Election présidentielle : La guerre des lettres ouvertes n’aura pas lieu
Journal Mutations du 10 Mars 2011
Election présidentielle : La guerre des lettres ouvertes n’aura pas lieu
La polémique autour de l’âge du capitaine gagne les amphis de nos universités.
Alain Fogue Tedom, contestataire devant l’Eternel, vient rageusement de publier une lettre ouverte au président de la République dans laquelle l’universitaire lance un appel à Paul Biya pour qu’il ne se représente pas à la présidentielle de 2011. Cette missive publique patauge dans tous les sens autant qu’elle est confuse et sans fil d’Ariane.
Il s’agit d’une lettre publique mise en ligne le samedi, 12 février 2011 et reprise par certains médias camerounais. Je prends le soin de souligner que cette missive est dépourvue de la moindre surprise. Elle transpire le fantasme maladif de son auteur pour la rédaction perfide des articles et des correspondances politiques. Cependant, à la lecture de cette énième lettre déversée dans le biotope public, et bien qu’elle ne me soit pas directement adressée, ma sensibilité de patriote s’en trouve égratignée par la construction forcée et la démonstration laborieuse que fait Alain Fogue Tedom pour convaincre le président Paul Biya de ne pas briguer un mandat supplémentaire à la tête du Cameroun en cette année 2011.
A priori, l’auteur de cette missive, répréhensible dans la forme comme dans le fond, a-t-il eu raison de prévenir et de se prémunir des protestations, de même que du tollé éventuel que susciterait son initiative auprès des affidés du Renouveau, comme dans la caste des intellectuels épris de belles lettres et de l’esthétique stylistique que requiert toute rhétorique argumentative. À condition, toutefois, que le politologue de Soa ne confonde la nature de son texte argumentatif, voire injonctif, d’un bilan narratif de règne de Paul Biya. Dans les deux cas, l’échafaudage de son argumentation est trahi par la posture du politicien aigri qui se cache derrière le rideau de l’analyste politique, au crépuscule d’une prestation scénique où rien ne lui réussit.
Dois-je pour cela rappeler, aux lecteurs de ladite lettre ouverte au président de la République, que son auteur, qui se dissimule derrière l’étoffe sublimant de politologue, est avant tout le leader d’un parti politique – ou quelque chose dans ce genre… Il s’agit du Mouvement républicain populaire (Mrp), dont le mérite d’exister ne se limite qu’à sa figuration dans les bordereaux du Minatd.
Cette formation politique est, en plus, la pâle copie plagiée du Mrp, Parti des démocrates chrétiens auquel adhérait Louis Paul Aujoulat et dont les 3 principes politiques étaient : la démocratie, la République et la résistance. C’est donc sous le seing d’acteur politique que signe le politologue. C’est, pense-t-il, sa cape immunitaire. En tout cas, la lettre ouverte de M. Fogue exprime, pas moins, la position d’un leader de parti – sans militant – à un rival politique de la trempe présidentielle. C’est deux poids, deux mesures. Dès lors, on le comprend : tous les coups sont permis. Même les plus irréguliers, les moins réels et ceux qui volent très bas.
Cette précision faite, on imagine davantage la gêne d’un politicien raté à qui il manque la moindre notoriété populaire de même que la baraka élémentaire, d’être considéré comme une Prométhée de la politique dans son propre village et dans les campus où il professe sans adresse fixe. On peut également admettre, du point de vue de la psychanalyse, que ce homme en veuille à un illustre leader d’un grand parti à l’assise nationale et à la popularité internationale établie. A moins que sa lettre ouverte ait été rédigée dans le but abject de se faire un nom dans les amphis : on cogite sur la politique camerounaise, et non forcément sur les sciences politiques, sa sphère idéelle.
Immaturité
On sait désormais pourquoi il est resté cloîtré aux théories livresques et aux chimères internationalistes au point de confondre, comme une gargotière, la problématique insurrectionnelle dans le monde arabe avec la réalité camerounaise. Il n’appartient pas à M. Fogue de souhaiter ou pas «une tunisianisation» ni «une égyptianisation» de la fin du Renouveau, autant que des comparaisons avec les régimes de Kim Il-Sung et les performances électorales de Paul Biya avec les scores soviétiques ne sont pas raison. Ces rapprochements triviaux constituent des métaphores qui prouvent, une fois de plus, le peu de maîtrise du sujet. Notre politicien est un idéaliste proche du personnage d’Hugo Barine des «Mains sales», ou du «Neveu de Rameau» de Diderot. Décidemment, chez M. Fogue, «l’enfer, c’est les autres».
