Pourquoi la ville de Douala est-elle si sale si polluée et si gangrenée par des bidonvilles à la dérive ? Pourquoi a-t-elle l'air d'être pour la plupart abandonnée à elle-même dans l'amoncellement des déchets, des détritus et des loques humaines en pleine désespérance ? Qu'a-t-elle en son sein pour accumuler tant de pourritures et de nuisances, tant de personnes et de populations livrées aux maladies endémiques et aux épidémies de toutes sortes ?
Les habitants de Douala des années 50 se souviennent de l’époque où il faisait bon vivre dans la capitale économique de la République du Cameroun. Dans les années 50, 60, Douala était propre et le régime en place imposait des sanctions aux populations délinquantes. Il s’agissait d’un travail d’intérêt général d’embellissement et d’assainissement de la ville.
« Doul ». Les Camerounais d’une cinquantaine d’années et plus n’ont rien oublié de l’époque où leur capitale économique portait ce surnom. Selon Yves Ngome Komé, sociologue à l'université de Douala « La ville était très propre. Il n’y avait pas d’eau qui suinte de partout. La ville était présentable ! »
« N'allait pas à Bonapriso qui veux, les motos ne polluaient pas des quartiers comme Bonanjo, poursuit ce sociologue âgée de 60 ans. Les gens de Douala vivaient comme les petits blancs, et même les Européens qui venaient se sentaient à l’aise ! Il y avait des poubelles partout, des services étaient chargés de ramasser les déchets et on ne pouvait pas jeter les ordures par terre. »
A Douala, ( Voir illustration) il n'est pas étonnant de découvrir en bordure de la route ou même en pleine chaussée, un véhicule en panne abandonné depuis des mois....
Tout le monde devait nettoyer sa cour
Souvenirs de Martin Dika, historien retraitée. « Le nettoyage de la concession se faisait le samedi. Tout le monde devait nettoyer son terrain, le trottoir, prendre sa houe ou sa machette pour couper l’herbe des quartiers, des espaces verts. La circulation était interdite, tous les marchés étaient fermés mais les vendeurs devaient nettoyer leur emplacement. Kouam Simon, installé au quartier New Bell dans les années 50 précise : On devait suivre les ordres, au risque d’être réprimandé, d’avoir une amende ou d’être pris pour un opposant. »
Les populations accompagnaient l’Etat qui puisait lui aussi dans les impôts pour entretenir de la ville. Des sacrifices qui en valaient la peine, assure Kouam Simon. « Comme c’était vraiment propre, il n’y avait pas de malaria, pas de fièvre typhoïde », rappelle ce commerçant à la retraite. Surtout, des agents désinsectisaient pour éradiquer les moustiques, vecteurs du paludisme. « De petits avions bombardaient la ville. Mes amis et moi ça nous faisait peur à cause du bruit, mais voir cette fumée blanche nous faisait rire ! », s’amuse encore Moussa, 76 ans, boutiquier d'origine sénégalaise installé au quartier Congo depuis les années 70
Pour beaucoup, Douala représentait également le challenge entre plusieurs équipes du championnat national de football. Union de Douala, Oryx, Dynamo, Léopard.. Ces équipes ont fait de Douala une ville pétrie de grands talents de football
Le tableau : dans de nombreux quartiers, les
constructions de fortune pullulent, les déchets ménagers s’enfouissent
dans le sol et des flaques d’eau boueuses et nauséabondes favorisent la
propagation de maladies telles que le paludisme et le choléra.
Il est temps que les pouvoirs publics remettent de l’ordre dans cette
ville. Si les anciennes politiques d’assainissement de la ville ont
porté leur fruit en leur temps, pourquoi ne pas revenir sur ses points
positifs ?
Il est aussi temps de "dépolluer" nos mentalités de leurs effluves d'indifférence et d'irresponsabilité, en vue de construire un cadre d'existence dont chaque personne serait responsable. Nos villes sont les miroirs de nos mentalités. Nous les changerons quand nous aurons pris la peine de changer les structures profondes de ces mentalités.