La loi donne un pouvoir de contrôle étendu à cet organe qui ne l’utilise pas dans sa totalité.
Encore une polémique sur la responsabilité des présidents et membres des conseils d’administration d’établissements publics administratifs, d’entreprises du secteur public ou parapublic. Celle qui anime en ce moment les discussions est la question de la responsabilité ou non de deux présidents successifs du conseil d’administration de la Société de développement du coton (Sodécoton) dont l’ex-directeur général, Iya Mohammed, est incarcéré à la prison centrale de Kondengui à Yaoundé pour détournement présumés de fonds publics.
Louis Eyeya Zanga et Roger Moïse Eyene Nlom, Pca successifs de la Sodécoton pendant la période de gestion incriminée, sont-ils en effet comptables ou non de certaines des accusations de détournement de deniers publics qui accablent l’ex-Dg et ses collaborateurs ? Récemment, des confrères se sont étonnés de la quiétude de ces deux personnalités au moment où Iya Mohammed et compagnie plongeaient dans la tourmente des ennuis judiciaires.
Ils fondaient cet étonnement sur un rapport de la mission de vérification du Contrôle supérieur de l’Etat auprès de la Sodécoton (exercices 2005-2010). Rapport qui indexe personnellement les deux anciens Pca, accusés d’avoir perçu des avantages sans bases textuelles entre 2005 et 2009 pour une somme de 80 millions de FCfa. Et contre Roger Moïse Eyene Nlom, en complicité avec Iya Mohammed, l’aliénation de biens immobiliers dans la région de la Sodécoton de Kaélé.
Quant à tous les membres du conseil d’administration, le rapport les accuse de perception indue d’indemnités de session des conseils d’administration de 2005 à 2009. Montant total de ces indemnités : 31 millions FCfa. Des clarifications apportées par des sources du Jour expliquaient que les deux Pca n’avaient pas été traduits devant le Conseil de discipline budgétaire et financière pour la simple raison que ledit conseil n’est pas compétent pour les entendre. (Exemple, le précédent du Pca de l’Agence de régulation des marchés publics, Hamadjoda Adjoudji). Nos sources n’excluaient pas, contre les deux Pca, la possibilité de la saisine des instances judiciaires par les voies de droit adéquates.
Sentiment d’impunité
Mais rien n’y fait, un sentiment d’impunité plane toujours sur les présidents et les membres des conseils d’administration des établissements publics administratifs et des entreprises du secteur public ou parapublic. Même si, depuis le lancement de l’opération Epervier, la justice a déjà eu la main lourde contre quelques-uns. En juillet 2008 en effet, André Booto’o à Ngon, de regrettée mémoire, est condamné au terme d’un procès qui a duré 18 mois, à 40 ans de prison par le Tribunal de grande instance du Mfoundi pour détournement de deniers publics, de l’argent tiré des caisses du Crédit foncier du Cameroun et « dilapidé » dans divers projets non réalisés ou mal réalisés. Il décèdera moins d’un an après sa condamnation, clamant toujours son innocence. Edouard Etondé Ekoto purge, lui, une peine de 15 ans de prison dans le pénitencier de New Bell à Douala, pour des faits commis lorsqu’il était président du conseil d’administration du Port autonome de Douala. Il s’est pourvu en cassation devant la Cour suprême et clame lui aussi son innocence.
Les pouvoirs les plus étendus
Ces deux exceptions invalident-elles la règle de l’impunité des Pca ? Un constat reste indéniable : sur une dizaine d’établissements publics administratifs et d’entreprises du secteur public et parapublic dont les dirigeants ont été embastillés pour détournement de deniers publics, rarement les présidents des conseils d’administration ont été inquiétés, encore moins les administrateurs. Qui pourtant ont souvent fait montre d’un enthousiasme débordant à décerner des quitus de bonne gestion aux Dg.
En principe, le conseil d’administration est le principal organe dirigeant d’une entreprise, notamment les établissements publics administratifs et les sociétés à capital public et les sociétés d'économie mixte. « Le conseil d’administration, indique une source du Jour, a les pouvoirs les plus étendus pour agir au nom de l’entreprise, définir et orienter sa politique générale et évaluer sa gestion ». Il se réunit au moins deux fois par an sur convocation de son président : une fois pour le vote du budget, une fois pour arrêter les états financiers annuels.
Il a donc, dans un timing raisonnable, toute l’information sur la
situation financière de l’entreprise. Et la loi n° 99/016 du 22 décembre
1999 portant statut général des établissements publics et des
entreprises du secteur public et parapublic en son article 49 (al 1) lui
donne tous les pouvoirs pour déceler, et si besoin est, arrêter une
dérive managériale. « Le directeur général est responsable devant le
conseil d’administration qui peut le sanctionner en cas de faute grave
de gestion ou de comportement susceptible de nuire à la bonne marche ou à
l’image de l’entreprise. A cet effet, le président du conseil
d’administration est tenu de convoquer une séance extraordinaire au
cours de laquelle le directeur général est entendu. Le conseil
d’administration peut prononcer à son encontre l’une des sanctions
suivantes :
-la suspension de certains de ses pouvoirs ;
-la suspension de ses fonctions, avec effet immédiat pour une durée limitée ;
-la révocation. »
Dans la pratique, ce pouvoir n’est pas toujours exercé. Les
présidents et les membres des conseils d’administration se contentant
bien souvent d’un service minimum. Les conséquences de ce laxisme
(entretenu par les libéralités du Dg) sont des naufrages programmés des
établissements publics administratifs et des entreprises du secteur
public ou parapublic.