sa première guitare quand il avait cinq ans, qui a composé la chanson Edith quand il avait cinq ans qui était décidé à l'âge de cinq ans à devenir un grand artiste, comme Eboa Lottin, apprendre tout seul. Il s'est battu pour y arriver. Mais malheureusement et au moment même où il devait jouir des fruits de son travail, c'est à ce moment qu'il est fauché par la mort, à l'âge de 33 ans. C'était le 20 novembre 1996. Il est né le 6 février 1963.
Est-ce que l'ouvrage parle également des causes de son décès?
Exactement. C'est ce que je dis dans le roman. Ce dernier a deux facettes: sa vraie vie intime, la vie de Vieux (c'est son petit nom) de sa naissance jusqu'à la nuit tragique du 19 au 20 novembre 1996, en détails pour avoir les vraies causes de sa mort comment ça s'est passé et ce qui s'en est suivi.
Aviez-vous des rapports particuliers avec Kotto Bass?
J'étais sa fille puisqu'il n'a jamais eu d'enfant et comme je l'ai dit, ma mère étant divorcée, il jouait le rôle de papa, c'est lui qui s'inquiétait pour moi: Est-ce que Dany a mangé à midi? Qui a osé envoyer Dany laver les assiettes parce qu'il n'aimait pas que je travaille. Dany est où? Donc il tenait le rôle de papa, d'où effectivement cette rancœur, cette grosse colère que j'ai en moi quand il meurt, parce qu'il faut dire que Tonton Vieux était l'équilibre de la famille. Car qu'il n'aimait pas les problèmes, c'était celui qui calmait les choses. Il n'était pas l'aîné mais était très calme et très fort de caractère. Ce qui fait que quand il décède c'est comme une grosse déchirure familiale et tout le monde sort les masques. Donc c'est cette haine là que j'avais en moi qu'il est venu enlever de mon cœur. C'est pour cela qu'il me dit à la fin qu’il m'a aidé, que l'oiseau peut s'envoler il n'est plus malade. D'où le titre même du roman.
Comment comptez-vous pérenniser d'avantage sa mémoire au-delà de ce roman?
Pour l'instant, nous pensons à une compilation au plan musical parce que beaucoup de gens ont du mal à trouver ses chansons. Mais l'ouvrage fait déjà des ravages musicalement, parce que j'ai l'impression que même dans la tombe il veut toujours être premier. Il est le premier artiste camerounais à bénéficier d'une œuvre immortelle telle un Roman. En France et partout le roman fait déjà des grabuges. Nous pensons aussi à sa tombe qui est en train d'être refaite, embellie à nouveau. On n'est pas pressé. L'essentiel pour lui, c'était de me guérir. Il ya des projets...
Qui s'occupe de la gestion de ses droits d'auteur. C'est également vous?
Moi je ne m'en occupe pas. Il y a quelqu'un qui s'en occupe. C'est un aîné, son frère qui touche ses droits d'auteur. Pour ses droits, je crois qu'il n'ya pas de problèmes. La famille s'en charge.
Alors si on parlait un peu des origines de Kotto Bass...
Tonton Vieux est un Yabassi de Longtoka. Son papa était Yabassi de Longtoka et sa maman, une Douala de Bonendallé. Son père est décédé un an après sa mort et sa mère,«mémé», en 2008.
C'est votre premier ouvrage ou bien?
Oui. C'est mon tout premier roman que je publie.
On peut dire que c'est le début d'une nouvelle carrière alors...
(Rires) Oui, en effet pourquoi pas, l'écriture pour moi c'est une thérapie.
Vous avez déjà pensé aux sujets du prochain roman?
(Hésitations puis rires) Oui... comme j'aime à le dire, je suis «malade», comme tout le monde j'ai mes blessures...
C'est quoi ces blessures?
Mais c'est comme vous. Chacun a des blessures, chacun a des cadavres dans son cœur, dans son placard; chacun a des hontes qu'il cache, chacun a des traumatismes qui ont façonné sa personnalité, et ma façon de me guérir, c'est d'écrire.
Votre roman coûte combien et où peut-on le trouver?
Le roman coûte 7.500 FCFA et il est en vente ici à Yaoundé au magasin casino, au supermarché Dovv à Bastos, à l'Aéroport, et dans les kiosques Messapresse. Et à Douala on le retrouve toujours à Casino à l'Aéroport et à l'Hôtel méridien. Je rappelle que le roman court vers sa deuxième rupture de stock.
Un mot de fin pour tous ceux qui ont connu et aimé votre oncle, votre «Père» Kotto Bass...
Je leur dirai qu'ils ont le droit de savoir. Vous savez il y a eu une foule immense le jour de ses obsèques. Il y a des gens qui ont accompagné son corps à pied. Donc je dis qu'ils ont droit de savoir ce qui s'est passé et que voilà son dernier album qu'il leur lègue. Je vais vous raconter une anecdote, j'étais à une émission à la CRTV avec votre collègue Gilbert Ele Ndjana, et en direct à la radio, il a dit aux auditeurs: «Rappelez-vous, nous avons reçu il y a trois ans Ruth Kotto dans cette émission, et elle nous a confié avoir fait un songe dans lequel son frère lui disait qu'il va sortir son dernier album en 2012. Et que c'est un album qui fera un carton. Et elle de lui répondre, mais tu es mort. Il lui dit, non! En 2012 tu vas entendre parler de moi». Alors moi j'ai eu la chair de poule. En fait, le journaliste a fait directement le rapprochement avec le livre. Donc je dis effectivement, voilà le dernier album qu'il leur livre. Ce roman que je viens de publier sur Kotto Bass.