Enrôlement des recours de Lapiro : que peut faire la Cour suprême ?
L’éclairage de Me Kouengoua, avocat au barreau du Cameroun
"La Cour suprême peut renvoyer devant une autre cour d’Appel ou statuer sur le fond "
Condamné
le 24 septembre 2008 par le tribunal de grande instance du Moungo à 3
ans d’emprisonnement fermes et 280 millions Fcfa de dommages et
intérêts, Lapiro de Mbanga, l’auteur du titre querellé “ Constitution constipée ”
avait interjeté appel du verdict. Lequel sera confirmé le 26 juin 2009
par la cour d’Appel du Littoral. Non content, Lambo Sandjo Pierre Roger,
de son vrai nom, se pourvoit en cassation. La Cour suprême prend près
de 20 mois pour enfin enrôler ses recours pour le 17 mars, c’est à dire
ce jour. Décision qui intervient alors que l’artiste, arrêté dans la
mouvante des émeutes de février 2008 dans la localité de Mbanga, a
pratiquement fini de purger sa peine. Pour essayer de comprendre les
différents enjeux, Le Messager est allé à la rencontre d’un
spécialiste du droit.
Dans l’affaire qui l’oppose au
ministère public, la Spm , et dont il avait été reconnu coupable
d’attroupement sur la voie publique et de pillage en bande, la Cour
suprême a finalement enrôlé le recours de Lapiro de Mbanga pour le 17
mars 2011, donc ce jour. Quels sont les scénarii possibles qui peuvent
se présenter ?
La cour suprême, lorsqu’elle maintient
une décision, elle ne confirme pas, elle rejette le pourvoi. Donc quand
elle rejette le pourvoi, ça veut dire que c’est l’arrêt de la Cour
d’Appel. Je suppose que l’arrêt de la cour d’Appel est confirmatif dans
le dossier de Lapiro, c'est-à-dire que la cour d’appel a confirmé le
jugement de Nkongsamba. Quand la cour Suprême rejette le pourvoi, c’est
l’arrêt de la Cour d’Appel qui doit s’exécuter. Ca veut dire que Lapiro
doit purger le reste de jours qui lui manquent et payer les dommages et
intérêts ainsi que les amendes et autres. Donc la décision de
condamnation est exécutée dans son entièreté.
Deuxième hypothèse ;
si la Cour Suprême casse l’arrêt de la Cour d’Appel il y a deux
possibilités. Elle peut renvoyer devant une autre Cour d’Appel comme
elle peut aussi depuis la loi du 29 décembre 2006 évoquer et statuer sur
le fond. Si elle casse évoque et statue, elle peut, et c’est ce qui est
important, casser sur un élément de forme et c’est ça qui est important
et non sur le fond, c'est-à-dire qu’elle peut casser parce que
peut-être on n’a pas mis l’âge de ceci ou de cela. Mais à l’examen au
fond, c'est-à-dire après son pourvoi d’évocation avec son pourvoi de
cassation découvre que les faits ont été constitués et condamne.
Mais
si elle casse, évoque ou renvoie devant une autre Cour d’Appel et que
cette Cour d’Appel estime que le juge de Nkongsamba n’avait pas fait une
bonne appréciation des faits et du droit, à partir de cet instant
Lapiro peut recouvrer la liberté de manière rétroactive.
Pouvez-vous être plus précis maître...
Je
veux dire que si jamais on dit qu’il n’y a pas d’infraction ou qu’il
n’a rien fait, ça veut dire que ça annule, ou si je peux me le
permettre, ça rend son casier judiciaire vierge et efface la décision
qui avait été rendue. C’est ça le but des voies de recours. C'est-à-dire
que une fois que c’est annulé, si la Cour d’Appel avait infirmé et
avait annulé la décision de Nkongsamba, c’est comme si Lapiro n’avait
jamais été condamné.
Mais en ce qui concerne la Cour Suprême avant décembre 2006 ne
statuait que sur la forme, c'est-à-dire voir si la loi a été respectée.
Aujourd’hui la loi est venue modifier en disant que la Cour Suprême du
Cameroun regarde si la loi a été bien appliquée. Si tel n’est pas le
cas, elle sanctionne et comme c’est des magistrats qui sont partis du
tribunal pour la Cour d’Appel et enfin pour la cour suprême, ils
évoquent et ils apprécient à leur niveau comme si c’était les jurys qui
le font. Mais ils peuvent aussi renvoyer devant une autre Cour d’Appel
pour apprécier les faits soumis à la Cour. Voilà ce que je peux dire sur
cette question à moi posée.
A partir du moment qu’on le relaxe, doit-on statuer sur les dommages et intérêts ?
Le
problème n’est pas là. La Cour peut estimer qu’il n’a rien fait et le
relaxe purement et simplement. A partir du moment qu’on le relaxe, on ne
peut plus statuer sur les dommages et intérêts. La Cour de renvoi
devient incompétente pour statuer. La Cour d’Appel de renvoi peut
recevoir le dossier d’Appel de Lapiro dire que la peine a été très
sévère et ramène la peine à deux ans dire que les dommages et intérêts
ont été trop évalués et les ramène à 10 ou 15 millions ou à un franc
symbolique par exemple. C’est des cas de figure possibles en droit. Rien
n’est statique, la loi n’est pas figée. C’est des hommes qui appliquent
ces lois et en raison de leur conscience et des règles établies.
On ne peut pas dire aujourd’hui qu’il va payer 280 millions ou qu’il ne va pas le faire. On ne peut pas dire que Lapiro ne va rien payer ou qu’il va payer 100 millions jusqu’à ce que la Cour Suprême vide sa saisine. Si elle évoque et elle statue, ça veut dire qu’elle va statuer en dernier ressort. Si elle casse et elle renvoie l’affaire, Lapiro va aller devant la Cour d’Appel de renvoi et voir ce qu’on va dire. Il y a un problème parce que la peine à laquelle Lapiro de Mbanga a été condamnée tire vers sa fin. Si avant la saisine de la Cour d’Appel il a purgé toute la peine que restera-t-il ?