Ebolowa : Le Comice se prépare dans la bricole
Le chef-lieu du Sud ne tirera héritera du provisoire, pour le plus grand événement agropastoral du Cameroun.
Samedi
dernier en mi-journée, une quinzaine de personnes étaient regroupées au
milieu d’un espace fraîchement désherbé, sur le site du futur Village
du Comice agropastoral sis à Ngalane, à quelque 5km d’Ebolowa. Une bonne
partie de cette vaste étendue de terre est encore couverte d’herbes
folles. Il y avait là des responsables de l’administration publique,
mais aussi des représentants du Fonds international de développement
agricole (Fida), du Fonds de développement des filières cacao et café
(Fodecc), de la Fondation Inter-Progress et bien d’autres.
Le but de
cet aparté sous le soleil, apprendra-t-on, est d’engager la réflexion
sur le découpage spatial du Village et dont l’érection a été confiée à
la dernière structure citée. «L’option est au préfabriqué, qui sera
démonté après l’événement de décembre prochain», confie une source
proche du dossier et qui précise que l’idée de construction d’un Village
communautaire, longtemps agitée aux populations comme une œuvre
durable, «a été abandonnée». Alentour, point d’étang piscicole sortant
de terre. Point de serres agricoles en vue.
Replâtrages
Les
travaux d’élargissement de la route menant à Ngalane, exécutées par
Arab Contractors, avancent pour leur part à pas de tortue: En dehors des
nouvelles dimensions, différentes d’un endroit à l’autre selon le
relief, l’entreprise égyptienne a maille à partir avec les rochers, fort
nombreux et volumineux. La veille, au carrefour Elat sis à l’entrée
nord de la ville, le ministre des Pme, de l'Artisanat et de l'Economie
sociale, Laurent Serge Etoundi Ngoa, a posé la première pierre du
Village artisanal, que l’on présente comme un programme destiné à
s’étendre dans d’autres chefs-lieux de régions. Rien à voir donc avec le
Comice, mais la coïncidence est plus que troublante à environ 3 mois du
Comice…
Juste en face, une plaque indique le lieu où sera
construit un «hôtel 3 étoiles de classe internationale», pour un délai
d’exécution de 12 mois et sur financement du «Fonds spécial du Comice».
Les travaux ont été confiés à l’entreprise Sino Zhongbao Sarl.
Actuellement, 4 citoyens chinois procèdent à des levées topographiques
sur le site. Suivront le terrassement, les implantations et le reste.
«Cet hôtel est construit non pas pour le Comice, mais à l’occasion du
Comice», relativise une élite locale. Exit donc l’hôtel du Comice. Le
même «fin connaisseur du dossier» indique que la capacité d’accueil
(auberges et habitats de particuliers réquisitionnés), recensée pour
l’événement et à réfectionner, est de 400 lits.
Ici encore,
l’option du provisoire est de mise. Il en est de même des travaux
d’aménagement de la voirie, qui tournent au ralenti à travers Ebolowa.
Et l’on n’ose même pas imaginer les difficultés à venir avec l’arrivée
imminente des pluies. Dans la capitale du Sud, les populations
interrogées sont partagées entre la révolte et la peur, dans ce fief
naturel du président Paul Biya où la moindre critique contre les
pouvoirs publics est considérée comme un acte de rébellion politique à
l’endroit du chef de l’Etat. «C’est le Comice du comique, s’énerve une
vendeuse du marché d’Ebolowa-Si. Ça se construit plus à coup de grandes
annonces sur les radios locales que sur le terrain. Non seulement
personne n’y croit dans la ville, mais en plus ce qu’ils annoncent
ressemble à du bricolage.»
Chef du village Ma’amenye et ancien
cheminot, Samson Ngbwé, 80 ans, trouve que «l’argent du Comice est
dépensé pour des futilités, le cosmétique ayant pris le pas sur des
ouvrages durables». Pour lui, le plus sage serait le report de la
grand-messe agropastorale «dans un an au moins». En visite dans la ville
le week-end dernier, le président du Club éthique du Cameroun, Charles
Ateba Eyene, est encore plus amer qui annonce le «Comice du qui vivra
verra»: «Les élites du Sud ne disent pas la vérité au chef de l’Etat. Le
Comice est un mauvais sujet dans la région, c’est de la sorcellerie
appliquée qu’on nous prépare à Ebolowa, et le président Biya ne devrait
pas accepter d’être associé à cette farce traumatisante pour les
populations.»
Loin de ces avis pessimistes, voire alarmistes, le
préfet de la Mvila, Irénée Galim Ngong, balaie d’un revers de la main
«les allégations mensongères»: «Tous les financements sont déjà
débloqués. Laissons de côté les mauvaises rumeurs. Chacun doit se
mobiliser pour donner à l’événement tout le rayonnement et tout le
retentissement qu’il mérite. Ebolowa sera l’un des plus beaux et des
plus grands Comices de l’histoire du Cameroun.»
Félix C. Ebolé Bola, à Ebolowa