Dzongang, Fru Ndi et la «Dynamique» du grand parti. «Mon parti fusionne avec le Sdf»
Douala, 14 mai 2013
© Joseph OLINGA N. | Le Messager
Les fauteuils vides perçus dans certains bureaux ne trompent pas sur l’ambiance qui règne sur les lieux.
Les fauteuils vides perçus dans certains bureaux ne trompent pas sur l’ambiance qui règne sur les lieux. Albert Dzongang nous reçoit dans son bureau. A priori, les effigies de quelques Saints et les photos visibles à divers endroits de la grande pièce indiquent à suffisance la chapelle religieuse de notre hôte. Mais, l’heure n’est pas à la méditation même si le maitre de céans semble y être en permanence. L’objet de notre présence, décliné au téléphone, est explicite. En cette veille de nomination des trente derniers sénateurs par le président de la République, le chef de file de la Dynamique ne trouve pas d’inconvénient à donner son avis sur la question. Rien à faire, indique Albert Dzongang. Pas surpris, mais le président de la Dynamique constate que le président de la République «a raté le coche ». Pour cet ancien député Rdpc, les sénateurs élus et ceux nommés par Paul Biya sont «des militants directs et indirects du chef du Rdpc.» Au fil des informations que partage le membre du «G7», un entretien est accordé au reporter. Question d’en savoir sur la fusion entre le parti que dirige Albert Dzongang et le Social democratic front (Sdf) de Ni John Fru Ndi. Au sujet du partenariat à polémique entre son nouveau partenaire politique et le Rdpc au pouvoir, Albert Dzongang indique qu’un partenariat, mieux «l’unité entre le Sdf et le Rdpc est impossible.» En clair, indique notre interlocuteur, outre son parti, la Dynamique dont la fusion dans le Sdf est consommée (dixit Albert Dzongang), l’Alliance pour la démocratie et le développement de Garga Haman Adji, le Cpp d’Edith Kah Walla, le Pap de Paul Ayah et le Paddec de Maitre Momo «sont» dans une logique de création d’un grand parti. Objectif : aller à l’assaut des prochaines élections municipales et législatives. D’ailleurs, l’ancien député Rdpc ne cache pas son ambition de rentrer à l’Assemblée nationale. Et si «Monsieur Dzongang est sollicité pour apporter du sien à travers un poste ministériel, il le ferait ?» Possible ! Sous condition en tout cas. Comme le précise Albert Dzongang qui s’exprime dans les colonnes qui suivent.
J.O.N
Au lendemain de la nomination des trente derniers sénateurs par le chef de l’Etat, quelles pourraient être vos attentes ?
C’est les attentes que tout Camerounais pourrait avoir. De voir le président de la République être le président de tous les Camerounais. Une attente d’autant plus urgente que le président de la République entrevoit l’émergence du Cameroun à l’horizon 2035. Pour accéder à cette émergence tous les fils du Cameroun doivent être mis sur le chantier de la construction nationale dans tous les domaines. Il y a dans ce sens un souci sérieux de voir le mérite et la compétence guider le choix des hommes qui doivent gouverner à quelque niveau que ce soit. Je suis partisan d’une transition tranquille, apaisée et consensuelle. C’est les raisons pour lesquelles un travail doit être fait pour que nous puissions aboutir à cet idéal. Force est de constater que nous vivons un contexte dans lequel il y a plus de mécontents à l’intérieur du système gouvernant qu’à l’extérieur. C’est une situation qui n’est pas de nature à favoriser le développement et la cohésion sociale dont nous avons besoin en ce moment. Je ne vais pas critiquer l’âge de certaines personnes. D’ailleurs, moi-même je suis à la soixantaine. Il me revient tout simplement à l’esprit une assertion chère à Monseigneur Ndogmo qui disait que la jeunesse n’est pas un critère de compétence et aussi qu’elle est un climat de cœur. S’il y en a parmi les sénateurs qui se sentent capables de remplir leurs missions avec les efforts que cela suggère, on ne peut que les encourager. Il semble néanmoins évident que beaucoup n’ont plus la possibilité de se mouvoir sans le soutien des tierces. Et, c’est tout le problème. Il reste à réitérer que c’est des choix faits par le président de la République qui en est comptable et qui doit savoir pourquoi il les a faits. Je ne voudrais pas en rajouter au risque d’entendre des gens dire que « c’est la même chanson ». Toutefois, je remarque, une fois de plus que l’entourage du président de la République ne l’a pas suffisamment aidé sur cette question.
