Enquête sur la débâcle des Lions au Brésil : Que peut le Président Biya ?

Cameroun,Cameroon - Enquête sur la débâcle des Lions au Brésil : Que peut le Président Biya ?PARLANT AU NOM du peuple plusieurs mois avant la Coupe du monde 2014, le chef de l’Etat du Cameroun avait dit à Samuel Eto’o et ses coéquipiers : « Faites nous vibrer ! » Pendant cette compétition, les camerounais ont plutôt vibré de colère. Le président Paul Biya aussi. Et il l’a montré en prescrivant une enquête d’un mois. Mais que pourra-t-il réellement faire après cette enquête ? Avant de voir ce que le Chef de l’Etat pourra prendre comme décisions lorsqu’il aura reçu les résultats des investigations prescrites au Premier Ministre (PM), il est peut-être judicieux d’interroger ce qui avait été fait de l’exhortation du 1er sportif camerounais aux poulains de Volker Finke.

On  suppose que le président de la république n’a pu faire une telle exhortation qu’après avoir été informé que les Lions indomptables se portaient bien, et qu’il y avait donc de bonnes raisons de croire qu’ils feraient bonne figure au Brésil. Mais après une qualification poussive, et un climat que tout le monde savait d’une sérénité fragile, qui a bien pu ainsi alimenter faussement les espoirs du président Biya ? Les investigations du PM iront-elle jusqu’à ce point ?

Pourquoi le Président n’a pas réagi aux multiples alertes ?

Pour faire vibrer de joie le peuple camerounais, les Lions Indomptables devaient bénéficier d’une bonne préparation, d’un encadrement compétent, et d’un environnement propice à la réalisation de performances de haut niveau. Le gouvernement de la république et la Fécafoot avaient la charge de mettre les Lions Indomptables dans les conditions idoines pour rééditer au moins la performance de 1990. Pendant 7 mois, une grande partie du peuple camerounais a vu que les choses n’allaient pas dans le bon sens, et des personnalités du foot au Cameroun, en tête desquelles l’Ambassadeur Itinérant Roger Milla, n’ont eu de cesse de tirer la sonnette d’alarme partout où cela était possible, notamment dans les médias. Mais pourquoi le Chef de l’Etat est-il resté sourd à ces cris de détresse, alors qu’on aurait pu croire qu’il suivrait la préparation des Lions de près pour que son exhortation produise l’effet escompté ?

Le match perdu sévèrement par le Cameroun contre le Portugal (1-5) était une autre alerte. Le ministère des sports (MINSEP) et la Fécafoot n’ont pas semblé émus, ils ont continué à afficher une fausse assurance, malgré un tir groupé des médias et des personnalités du foot pour prédire une catastrophe au Brésil. Le Chef de l’Etat croyait-il toujours que son exhortation allait porter ? Pourquoi n’a-t-il pas frappé du poing sur la table pour ramener les dirigeants directs du foot camerounais sur le droit chemin ?

Le comble se déroule à Yaoundé, avec cette grève des joueurs pour les primes, et ce simulacre de cérémonie de remise du drapeau : là encore, nombreux sont ceux qui espéraient une sortie ferme du Président Biya pour mettre fin à tout ce désordre qui n’augurait rien de bon au Brésil. Il n’y a rien eu, si ce n’est cette « information » selon laquelle c’est lui qui aurait ordonné que de l’argent soit décaissé du trésor public un weekend. Fallait-il laisser courir ce « Faites-nous vibrer » alors qu’on savait le climat hautement délétère autour des Lions Indomptables ? Le Chef de l’Etat a-t-il lui aussi été bluffé par le match Allemagne vs Cameroun pour laisser le scénario catastrophe se tramer sans intervenir ? N’était-ce pas l’occasion de recevoir toute la sélection nationale ainsi que les dirigeants de la Fécafoot et du MINSEP au palais de l’Unité pour mettre chacun face à ses responsabilités ?

