Enquête : Pistes brouillées autour du meurtre de Biakan à Ngon
Enquête : Pistes brouillées autour du meurtre de Biakan à Ngon
Arrêté puis relâché par la police, un opérateur économique est
soupçonné d’avoir passé un «contrat» avec les présumés assassins.
Plus
de trois semaines après le meurtre du magistrat hors hiérarchie, Avocat
général près la Cour suprême et auprès de la Chambre des comptes,
Jeannot Biakan à Ngon, la lumière n’est pas totalement faite sur les
circonstances et les mobiles de sa mort violente à domicile. Hier, 14
mars 2011, le procureur de la République a conduit les présumés
assassins et les enquêteurs sur le lieu du crime pour sa reconstitution.
Un exercice complexe et difficile du fait des acteurs, imprécisions des
témoignages et la reproduction du drame du quartier Obobogo dans la
nuit du 17 février 2011. A titre d’exemple, les différents acteurs
(police et présumés assassins), ne s’accordent pas sur l’effectif du
gang le soir de l’opération sanglante d’Obobogo.
Toujours est-il
que mardi 8 mars dernier vers 4h du matin, des éléments de la police
ont investi le domicile de Théodule Emmanuel Tonyè, opérateur économique
et habitué du cabinet du ministre des Enseignements secondaires, Louis
Bapès Bapès. D’après des informations proches de l’enquête, c’est l’un
des malfaiteurs qui a craqué et lâché le nom de cet opérateur économique
bien connu dans certains milieux. Toujours d’après la même source, un
certain Emmanuel Biboum qui purge une lourde peine d’emprisonnement à
Kondengui, a été interpellé hors de sa prison, et a affirmé aux
enquêteurs avoir reçu de M. Tonyè, la somme de 40 millions de Fcfa pour
l’élimination du magistrat Jeannot Biakan à Ngon. Alors que la police
croyait connaître une évolution notable dans son investigation grâce à
l’exploitation des téléphones portables des mis en cause sur cette
affaire, au terme de l’exploitation de M. Tonyè, celui-ci a été remis en
liberté.
Et pour cause, les présumés assassins disent ne pas le
reconnaître. Raison pour laquelle l’homme interpellé le 8 mars 2011 à
son domicile sera relâché plus tard dans la soirée par les éléments du
Commissariat central n°4 de la ville de Yaoundé au quartier Kondengui.
Pour autant, la police affirme qu’il reste à sa disposition. Pas
étonnant que des proches de la victime s’impatientent et ne manquent
plus de dire que l’enquête piétine, ce d’autant plus qu’en dehors des
personnes arrêtées dans la capitale, la police doit se déployer hors de
Yaoundé, l’un des membres du gang ayant choisi de quitter Yaoundé une
fois le forfait commis.
Coups de feu
Les choses sont
rendues d’autant plus difficiles que les présumés malfrats ne semblent
pas d’humeur à collaborer avec la police car, «ayant été arrêtés en
possession d’armes à feu et soupçonnés de l’assassinat d’un haut
magistrat, ils savent ce qu’ils encourent. Mais ce n’est rien», a
expliqué à Mutations une source policière il y a trois semaines au
lendemain du meurtre du haut magistrat.
Trois jours seulement après
le décès violent et brutal Jeannot Biakan à Ngon, cinq jeunes gens ont
été interpellés par les éléments du commissariat de sécurité publique du
15e arrondissement de la ville de Yaoundé, basé au quartier
Messamendongo. Au rang de ces présumés assassins, un certain Ondigui,
que les enfants du magistrat décédé sont formellement allés reconnaître
le dimanche 27 février 2011 comme celui-là même qui est à l’origine des
coups de feu meurtriers contre leur père.
D’après des
indiscrétions, certains des membres du gang laissent croire à
l’exécution d’un «contrat» de 12 millions de Fcfa. Le dénommé Ondigui
qui se présente manifestement comme le chef de la bande en serait l’un
des principaux artisans. Une thèse que réfutent certains de ses présumés
équipiers qui tentent, d’expliquer aux enquêteurs qu’il s’agit
simplement d’un «banal braquage qui a mal tourné». Constitué de repris
de justice pour la plupart, les présumés meurtriers auraient des relais à
la prison centrale de Yaoundé. «Certains reprochent même à Ondigui le
fait d’avoir tiré sur le magistrat», se laisse aller un enquêteur. Peu
convaincant cependant, pour les éléments de la police, ce d’autant plus
que le délégué général à la Sûreté nationale, Martin Mbarga Nguélé suit
de près l’affaire, de même que le vice Premier ministre en charge de la
Justice, Amadou Ali.
S’ils sont sous la pression de leur
hiérarchie, les policiers eux refusent immédiatement d’admettre la thèse
du «banal cambriolage qui a mal tourné», compte tenu, selon nos
sources, de l’importance de la victime et surtout des premiers éléments
de l’enquête. Difficile donc pour le moment d’écarter la piste du
règlement des comptes invoquée dès le lendemain de la mort violente de
Biakan à Ngon. Les activités professionnelles de l’intéressé pourraient
donc avoir servi d’appât. Surtout que le véhicule de fonction emporté
par les malfaiteurs, a été retrouvé quelques heures après le drame au
quartier Ahala par des éléments de la police. Mais en attendant, la
famille qui estime que le temps passe, se propose de procéder à
l’inhumation du défunt le 26 mars prochain.
Léger Ntiga