Emeutes de Deido - Tribalisme primaire: Les hypocrisies autour de la question Bamiléké

DOUALA - 12 Janvier 2012
© François Lasier | Aurore Plus

La semaine chaude à Douala a donné lieu à toutes sortes de tartufferies qui ont permis d'éluder un problème de fond dans la cohabitation des communautés dans la capitale économique.

Choses entendues à Douala lors de la folle semaine qu'a vécue le quartier Deido. «Douala, c'est pour tout le monde». «Les Douala, c'est qui» Les réalisateurs tv qui ont passé et repassé ces propos d'abrutis ne sont pas à blâmer. Ils permettent de prendre la mesure de la sauvagerie des mentalités dans la capitale économique. Les camés en motos qui hurlent leur mépris d'une communauté d'accueil n'ont rien inventé. Ils ont été à la bonne école des leaders politiques et d'opinion de la tribu et d'un ordre politique qui date de la colonisation française. Les Français avaient décidé que la ville de Douala se développera sans les Douala, le régime de Paul Biya a achevé la besogne. A Douala Il de Denise Fampou, à Douala. III avec Oularou Fathi, ou à Douala IV avec Françoise Foning, quand on parle d'élection des présidents des sections du Rdpc, trois communautés sont concernées. Les Beti, les Nordistes et les Bamiléké.

Les Douala, les Bassa et la Bakoko ne comptent que pour du beurre et doivent se contenter de jouer de faire-valoir. Résultats des courses, Douala est la seule ville dont aucun maire d'arrondissement n'est exactement originaire de la ville. A leur mort, ils iront tous se faire enterrer au village aux côté de leurs ancêtres. A bout d'exaspération, les communautés Bassa de Douala sont sur le pied de guerre pour revendiquer un nouveau découpage qui crée un arrondissement dans lequel ils pourront élire des édiles légitimes. C'est pourtant le même régime de Paul Biya qui a eu l'idée d'inscrire dans la Constitution le principe de la protection des minorités. Mais à chaque fois que la question est évoquée, on assiste à une formidable. Levée de boucliers. Et on sait dans quelle tribu se recrutent essentiellement les adversaires de la protection des minorités qui ont inventé quelques gentils vocables qui n'existent pas dans la Constitution pour faire prospérer l'hypocrisie.

Un ancien député du Rdpc, originaire de l'Ouest mais élu député à Douala, candidat à la dernière élection présidentielle, a perdu jusqu'à son logiciel des interruptions. Il veut d’un bamileké comme délégué du gouvernement à Douala, il peste lorsque le protocole à l'occasion des cérémonies officielles installe les chefs traditionnels Douala avant les hommes d'affaires Bamilékés qui, selon lui, paient le plus gros des impôts dans la cité portuaire. Et oublient de mentionner qu'ils sont aussi les meilleurs trafiquants au port de Douala. Ce qu'ils disent à mots couverts en public pour afficher politiquement corrects, ils le disent haut et fort dans les réunions du Laakam. Les conducteurs de moto-taxis n'ont donc rien inventé, ils tiennent leur haine de l'autochtone Douala de leurs cousins du village. Et les incidents de Deido ont permis de révéler au grand jour les cynismes qui, enfouis, mais qui se déchaînent à la moindre occasion.

La prime à l'ensauvagement

Comment les populations circulaient-elles à Douala il y a vingt ans avant le boom du phénomène du transport par mototaxis? Les mototaxis sont-ils un mal nécessaire? On pose mal le problème pour cautionner l'ensauvagement. Depuis que les mototaxis ont été interdits à Bonanjo par une décision préfectorale, on ne s'en porte pas plus mal. Bien au contraire, la circulation est plus fluide dans les artères du quartier administratif et ça fait moins désordre. On pourrait tout aussi bien les interdire à Deido et à Akwa. On y gagnera en sécurité et en tranquillité. Mais des esprits tordus ont réussi la prouesse de nous faire croire que les mototaxis étaient un mal nécessaire à Douala. Foutaises. Un ami Burkinabè disait un jour son indignation de voir le Cameroun évoluer à reculons. Dans les années 70, alors que Ouagadougou n'avait que ses engins à deux roues pour le transport à l'intérieur dans ville, Douala faisait la fière avec ses bus Sotuc. Vingt ans après, la capitale économique du Cameroun avait son développement en sens inverse et avait adopté les mototaxis tandis que la capitale burkinabé faisait marcher sa compagnie de transport urbain.

Le phénomène des mototaxis trouve d'autant plus d'avocats acharnés à le défendre qu'il est très lucratif pour quelques grands hommes d'affaires du village. Tous les cousins, analphabètes pour la plupart, qui n'ont plus rien à faire au village peuvent aller à l'aventure à Douala. Ils ne font pas la différence entre un panneau stop et un panneau arrêt interdit, mais ils sont lâchés dans les rues où ils font le plus gros paquet d'accidentés recensés aux urgences des formations hospitalières. Les cousins installés en ville les font venir par vagues entières. Le bizness rapporte plus gros que le taxi en termes de retour sur investissement. De plus, on ne le dit jamais assez, les mototaxis sont une redoutable milice dans la république. Deux ou trois mois avant la dernière élection présidentielle, le pouvoir à Yaoundé était pris d'une peur bleue. Il circulait une rumeur selon laquelle des adversaires du régime envisageaient de recruter des motaximen par milliers moyennant rémunération pour une campagne de déstabilisation. La Menace n'a pas été confirmée, mais elle reste réelle. En attendant la prochaine occasion, qui sera peut-être la bonne. Mais en attendant, on se défoule à Deido, le vol à la tire prospère, l'assassinat et le désordre urbain.



12/01/2012
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