Mon cher prof sait-il que Paul Biya a suffisamment étudié les tragédies classiques pour ne pas tomber dans le piège des motions de soutien dépourvues de loyauté ? Mais, dans le cas concret du Cameroun, ces motions et appels du peuple, qu’il dénigre, vont jusqu’à l’expression authentique des suffrages universels. A ce propos, la force populaire du président Biya est loin d’être une farce.
Que M. Fogue, qui dit être âgé de 42 ans et qui n’a connu que le régime du Renouveau, se félicite du climat de paix et d’émulation qui a favorisé sa quiétude et ses études, son insertion dans le corps enseignant et son maintien dans la Fonction publique, nonobstant ses subversions itératives. Ailleurs, personne n’ignore le cachot au fond duquel on l’imaginerait…
Au Cameroun et sous le Renouveau, qu’il vilipende avec autant de haine et de zèle, ainsi qu’on peut aisément le constater dans le ton provocateur du rédacteur d’une Lettre aussi pernicieuse à un chef d’Etat, la liberté et la démocratie s’expriment dans toute leur évidence à travers l’attitude irrévérencieuse de l’auteur. Ailleurs, on s’en souviendrait à travers des messes de requiem…
Au juste, de quoi ont peur le politicien/universitaire et ses acolytes de la Marche Orange dont on sait, par ailleurs, qu’il est l’un des scribes de l’ombre ? Que Paul Biya brigue un mandat supplétif ? À coup sûr. Ils redoutent un raz-de-marée électoral que l’universitaire se complait de justifier comme la résultante d’un éventuel tripatouillage lié à la «composition partisane d’Elecam». Comme si, invraisemblablement, une équipe sûre de son jeu ne peut défaire ses adversaires à domicile avec un arbitre et des juges de touches «vendus».
La problématique d’Elecam est un faux problème. Elle est autant plus factice que l’équivoque suscitée sur l’âge du chef de l’Etat et sa longévité au pouvoir. Les camarades de docteur en sciences politiques savent très bien que seul le peuple, souverain dans ses choix authentiques, a plusieurs fois renouvelé sa confiance dans le chef de l’Etat en le reconduisant sans arrêt à la magistrature suprême, à travers la voie des urnes. Qu’importe l’alchimie des mathématiques sur des rapports d’âges et d’années qu’il réalise dans sa lettre ! Si tel est le désir du peuple, Paul Biya sera candidat en 2011.
Fort à propos, une frange importante du peuple s’est déjà exprimée : la limitation des mandats d’un président élu par son peuple par la voie du vote est une injure à l’intelligence du peuple. Et si, d’aventure, le président Paul Biya venait à rentrer dans le livre des records Guinness – comme le craint l’Offre Orange –, il devrait cet exploit à la seule expression souveraine du suffrage universel. Par conséquent, implorer le candidat plébiscité par une partie importante du peuple à ne plus se représenter à l’élection de 2011 est la pire flétrissure portée sur le dos de la masse qui le soutient.
Tant pis si l’homme politique et/ou universitaire appartient à la portion congrue qui rêve d’alternance politique. C’est le leitmotiv des idéalistes. Comme si l’alternance est une potion magique générant la démocratie et la prospérité. Comme dirait quelqu’un, l’alternance n’est pas un programme politique. Qu’est-ce que Fogue Tedom et compagnie proposent de concret au peuple ? Des campagnes toutes éclairées par des centrales nucléaires ? Des écoles et hôpitaux 5 étoiles, des autoroutes aériennes, des salaires d’un Bill Gates, une opération zéro chômage où les 20 millions de Camerounais seraient tous des cadres A2 et la fin de la prostitution dans un Eden sans tare, sans souffrance et sans misère ? Voltaire, dans son imaginaire prolifique, n’aurait pas rêvé hâtivement d’un Eldorado aussi prospère dans son livre «Candide».
C’est prendre les enfants du bon Dieu pour des «Caves du Vatican». André Gide se retournerait dans sa tombe, tant le concepteur de l’Offre Orange vend du vent… Les Orientaux parleraient d’un marchand d’illusions, et des réalisations dignes des contes des mille et une nuits ou sorties des caves d’Ali Baba. Quid de la menace haletante des émeutes de février 2008, mille fois brandies comme une épée de Damoclès sur la tête du régime, comme si le Cameroun des insurrections commençait à cette date récente ?