L’autre polémique autour de ces sénatoriales c’est la participation du Sdf et votre engagement aux cotés de ce parti lors de la campagne dans la région de l’Ouest. Quelles étaient vos motivations ?
Mes motivations sont connues. C’est celles d’un citoyen qui rêve d’un Cameroun prospère pour tous et avec tous. Les deux listes en compétition n’avaient pas pris en compte, au même degré, la représentation sociologique de cette région du pays. L’une d’elle avait focalisé ses choix sur un seul département. Les explications qui ont été données par la suite ne m’ont pas paru convaincantes. Il a été clairement indiqué par ceux qui ont confectionné ces listes qu’ils estiment être plus nombreux que le reste des ressortissants de la région de l’Ouest. Une attitude qui n’est pas de nature à structurer la cohésion sociale chez les ressortissants et les habitants de la région de l’ouest. C’est à croire que ceux qui promeuvent cet état de chose prônent la séparation des composantes sociologique de la région de l’Ouest. Ce qui paraît quand même gros à tout point de vue. Je pense que cela a été une erreur que je n’ai pas appréciée. Il y a juste à coté le fait que nous sommes dans un processus de fusion avec le Sdf. Une décision qui vient du constat selon lequel, tant que les partis politiques ne vont pas se faire violence afin de se mettre ensemble, aucun changement n’est possible. On a vu la rapidité avec laquelle les Camerounais se font acheter. Comment expliquer que, lors des élections sénatoriales, le Rdpc qui partait, bien sûr, avec une avance de six conseillers s’est plutôt retrouvé avec 42 de plus. Ça veut dire qu’il y a beaucoup de personnes dans la Sdf qui n’ont pas voté pour leur propre parti. Je puis vous dire qu’elles ne l’ont pas fait parce qu’elles étaient aussi mécontentes que l’on voudrait le dire. On sait ce qui s’est passé. Il n’y a plus de conviction au Cameroun. Les gens sont capables de vendre leurs propres organes pour des raisons purement alimentaires.
Votre partenaire politique a perdu dans son fief…
Le chairman a eu le courage de se présenter. Il croyait que cette élection serait différente des autres ou que les conseillers, au lieu de se faire acheter voteraient pour leur parti. Il pensait que le temps est suffisamment passé pour que tout le monde constate que le pouvoir n’a pas tenu ses promesses. Il n’a pas été retenu. Je suis content qu’il n’en a pas fait un drame. Il a clairement indiqué qu’il ne souhaitait pas être nommé. Moi aussi j’avais émis le vœu qu’on ne me nomme pas. Je sais qu’à l’issue des prochaines élections je vais retourner à l’Assemblée nationale.
Le Sdf s’en tire quand même avec quatorze sénateurs. On pourrait dire c’est déjà ça de gagné ?
Les quatorze voix qu’on a données au Sdf sont les aléas de la vie. Le pouvoir ne voulait pas donner ces voix à Fru Ndi. L’on voulait probablement lui donner sept voix à l’Ouest. En fait, le pouvoir n’y avait pas cru. En appelant au vote blanc dans l’Adamaoua où le Sdf n’avait aucun conseiller revenait à dire de voter l’Undp. Les électeurs ont malheureusement fait le choix contraire. La leçon à tirer de cette situation est que les populations du Nord en ont assez de voir des gens créer des partis alors qu’ils sont en fait du Rdpc. Ce désaveu est encore plus fort chez les militants du Rdpc de cette région qui ont compris qu’il s’agit des malins qui veulent prendre des raccourcis pour accéder à certains postes en se déclarant de l’opposition. C’est des astuces pour manger. On aimerait voir tous ces leaders supposés entrer et militer ouvertement dans le Rdpc. Les gens en ont marre de voir les Bello Bouba et autres Issa Tchiroma faire ce jeu. C’est des raccourcis qui ne trompent plus personne.
Concrètement, où en êtes-vous avec les négociations avec le chairman du Sdf dans le cadre de votre alliance ?
