Emmanuel Edou : les raisons d’un départ
Sous la galaxie du Renouveau, Emmanuel Edou est certainement le seul délégué général à la Sûreté nationale à avoir passé le moins de temps possible à ce poste. Nommé en septembre 2009, dans la vague du réaménagement ministériel du 30 juin de la même année, il a été limogé hier, 31 août 2010, par un décret du président de la République. Il est remplacé par un vieux briscard du sérail camerounais, Mbarga Nguele Martin, actuel ambassadeur du Cameroun en Espagne, qui retrouve ainsi un poste qu’il avait déjà occupé il y a quelques années
Emmanuel Edou est donc viré. Son limogeage résonne si fort au sein du sérail que beaucoup se demandent bien ce que cet homme politique dont certains avaient fini par croire qu’il faisait partie des hommes sûrs du président notamment au sein de l’élite politique proche du pouvoir de la région du Sud à bien pu faire pour qu’il soit ainsi remercié brutalement. On se souvient que après un passage au gouvernement à la fin des années 90 comme secrétaire d’Etat à la défense, il avait réapparu en décembre après un passage à vide comme ministre délégué auprès du ministre de l’Administration territoriale chargé de la décentralisation.
Conflit avec Marafa, concours de la police…
C’est peut-être au Minatd que les problèmes qui l’amènent à quitter à nouveau le gouvernement trouvent leur genèse. Il se dit en effet dans dédales du pouvoir que la collaboration avec Marafa Hamidou Yaya, nommé au même moment que lui comme ministre d’Etat, ministre de l’Administration territoriale et de la décentralisation, n’aura pas été les plus sereines. Edou Emmanuel se serait vu marginalisé à plusieurs reprises par le ministre d’Etat Marafa qu’il aurait reproché de ne pas lui donner une ouverture utile et efficace alors qu’il occupait les fonctions de ministre délégué auprès du ministre de l’Administration territoriale et de la décentralisation. Les brouilles entre les deux hommes étaient en effet nombreuses sur plusieurs dossiers qualifiés de sensibles. Au point où il y a un an environ, le chef de l’Etat en toute souveraineté a choisi de le déployer ailleurs à un autre poste sensible au sein du gouvernement.
Devenu donc délégué général à la Sûreté nationale (DGSN), c’est-à-dire le patron des services de sécurité et des renseignements généraux camerounais, Emmanuel Edou a retrouvé une marge de manœuvre à sa dimension. Il ne faut pas oublié qu’il fut secrétaire d’Etat à la défense dans le passé. Poste où il se serait illustré par des actions qui l’ont rendu redoutable au sein du sérail. Notamment sur des bulletins de renseignements adressés à la haute hiérarchie et qualifiés de pointus sur certaines hautes personnalités. Emmanuel Edou une fois DGSN a-t-il pensé régler un compte à Marafa Hamidou Yaya ? Tout laisse à le croire. Car, on se souvient qu’un juge d’instruction ivre de son pouvoir dans le cadre de l’Opération Epervier a pensé (maladroitement) établir une liste des personnalités de la République dont des ministres en fonction, interdites de sorite du territoire nationale. Le nom de Marafa Hamidou Yaya figurait sur cette fameuse liste qui a été mise à la disposition du DGSN. Sans prendre du recul, mais davantage aveuglé dit-on au sein du landerneau politique par ce désir de vengeance, Emmanuel Edou a transmis à ses collaborateurs de la direction de la police des frontières la dite liste sans se référer à la haute hiérarchie. Informé par ses réseaux, le ministre d’Etat Marafa Hamidou Yaya s’est ouvert directement au chef de l’Etat qui l’aurait même reçu à ce propos. Premier couac.
Le deuxième couac est relatif à la gestion du dernier concours d’entrée à la police. On se souvient que des candidats qui avaient régulièrement présenté ce concours et étaient déclarés admis à suivre la formation ont par la suite été exclus alors qu’ils étaient déjà au centre d’instruction de la police de Mutenguene depuis plus d’un mois pour certains. On parlait alors entre autres de faux diplômes, et faux actes de naissances. Cette situation avait fait couler beaucoup d’encre, Emmanuel Edou n’ayant pas pu convaincre l’opinion sur le fondement de cette décision.
… Affaire Bibi Ngota et autres griefs
On peut aussi ajouter parmi les causes du départ subite d’Emmanuel Edou du prestigieux poste de DGSN, la terrible et douloureuse affaire Bibi Ngota, du nom du défunt journaliste directeur de publication de Cameroun Express mort en prison au mois d’avril dernier. On reprocherait au désormais ex DGSN d’avoir joué un rôle trouble dans cette affaire qui aurait pu être gérée sans que l’image du Cameroun (pays où les journalistes meurt en prison) n’en prenne un coup. Emmanuel Edou est accusé par ses pourfendeurs d’avoir pris fait et cause pour un certain « clan du Sud » qui aurait utilisé cette affaire Bibi Ngota pour mener une guerre sans merci au ministre d’Etat secrétaire général de la présidence de la République Laurent Esso.
Enfin, la goûte d’eau qui, ces derniers jours, aurait débordé le vase, est cette tentative d’enlèvement de l’épouse de l’actuel Premier ministre, Yang Philémon. Au cours de cette tentative d’agression de madame Yang, qui ressemblait bien à un traquenard, on signale que la sécurité rapprochée de celle-ci avait été obligée d’ouvrir le feu, tuant ainsi deux des bandits. L’affaire une fois de plus avait fait grand bruit et la responsabilité notamment sur le comportement des éléments des polices. C’est ainsi que la responsabilité du DGSN a tout de suite été engagée.
Au final, tout ceci reste des spéculations de journalistes. Seul Paul Biya dont les actes sont discrétionnaires sait pourquoi il peut avoir viré un homme qu’il a appelé à ce poste stratégique il y seulement un an environ.