On comprend que, pour être né à forte distance de 1962, le gamin Alain Fogue n’ait pas vécu les affres du maquis sanglant qui ont, naguère, secoué le Cameroun. La répression politique date de cette époque lointaine. Notre révolution est derrière nous. Et seul l’auteur, qui n’a pas connu 1962, trouve que le Cameroun a régressé. Pourquoi ? Parce que, selon lui, on barre les routes quand le président passe… Quelle allusion infantile ! On comprend pourquoi, avec ce raisonnement puéril, notre prof d’université qui était allé, en juin 2010, négocier la levée de la garde à vue d’un compère au siège d’une télévision émettant de Yaoundé, fut copieusement tabassé, à coups de poing et de pied, par des vigiles en furie. Il fut sauvagement battu devant ses amis et jeté d’escalier en escalier, du cinquième étage jusque dans la rue, sous les applaudissements du personnel présent.
Sa plainte a moins prospéré dans cette affaire de bastonnade, comme dans sa tentative de défendre, sans une argumentation cohérente, un fils de milliardaire inculpé dans une affaire de détournement au cours de laquelle Fogue Tedom s’était vraisemblablement fourvoyé comme un bleu du droit. Décidément, le docteur en sciences politiques, chargé de cours à l’université de Yaoundé II, est un naïf en déphasage avec des réalités sociales plus troublantes. Sa vie politique est truffée de déboires bien qu’obsessionnellement, notre héros en herbe soit habité par une folle envie du pouvoir. Hélas, loin des amphis, il manque d’intuition politique. En effet, comment comprendre qu’un prof de Sciences Pô ne se rende pas compte que Biya n’est pas le plus âgé dans l’arène politique d’ici et d’ailleurs, et que la longévité au pouvoir n’est pas un signe de dictature? La scélératesse n’a pas besoin d’années pour s’extasier, autant que l’on peut gouverner un siècle sans cruauté et sans mener son peuple à la guerre.
De ce point de vue, au moins, l’auteur de la lettre ouverte tente un baroud d’honneur en reconnaissant à Biya des qualités dans sa peinture noircie en couleurs ténébreuses. Il écrit ceci : «C’est vrai que votre bilan est globalement négatif, mais je pense que vous pouvez vous réclamer d’être l’homme de Bakassi, celui-là qui a réussi à rétablir l’intégrité territoriale, pour quitter le pouvoir la tête haute, dans la dignité qu’impose dans notre société votre grand âge. Je n’ai pas de doute sur votre amour pour votre peuple mais, après trente ans de pouvoir pendant lesquels leurs conditions de vie n’ont fait que se dégrader (…) les Camerounais ont une soif légitime d’alternance politique que vous pouvez et devez comprendre (sic).» C’est tout ! Le péché de Biya, selon l’Offre Orange, est d’avoir «duré» au pouvoir. Voilà tout ! Pour lui, il faut céder le piédestal à quelqu’un d’autre, rien que pour leurs yeux ; comme si le pouvoir était un galop d’essai pour apprentis sorciers où chacun viendrait, à son tour, apprendre sa partition. Un bal masqué de vautours spontanés où on recommence sans arrêt à geindre et à hurler avec les loups.
On comprend, définitivement, que l’appel lancé par Alain Fogue Tedom, membre et marionnettiste tapi dans l’ombre de l’Offre Orange au président Paul Biya, à éviter de rempiler en 2011, est moins dans l’intérêt général du peuple mais dans l’optique des principes résumés dans le livre d’Hilaire Kamga que l’on croit (re)connaître dans ce plagiat mal agencé et un peu fourre-tout. Son argumentation est peu convaincante. L’avenir est édicté par le peuple et non par les démonstrations abracadabrantes d’un leader de parti incapable de proposer quelque chose de solide et de concret au peuple.
Bien au contraire, l’auteur prend les raccourcis en vogue, par ces temps de révolutions maghrébines : le secours de la rue, la casse, la violence, la désobéissance civique, la révolte des masses et l’instauration de l’anarchie comme mode d’alternance politique. L’impasse en quelque sorte, quoi ! Voilà la potion magique que propose le directeur du Centre d'études stratégiques pour la promotion de la paix et du développement. La promotion antithétique des troubles sociaux et le désordre. Voilà l’étymologie de la paix, selon Alain Fogue, le leader du Mrp ! Venant d’un prof de sciences politiques, il y a péril dans les amphis.