Nous ne sommes plus au stade des négociations. Nous sommes au stade pratique. Comment faire ? Comment réaliser concrètement cette alliance? Ça va se faire très rapidement. Je fais sacrifice de ma personne et de mon parti. Je pense que si tout le monde se met ensemble, ce serait meilleur. Il suffit que personne ne viennent avec des à priori sur ses capacités supposées ou réelles.
Ce que vous dites concrètement est que la dynamique et Albert Dzongang font désormais un avec le Sdf ?
La Dynamique et le Sdf font un seul parti désormais. La loi électorale a été bien préparée pour piéger l’opposition. En l’état actuel, il n’y a pas possibilité de panachage de listes. Le pouvoir en place l’a fait exprès de peur de voir les partis politique mettre ensemble leurs forces et se présenter aux différentes élections. On pourrait, dans le cas de Douala, voir une liste constituée du Sdf, de l’Add, la Dynamique et bien d’autres aller aux élections législatives, municipales ou toute autre élection. Néanmoins, il reste une solution. Il s’agit pour les partis politiques de se mettre ensemble pour faire bloc. Il s’agit pour les partis politiques de faire preuve de grandeur. A force égale, ce n’est pas le Sdf qui se fond dans la Dynamique. L’ancienneté et la représentativité du Sdf plaident pour cela. C’est la Dynamique qui doit se fondre dans le Sdf. Il faut aller à l’élection sous la bannière d’un seul parti et, pour cela, les partis doivent fondre dans une grande entité. J’appelle les autres partis politiques à faire preuve d’humilité et à fusionner pour le devenir de notre pays.
On vous a vu très actif au sein du « G7 », que devient ce regroupement ?
Le G7 a cette difficulté de fonctionnement qui fait croire à certains moments qu’il s’est disloqué. Ceux qui ont favorisé cette dislocation l’ont encore renforcée à l’occasion des élections sénatoriales. Beaucoup n’ont pas apprécié l’initiative du chairman du Sdf. Pour dire vrai, l’Udc, le Paddec et l’Afp sont allés faire bande à part. Je crois que Maitre Momo du Paddec a compris les enjeux. Le véritable problème de l’opposition, à l’heure actuelle, est de savoir comment aller ensemble. Il y a nécessité de s’unir. Pour l’instant, les militants de la Dynamique, de l’Add et du sdf comprennent cet enjeu. C’est le seul moyen pour contourner la loi qui ne veut pas de candidature indépendante. La loi ne veut pas de liste panachée et il nous reste à fusionner dans un grand parti. En fait, on condamne les Camerounais à créer plusieurs partis. Il y a des Camerounais qui ont les moyens de ce présenter aux élections municipales et législatives dans une région donnée et gagner mais on leur enlève cette possibilité du fait que la loi veut qu’il le fasse sous la bannière d’un parti politique. Dans les pays qui font nos références, les partis se mettent ensemble pour former de grandes entités. C’est cela la liberté. Lorsque l’on émet cette idée, il se trouve des gens qui y voient de la déstabilisation mais il faut garder à l’esprit qu’un parti politique n’est pas un fonds de commerce. Les leaders n’y sont pas à vie. L’idée qui est la notre est que le parti est un grand ensemble.
Vous nous dites que trois formations parmi les sept qui constituaient le G7 ont claqué la porte. Vous avez le sentiment que les trois autres, hormis la dynamique qui a fusionné avec le Sdf partagent votre projet ?
Nous nous parlons. Il faut expliquer aux gens la vision que nous avons. Garga Haman, Maître Momo, Paul Ayah, Kah Walla, Fru Ndi et moi-même nous nous parlons. Le problème pour certains est de savoir ce que nous devons faire ensemble. Mais je crois que la loi telle qu’elle est faite aujourd’hui ne laisse pas beaucoup de choix. Sur le principe, tout le monde est d’accord pour la création ou le renforcement d’un parti existant pour en faire un grand parti politique. Nous sommes d’accord que tous ceux qui viennent ont leur place. Toutefois, nous prenons garde à ce que les gens ne viennent pas faire du contournement dans cette formation afin d’accéder à des strapontins.
Au regard de la conjoncture, le premier problème que vous aurez ne serait-il pas la grogne qui se fait ressentir au sein même du Sdf en ce moment ?
