Elections: Querelles autour de la révision des listes

DOUALA - 10 Janvier 2012
© Serge-Lionel Nnanga | La Nouvelle Expression

Malgré les appels de l’opposition pour procéder à une refonte du fichier électoral, Elecam a maintenu l’option de la simple révision. Ce qui, d’après un observateur discrédite les opérations électorales à venir. Depuis le 5 janvier 2012, Elections Cameroon (Elecam) a entamé l’opération de révision des listes électorales.

Conformément aux textes en vigueur. L’article 37 de la loi n°92/010 fixant les conditions d’élection et de suppléance à la présidence de la république, modifiée et complétée depuis lors par d’autres textes, dispose en effet que «la révision annuelle des listes électorales commence le 1er janvier et s’achève le 31 août de chaque année». Pour des raisons pratiques et techniques, le début de l’opération a été retardé de quelques jours, affirment les responsables d’Elecam. Mais l’option même de la révision - et non de la refonte des listes comme plusieurs fois demandé par certains partis d’opposition-, divise et fait réagir.


Querelles

D’après les explications fournies dans les médias publics par le directeur général de l’institution, Mohaman Sani Tanimou, la refonte des listes électorales équivaut à un recensement des électeurs dans leurs maisons, leurs quartiers ou leurs villages. «C’est Elecam qui va vers l’électeur», figure-t-il tout en affirmant qu’au moins une année entière serait nécessaire pour faire ce travail. A cinq mois des élections législatives et municipales, on ne peut valablement envisager une pareille option. «Les spécialistes en la matière, conclue-t-il, conseillent de faire la refonte plutôt en année non électorale». Ce serait donc des raisons pratiques qui auraient conduit à l’option de révision mise en route par Elecam. «Trop facile», juge cependant Hilaire Kamga, président de l’Ong Nouveaux Droits de l’Homme. D’après le spécialiste des questions électorales, «cela constitue une nouvelle tentative de violation du code électoral».

En effet, argumente-t-il, dans son rapport sur l’élection présidentielle du 09 octobre dernier, Elecam a elle-même reconnu que cette liste n’était pas fiable. «On ne peut pas cautionner une liste qui n’est pas fiable quand il y a la possibilité de faire une refonte et avoir une nouvelle liste», poursuit-il. Ce d’autant plus que l’organe indépendant, dispose d’après lui, de tous les moyens légaux, techniques et matériels pour faire cette refonte. Elle n’en détient d’ailleurs pas l’exclusivité car cette opération doit se faire dans le cadre des commissions mixtes qui réunissent des représentants de partis politiques qui sont autant commissaires que les représentants d’Elecam. Pire, soutient l’acteur de la société civile, Elecam continue de conserver le secret sur l’utilisation du logiciel Sigce (Système d’information et de gestion cartographique des élections) sans que les autres acteurs électoraux ne puissent en contrôler l’usage. Aussi conclue-t-il qu’«à la réalité ils sont en train d’essayer de mettre en place un bureau légal de fraude électorale car, la fraude par la constitution de la liste électorale est la forme de fraude la plus utilisée et la plus dangereuse».


562 852 doublons effacés

A Elecam, les responsables affirment vouloir se concentrer sur les attributions qui leur sont conférées par la loi. Si sur le terrain, l’opération de révision des listes électorales ne rencontre pour le moment qu’un engouement timide des populations, l’opération de toilettage elle se poursuit. D’après la cellule de communication de l’institution, 562 852 doublons ont déjà été enlevés au 5 janvier 2011. Ce qui porte le corps électoral à 6 963 816 électeurs, un peu moins que les 7,5 millions de la dernière présidentielle. Si elle reconnait la nécessité d’une refonte du fichier électoral, elle continue néanmoins de se plaindre de l’incomplète collaboration des autres acteurs. Notamment des autres administrations publiques. «C’est un problème systémique. La refonte suppose que tous les acteurs contribuent à la réunion de tous les électeurs. Donc chacun peut avoir le contrôle de celui qu’il a réuni. Or si on n’est pas dans une prédisposition structurelle remarquable pour pouvoir faire une élection crédible, on n’admettrait pas qu’il y ait une refonte», pense Hilaire Kamga.


Réactions

«Pour avoir un fichier fiable, il faut faire une refonte»: Mongwat Ahidjo, cellule de communication Udc

Nous sommes en politique, ce n’est pas parce qu’on dit que c’est erroné que nous allons dire à nos militants de ne pas s’inscrire. Mais on dit que pour avoir un fichier fiable, il faut faire une refonte. La dernière fois, Elecam avait voulu rassurer tout le monde, mais au finish qu’est-ce qu’on a vu sur le terrain? Des gens qui, le jour du scrutin, se retrouvaient avec 5 cartes, 10 cartes. Et même des gens qui ont voté sans leurs noms sur les listes électorales. On ne peut pas se faire duper deux fois pour le même problème. Certes les commissions sont mixtes à tous les niveaux. Mais quand on va démarrer les inscriptions, vous allez voir qu’on va multiplier les pôles. Il y aura des endroits que nous ne maitrisons même pas. Parce qu’il y a un autre problème : inscrire c’est une chose, mais retrouver les gens où on va leur distribuer les cartes c’est autre chose.


«Elecam fait preuve de mauvaise foi»: Som I, Secrétaire général du Cameroon People’s Party

Au sortir de l’élection présidentielle, l’ensemble des forces de l’opposition ainsi que l’ensemble des observateurs internationaux et nationaux se sont mis d’accord pour dire que le système électoral doit être reformé en profondeur. On voit bien que malgré les propositions qui ont été faites pour cela, Elecam recommence et fait preuve là de mauvaise foi. Le Cpp n’a envoyé aucun de ses représentants dans les commissions mixtes parce qu’on estime que la première chose qu’on doit faire c’est reformer le système électoral. Les camerounais ne font pas confiance au système électoral et nous encore moins. Il faut absolument redonner confiance aux camerounais par rapport au système électoral. Ceci passe par une réforme en profondeur, mais là manifestement, Elecam ne fait rien.


«Nous avons déjà lancé nos propres inscriptions»: Fabien Assigana, président du Mouvement Républicain

Depuis le 5 janvier, nous avons lancé les opérations non seulement d’inscriptions sur les listes électorales, mais aussi d’identification dans les zones où nous pensons présenter des candidats. Mais dans le même temps, nous avons saisi le premier ministre pour avoir un forum de discussion pour que les élections soient transparentes et crédibles. Nous lui avons fait une correspondance au à cet effet. Ce qui est sûr c’est que nous sommes en début de discussions. Nous avons souhaité rencontrer Elecam parce que nous pensons que nous devons travailler ensemble. Néanmoins, nous continuons avec la campagne d’inscription sur les listes, tout en continuant de demander et d’exiger une amélioration du système électoral au Cameroun.




10/01/2012
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