Dr Etienne Kangdoum *
* Enseignant d’université
Election présidentielle : La guerre des lettres ouvertes n’aura pas lieu
La polémique autour de l’âge du capitaine gagne les amphis de nos universités.
Alain Fogue Tedom, contestataire devant l’Eternel, vient rageusement de publier une lettre ouverte au président de la République dans laquelle l’universitaire lance un appel à Paul Biya pour qu’il ne se représente pas à la présidentielle de 2011. Cette missive publique patauge dans tous les sens autant qu’elle est confuse et sans fil d’Ariane.
Il s’agit d’une lettre publique mise en ligne le samedi, 12 février 2011 et reprise par certains médias camerounais. Je prends le soin de souligner que cette missive est dépourvue de la moindre surprise. Elle transpire le fantasme maladif de son auteur pour la rédaction perfide des articles et des correspondances politiques. Cependant, à la lecture de cette énième lettre déversée dans le biotope public, et bien qu’elle ne me soit pas directement adressée, ma sensibilité de patriote s’en trouve égratignée par la construction forcée et la démonstration laborieuse que fait Alain Fogue Tedom pour convaincre le président Paul Biya de ne pas briguer un mandat supplémentaire à la tête du Cameroun en cette année 2011.
A priori, l’auteur de cette missive, répréhensible dans la forme comme dans le fond, a-t-il eu raison de prévenir et de se prémunir des protestations, de même que du tollé éventuel que susciterait son initiative auprès des affidés du Renouveau, comme dans la caste des intellectuels épris de belles lettres et de l’esthétique stylistique que requiert toute rhétorique argumentative. À condition, toutefois, que le politologue de Soa ne confonde la nature de son texte argumentatif, voire injonctif, d’un bilan narratif de règne de Paul Biya. Dans les deux cas, l’échafaudage de son argumentation est trahi par la posture du politicien aigri qui se cache derrière le rideau de l’analyste politique, au crépuscule d’une prestation scénique où rien ne lui réussit.
Dois-je pour cela rappeler, aux lecteurs de ladite lettre ouverte au président de la République, que son auteur, qui se dissimule derrière l’étoffe sublimant de politologue, est avant tout le leader d’un parti politique – ou quelque chose dans ce genre… Il s’agit du Mouvement républicain populaire (Mrp), dont le mérite d’exister ne se limite qu’à sa figuration dans les bordereaux du Minatd.
Cette formation politique est, en plus, la pâle copie plagiée du Mrp, Parti des démocrates chrétiens auquel adhérait Louis Paul Aujoulat et dont les 3 principes politiques étaient : la démocratie, la République et la résistance. C’est donc sous le seing d’acteur politique que signe le politologue. C’est, pense-t-il, sa cape immunitaire. En tout cas, la lettre ouverte de M. Fogue exprime, pas moins, la position d’un leader de parti – sans militant – à un rival politique de la trempe présidentielle. C’est deux poids, deux mesures. Dès lors, on le comprend : tous les coups sont permis. Même les plus irréguliers, les moins réels et ceux qui volent très bas.
Cette précision faite, on imagine davantage la gêne d’un politicien raté à qui il manque la moindre notoriété populaire de même que la baraka élémentaire, d’être considéré comme une Prométhée de la politique dans son propre village et dans les campus où il professe sans adresse fixe. On peut également admettre, du point de vue de la psychanalyse, que ce homme en veuille à un illustre leader d’un grand parti à l’assise nationale et à la popularité internationale établie. A moins que sa lettre ouverte ait été rédigée dans le but abject de se faire un nom dans les amphis : on cogite sur la politique camerounaise, et non forcément sur les sciences politiques, sa sphère idéelle.
Immaturité
On sait désormais pourquoi il est resté cloîtré aux théories livresques et aux chimères internationalistes au point de confondre, comme une gargotière, la problématique insurrectionnelle dans le monde arabe avec la réalité camerounaise. Il n’appartient pas à M. Fogue de souhaiter ou pas «une tunisianisation» ni «une égyptianisation» de la fin du Renouveau, autant que des comparaisons avec les régimes de Kim Il-Sung et les performances électorales de Paul Biya avec les scores soviétiques ne sont pas raison. Ces rapprochements triviaux constituent des métaphores qui prouvent, une fois de plus, le peu de maîtrise du sujet. Notre politicien est un idéaliste proche du personnage d’Hugo Barine des «Mains sales», ou du «Neveu de Rameau» de Diderot. Décidemment, chez M. Fogue, «l’enfer, c’est les autres».