On retrouve les grognards partout. « Chaque toit cache la fumée du feu qui y couve » comme le disent les anciens. Il n’y a pas de maison sans problème. Généralement, au Cameroun, ceux qui crient les premiers sont généralement ceux qui ont donné les premiers coups. Personnellement, je n’étais pas d’accord que le Sdf aille aux élections, mais ce n’est pas une raison de méconnaitre tout ce que le Sdf a fait jusqu’aujourd’hui comme parti politique. Les sénatoriales étaient une parenthèse. C’était une élection perdue d’avance. Tous ceux qui y allaient le savaient. Si les gens n’y allaient pas, le Rdpc aurait cent pour cent et on aurait dit que c’est parce que les autres ne sont pas venus. Certains y sont allés et le Rdpc a toujours eu cent pour cent. Nous sommes allés à l’élection présidentielle en grand nombre et cela n’a pas empêché au chef de l’Etat d’avoir 85% contre tous les autres candidats. Juste pour dire que chaque geste posé en politique a sa conséquence. Cet épisode a permis à ceux qui nous regardent de savoir que la démocratie est caricaturée au Cameroun. Si après trente ans de pouvoir vous êtes élus avec 85%, cela veut dire qu’il ne reste que le sacre. Nous avons une élection à un tour. Avec 35% vous êtes élu et, tout le monde veut faire croire au chef de l’Etat que chez lui tout le monde a voté pour le président du Rdpc.
Ancien cadre du Rdpc et leader d’un parti d’opposition, comment percevez-vous la polémique sur les relations qu’entretiendraient votre partenaire et leader du Sdf avec le Rdpc et son chef de file, Paul Biya ?
Lors du dernier congrès du Sdf, je leur ai dit que mon expérience me fonde à soutenir que, lorsque vous avez un partenaire ou un ami qui s’appelle le Rdpc, il faut avoir deux cadenas à votre porte. Le Rdpc n’a pas d’ami. Le Rdpc a réussi à rouler l’Undp, Kodock et tous les autres. Le Rdpc roule tout le monde dans la farine. Nous étions à l’intérieur et nous pouvons soutenir que c’est un parti intolérant même pour ses propres militants. C’est un parti qui veut tout et contre rien. L’objectif du Rdpc est de rendre ses supposés partenaires et amis ridicules. Le Rdpc a profité d’une erreur de l’administration du Sdf qui l’a invité au congrès. Il a également profité de l’ouverture du chairman qui accepte les invitations. Le Rdpc a vite fait de médiatiser ces invitations. Il est également de notoriété au Cameroun que quand vous fréquentez certaines personnes ce n’est pas pour rien. Tout de suite, on déduit que s’il a vu le directeur du cabinet civil de la présidence de la République, c’est qu’il a eu beaucoup d’argent. Aussi, comme le chairman a décidé de ne plus démentir au sujet de ce genre de polémique mais de dire que s’il reçoit de l’argent, c’est l’argent du pays. En réalité, il ne peut pas avoir d’unité entre le sdf et le Rdpc. Sans fausse modestie, il faut reconnaitre que si le Rdpc a capitulé à l’Ouest, c’est à cause de moi. Quand je suis allé appeler à la conscience des conseillers municipaux de l’Ouest, le Rdpc n’avait plus d’autres choix que de revoir son discours et faire semblant d’avoir l’initiative du mot d’ordre de vote au profit du Sdf. le Sdf était condamné à gagner dans la région de l’Ouest. J’avais déjà trois départements qui étaient acquis à cette cause au moment où le Rdpc revenait à l’Ouest. Le Rdpc avait dès le départ instruit le vote blanc. C’est le chef de l’Etat, à la suite des informations qui lui sont parvenues qui s’est ravisé.
Quelles sont les chantiers prioritaires de votre alliance avec le Sdf et les autres ?
Notre objectif est tout simple : il s’agit de redonner aux Camerounais une raison d’espérer. Le mot changement sonne creux. Nous voulons nous mettre ensemble pour contribuer à la matérialisation du mieux vivre. Il s’agit de faire du mieux-être une réalité. Montrer aux Camerounais que les gens peuvent vivre ensemble pas pour leurs intérêts égoïstes mais pour apporter des solutions concrètes aux problèmes qui se posent. Nous sommes dans la logique d’un parti de propositions et d’actions. Si nous proposons des choses que monsieur Biya réalise ce sera une satisfaction pour tout le monde. Nous sommes heureux aujourd’hui de voir que les conducteurs de mototaxis sont pris en compte par le chef de l’Etat. C’est vraie que d’aucuns s’en sont appropriés à des fins de mercantilisme politicien. En politique, lorsque vous faites une proposition pour le bien du peuple et qu’elle est prise en compte par celui qui est aux affaires, il faut applaudir.