Si le chef de l’Etat avait reçu les Lions indomptables avant leur départ en Coupe du monde, il aurait fait d’une pierre plusieurs coups : réparer l’injustice selon laquelle il avait fait de la discrimination en recevant seul Samuel Eto’o Fils ; couper court au problème des primes qui s’éternisait ; remettre solennellement le drapeau du pays aux joueurs ; mettre en garde les autorités du foot sur les risques qu’elles couraient en prenant des libertés avec l’argent du foot comme cela en prenait le chemin avec cette délégation pléthorique qu’ils s’apprêtaient à emmener au Brésil.

Mission impossible pour le PM ?

Tout cela peut être classé désormais au rang des occasions manquées ou des regrets. La campagne brésilienne des Lions Indomptables aura donc été désastreuse, les Lions Indomptables ayant perdu 3 matchs sur 3, et s’étant classés 32ème sur les 32 équipes présentes à la Coupe du monde 2014. Le public camerounais est en colère et l’exprime à satiété. Beaucoup pensent que le foot camerounais a touché le fond, et qu’il est temps que le Chef de l’Etat intervienne fermement et sévèrement pour stopper cette déliquescence du sport-roi dans le pays.

On ne peut pas savoir avec exactitude si le Chef de l’Etat est lui aussi très en colère après la déculottée des Lions au Brésil, mais le communiqué publié par le Secrétaire Général (SG) de la présidence de la république laisse voir qu’il a reçu le message du peuple au sujet du foot, et qu’il a décidé de réagir : « Le président de la République, son Excellence Paul Biya, a prescrit ce jour au Premier ministre, chef du gouvernement, de lui soumettre dans un délai d’un mois, les résultats de ses  investigations sur les causes de la campagne peu glorieuse de notre équipe fanion les Lions indomptables, à la Coupe du monde de football de 2014 au Brésil, avec des propositions en vue d’une restructuration profonde et urgente du football camerounais »

Le communiqué, contrairement à ce que certains ont pu penser, ne s’adresse pas au PM, mais bel et bien au peuple camerounais qu’il informe que le Chef de l’Etat a prescrit une enquête au PM. Le délai d’un mois accordé au PM pour produire son rapport, répond à tous ceux qui rappellent souvent que les enquêtes au Cameroun sont interminables et n’aboutissent jamais à aucun résultat. Mais que pourra faire le PM pour satisfaire à cette « très haute instruction » ?

De prime abord, on peut aisément deviner l’embarras du PM qui sait pertinemment qu’il va être juge et partie dans cette affaire, parce qu’il est intervenu dans la prise de certaines décisions, et il a été acteur de premier plan en présidant le match de « bénédiction » contre la Moldavie à Yaoundé, en présidant la cérémonie de remise du  drapeau national à ... Volker Finke. Dans ces conditions, il sait que son enquête peut faire naître des réserves sur sa sincérité. Le PM est certainement embarrassé aussi parce qu’on lui demande de faire des propositions de restructuration du football camerounais dans un délai d’un mois, alors que depuis une dizaine d’années on n’en  finit plus avec les relectures de textes de la fédération de foot, les forums du football, et les états généraux du sport (dont le foot). Il doit aussi se souvenir qu’en 2013, des résolutions prises dans son bureau pour sauver ce qui pouvait encore l’être du foot camerounais avaient été foulées aux pieds par les dirigeants de la Fecafoot, sans que la « très haute hiérarchie » ne lui soit venue en aide.

Le PM doit également se demander comment on peut lui enjoindre à lui de proposer des mesures pour restructurer profondément le foot camerounais, alors qu’un Comité de Normalisation (CN) a été mis en place depuis plus de 10 mois à cet effet, à l’instigation du « sommet de l’Etat ». Au terme des 8 mois qui avaient été prescrits à ce CN,  aucun résultat concret n’avait été obtenu, et son mandat avait été prorogé de 8 mois. Pourra-t-il réaliser en un mois ce que le CN n’a pas pu faire en 16 mois ?

© Aurore Plus : Charles Mongue-Mouyeme Consultant en Marketing et Communication


19/07/2014
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