Mon cher prof sait-il que Paul Biya a suffisamment étudié les tragédies classiques pour ne pas tomber dans le piège des motions de soutien dépourvues de loyauté ? Mais, dans le cas concret du Cameroun, ces motions et appels du peuple, qu’il dénigre, vont jusqu’à l’expression authentique des suffrages universels. A ce propos, la force populaire du président Biya est loin d’être une farce.
Que M. Fogue, qui dit être âgé de 42 ans et qui n’a connu que le régime du Renouveau, se félicite du climat de paix et d’émulation qui a favorisé sa quiétude et ses études, son insertion dans le corps enseignant et son maintien dans la Fonction publique, nonobstant ses subversions itératives. Ailleurs, personne n’ignore le cachot au fond duquel on l’imaginerait…
Au Cameroun et sous le Renouveau, qu’il vilipende avec autant de haine et de zèle, ainsi qu’on peut aisément le constater dans le ton provocateur du rédacteur d’une Lettre aussi pernicieuse à un chef d’Etat, la liberté et la démocratie s’expriment dans toute leur évidence à travers l’attitude irrévérencieuse de l’auteur. Ailleurs, on s’en souviendrait à travers des messes de requiem…
Au juste, de quoi ont peur le politicien/universitaire et ses acolytes de la Marche Orange dont on sait, par ailleurs, qu’il est l’un des scribes de l’ombre ? Que Paul Biya brigue un mandat supplétif ? À coup sûr. Ils redoutent un raz-de-marée électoral que l’universitaire se complait de justifier comme la résultante d’un éventuel tripatouillage lié à la «composition partisane d’Elecam». Comme si, invraisemblablement, une équipe sûre de son jeu ne peut défaire ses adversaires à domicile avec un arbitre et des juges de touches «vendus».
La problématique d’Elecam est un faux problème. Elle est autant plus factice que l’équivoque suscitée sur l’âge du chef de l’Etat et sa longévité au pouvoir. Les camarades de docteur en sciences politiques savent très bien que seul le peuple, souverain dans ses choix authentiques, a plusieurs fois renouvelé sa confiance dans le chef de l’Etat en le reconduisant sans arrêt à la magistrature suprême, à travers la voie des urnes. Qu’importe l’alchimie des mathématiques sur des rapports d’âges et d’années qu’il réalise dans sa lettre ! Si tel est le désir du peuple, Paul Biya sera candidat en 2011.
Fort à propos, une frange importante du peuple s’est déjà exprimée : la limitation des mandats d’un président élu par son peuple par la voie du vote est une injure à l’intelligence du peuple. Et si, d’aventure, le président Paul Biya venait à rentrer dans le livre des records Guinness – comme le craint l’Offre Orange –, il devrait cet exploit à la seule expression souveraine du suffrage universel. Par conséquent, implorer le candidat plébiscité par une partie importante du peuple à ne plus se représenter à l’élection de 2011 est la pire flétrissure portée sur le dos de la masse qui le soutient.
Tant pis si l’homme politique et/ou universitaire appartient à la portion congrue qui rêve d’alternance politique. C’est le leitmotiv des idéalistes. Comme si l’alternance est une potion magique générant la démocratie et la prospérité. Comme dirait quelqu’un, l’alternance n’est pas un programme politique. Qu’est-ce que Fogue Tedom et compagnie proposent de concret au peuple ? Des campagnes toutes éclairées par des centrales nucléaires ? Des écoles et hôpitaux 5 étoiles, des autoroutes aériennes, des salaires d’un Bill Gates, une opération zéro chômage où les 20 millions de Camerounais seraient tous des cadres A2 et la fin de la prostitution dans un Eden sans tare, sans souffrance et sans misère ? Voltaire, dans son imaginaire prolifique, n’aurait pas rêvé hâtivement d’un Eldorado aussi prospère dans son livre «Candide».
C’est prendre les enfants du bon Dieu pour des «Caves du Vatican». André Gide se retournerait dans sa tombe, tant le concepteur de l’Offre Orange vend du vent… Les Orientaux parleraient d’un marchand d’illusions, et des réalisations dignes des contes des mille et une nuits ou sorties des caves d’Ali Baba. Quid de la menace haletante des émeutes de février 2008, mille fois brandies comme une épée de Damoclès sur la tête du régime, comme si le Cameroun des insurrections commençait à cette date récente ?