Est-ce à dire que Si Monsieur Dzongang est sollicité pour apporter du sien à travers un poste ministériel, il le ferait ?
Je n’accepterais pas. J’ai été sollicité à plusieurs reprises. Le système est structuré de sorte que lorsque vous êtes à un poste que vous donne un décret, vous ne décidez de rien. Vous ne pouvez pas être ministre dans un pays où vous ne pouvez prendre aucune décision. S’il vous arrive de le faire, il y a plus de chance qu’elle soit annulée qu’exécutée. Si c’est dans le but réel de construire et de faire avancer les choses j’accepterais. Si c’est dans la logique d’en rajouter aux nombreux titres que j’ai eus dans le Rdpc, cela n’est pas important pour moi. Je crois qu’être ministre dans le contexte actuel revient à se servir dans les caisses de l’Etat pas pour faire son travail. Je crois d’ailleurs qu’il n’y a plus beaucoup à voler même si le voleur trouve toujours un moyen de piller.
Votre démarche relativise généralement l’activisme des Camerounais de la diaspora. Y aurait-il un problème entre vous ?
Généralement, c’est des gens qui croient qu’ils ont la latitude de donner des leçons à nous qui nous battons de l’intérieur. Seulement, c’est celui qui dort avec le malade qui connait l’évolution de la maladie. Ils ne peuvent pas connaitre les problèmes du Cameroun plus que nous, ni avoir les solutions que nous n’avons pas. Nous leur demandons juste d’être modestes et de venir travailler avec nous s’ils pensent pouvoir le faire réellement. S’il y a des gens qui sont menacés au quotidien, c’est bien nous qui sommes au charbon tous les jours. Nous acceptons néanmoins de rester parce que le combat, c’est ici. Il est même regrettable que les gens aillent vendre le savoir qu’ils ont ailleurs. Nous devons construire le chez nous. C’est facile de rester quelque part en Europe ou en Amérique et de faire des discours sur ce que l’opposition devait faire et de ce qu’elle n’a pas fait. Nous souffrons déjà assez de la maltraitance verbale du pouvoir pour souffrir, en plus, de celle des personnes qui ne savent même pas de quoi elles parlent. La politique ne se lit pas. Elle ne se fait pas de la même manière en France ou aux Etats-Unis qu’au Cameroun. S’ils ont vu des choses en hexagone, ce n’est pas forcément applicable de la même manière au Cameroun.
L’opinion garde néanmoins de vous l’image d’un ethnocentriste. Une image que vous ne rechignez pas apparemment ?
Albert Dzongang ne peut pas être considéré comme un ethnocentriste. La première raison étant que je suis né et j’ai grandi hors de la zone qui est censée être mon village. L’endroit où mes parents sont nés. La vérité est que, à l’analyse de la société camerounaise, les répartitions sont toujours inégales. Le cas s’est encore vécu avec les Yabassi qui se sont plaints de leur non-représentation dans les rangs des sénateurs. Est-ce à dire que les Yabassi ou les Bassa qui sont autochtones sont tribalistes ou ethnocentristes parce qu’ils font des réclamations ? Dès l’instant où, dans la gestion du pays, les gouvernants ont introduit la notion de régionalisation, il faut aller jusqu’au bout. S’il y a cinquante postes à pourvoir et que certaines personnes ne s’y retrouvent pas, on ne peut pas parler de tribalisme ou d’ethnocentrisme s’ils revendiquent ce qui leur est dû. C’est celui qui ne prend pas en compte toutes les composantes sociologiques qui crée le tribalisme et les frustrations. Ce n’est pas parce que je décrie certaines choses que je suis un tribaliste. En voulant systématiquement soupçonner et écarter les Bamiléké à certains endroits, on finit même par les exaspérer. La mode est à la fabrication des tartuffes. C’est bien dommage. J’ai souffert de l’exclusion. Je devais être le premier maire de Douala 3e. On a tout fait pour m’enlever sous le prétexte que je ne suis pas autochtone. Celle qui menait cette cabale est aujourd’hui maire à Douala. Du coup, je pense que mon combat a servi à quelque chose. Les temps évoluent en fonction des combats qu’on mène. J’ai mis quinze ans pour être député. On me le proposait à toutes les législatives mais on me demandait d’aller être député à Bamendjou. Ma lutte c’est le vivre ensemble et l’être ensemble. Le tribalisme s’accentue du fait de la panne d’idées et d’actions qui caractérisent ceux qui nous gouvernent. Ils y trouvent un terrain fertile pour leurs intérêts politiciens. Lorsqu’on nomme un ministre fut-il de la région de l’Ouest, il ne contribue pas au développement d’une région quelconque. Il se bat pour ses intérêts personnels et égoïstes.