On comprend que, pour être né à forte distance de 1962, le gamin Alain Fogue n’ait pas vécu les affres du maquis sanglant qui ont, naguère, secoué le Cameroun. La répression politique date de cette époque lointaine. Notre révolution est derrière nous. Et seul l’auteur, qui n’a pas connu 1962, trouve que le Cameroun a régressé. Pourquoi ? Parce que, selon lui, on barre les routes quand le président passe… Quelle allusion infantile ! On comprend pourquoi, avec ce raisonnement puéril, notre prof d’université qui était allé, en juin 2010, négocier la levée de la garde à vue d’un compère au siège d’une télévision émettant de Yaoundé, fut copieusement tabassé, à coups de poing et de pied, par des vigiles en furie. Il fut sauvagement battu devant ses amis et jeté d’escalier en escalier, du cinquième étage jusque dans la rue, sous les applaudissements du personnel présent.
Sa plainte a moins prospéré dans cette affaire de bastonnade, comme dans sa tentative de défendre, sans une argumentation cohérente, un fils de milliardaire inculpé dans une affaire de détournement au cours de laquelle Fogue Tedom s’était vraisemblablement fourvoyé comme un bleu du droit. Décidément, le docteur en sciences politiques, chargé de cours à l’université de Yaoundé II, est un naïf en déphasage avec des réalités sociales plus troublantes. Sa vie politique est truffée de déboires bien qu’obsessionnellement, notre héros en herbe soit habité par une folle envie du pouvoir. Hélas, loin des amphis, il manque d’intuition politique. En effet, comment comprendre qu’un prof de Sciences Pô ne se rende pas compte que Biya n’est pas le plus âgé dans l’arène politique d’ici et d’ailleurs, et que la longévité au pouvoir n’est pas un signe de dictature? La scélératesse n’a pas besoin d’années pour s’extasier, autant que l’on peut gouverner un siècle sans cruauté et sans mener son peuple à la guerre.
De ce point de vue, au moins, l’auteur de la lettre ouverte tente un baroud d’honneur en reconnaissant à Biya des qualités dans sa peinture noircie en couleurs ténébreuses. Il écrit ceci : «C’est vrai que votre bilan est globalement négatif, mais je pense que vous pouvez vous réclamer d’être l’homme de Bakassi, celui-là qui a réussi à rétablir l’intégrité territoriale, pour quitter le pouvoir la tête haute, dans la dignité qu’impose dans notre société votre grand âge. Je n’ai pas de doute sur votre amour pour votre peuple mais, après trente ans de pouvoir pendant lesquels leurs conditions de vie n’ont fait que se dégrader (…) les Camerounais ont une soif légitime d’alternance politique que vous pouvez et devez comprendre (sic).» C’est tout ! Le péché de Biya, selon l’Offre Orange, est d’avoir «duré» au pouvoir. Voilà tout ! Pour lui, il faut céder le piédestal à quelqu’un d’autre, rien que pour leurs yeux ; comme si le pouvoir était un galop d’essai pour apprentis sorciers où chacun viendrait, à son tour, apprendre sa partition. Un bal masqué de vautours spontanés où on recommence sans arrêt à geindre et à hurler avec les loups.
On comprend, définitivement, que l’appel lancé par Alain Fogue Tedom, membre et marionnettiste tapi dans l’ombre de l’Offre Orange au président Paul Biya, à éviter de rempiler en 2011, est moins dans l’intérêt général du peuple mais dans l’optique des principes résumés dans le livre d’Hilaire Kamga que l’on croit (re)connaître dans ce plagiat mal agencé et un peu fourre-tout. Son argumentation est peu convaincante. L’avenir est édicté par le peuple et non par les démonstrations abracadabrantes d’un leader de parti incapable de proposer quelque chose de solide et de concret au peuple.
Bien au contraire, l’auteur prend les raccourcis en vogue, par ces temps de révolutions maghrébines : le secours de la rue, la casse, la violence, la désobéissance civique, la révolte des masses et l’instauration de l’anarchie comme mode d’alternance politique. L’impasse en quelque sorte, quoi ! Voilà la potion magique que propose le directeur du Centre d'études stratégiques pour la promotion de la paix et du développement. La promotion antithétique des troubles sociaux et le désordre. Voilà l’étymologie de la paix, selon Alain Fogue, le leader du Mrp ! Venant d’un prof de sciences politiques, il y a péril dans les amphis.
Dr Etienne Kangdoum *
* Enseignant d’université