Avez-vous le sentiment que cette situation est exclusive aux Bamiléké ?
Cette situation est générale. Beaucoup d’autres groupes sociologiques sont marginalisés de cette façon. Un jour, j’ai été reçu par le président de la République et je lui ai dit : « Monsieur le président, si je vous parle de Douala et de l’Ouest c’est parce que je vis à Douala et je suis de l’Ouest. Donc je ne vais pas vous parler des choses que je ne connais ou ne maitrise pas. » Allez dans les régions de l’Est, du Centre et dans d’autres coins du pays, vous allez trouver des gens qui ne parlent pas mais qui souffrent de ce tribalisme. Il faut que les gens fassent attention à ne pas tirer des conclusions hâtives ou de globaliser. J’ai vu des situations similaires même dans la région d’origine du chef de l’Etat. Pensez-vous, honnêtement, qu’un villageois Bulu est plus heureux qu’un villageois Bafoussam. Il faut tout simplement que chacun dénonce ces situations d’où qu’il soit. Ceux qui n’ont pas voyagé passent le temps à dire que les Beti ont tout pris. Il faut citer les noms de ceux qui ont pillé ou qui continuent de le faire. Nous sommes condamnés à vivre ensemble. Je milite simplement pour qu’il y ait une dose de méritocratie et une de régionalisation pour que tout le monde se retrouve.
Entretien avec Joseph OLINGA N.
© Joseph OLINGA N. | Le Messager
Les fauteuils vides perçus dans certains bureaux ne trompent pas sur l’ambiance qui règne sur les lieux.
Les fauteuils vides perçus dans certains bureaux ne trompent pas sur l’ambiance qui règne sur les lieux. Albert Dzongang nous reçoit dans son bureau. A priori, les effigies de quelques Saints et les photos visibles à divers endroits de la grande pièce indiquent à suffisance la chapelle religieuse de notre hôte. Mais, l’heure n’est pas à la méditation même si le maitre de céans semble y être en permanence. L’objet de notre présence, décliné au téléphone, est explicite. En cette veille de nomination des trente derniers sénateurs par le président de la République, le chef de file de la Dynamique ne trouve pas d’inconvénient à donner son avis sur la question. Rien à faire, indique Albert Dzongang. Pas surpris, mais le président de la Dynamique constate que le président de la République «a raté le coche ». Pour cet ancien député Rdpc, les sénateurs élus et ceux nommés par Paul Biya sont «des militants directs et indirects du chef du Rdpc.» Au fil des informations que partage le membre du «G7», un entretien est accordé au reporter. Question d’en savoir sur la fusion entre le parti que dirige Albert Dzongang et le Social democratic front (Sdf) de Ni John Fru Ndi. Au sujet du partenariat à polémique entre son nouveau partenaire politique et le Rdpc au pouvoir, Albert Dzongang indique qu’un partenariat, mieux «l’unité entre le Sdf et le Rdpc est impossible.» En clair, indique notre interlocuteur, outre son parti, la Dynamique dont la fusion dans le Sdf est consommée (dixit Albert Dzongang), l’Alliance pour la démocratie et le développement de Garga Haman Adji, le Cpp d’Edith Kah Walla, le Pap de Paul Ayah et le Paddec de Maitre Momo «sont» dans une logique de création d’un grand parti. Objectif : aller à l’assaut des prochaines élections municipales et législatives. D’ailleurs, l’ancien député Rdpc ne cache pas son ambition de rentrer à l’Assemblée nationale. Et si «Monsieur Dzongang est sollicité pour apporter du sien à travers un poste ministériel, il le ferait ?» Possible ! Sous condition en tout cas. Comme le précise Albert Dzongang qui s’exprime dans les colonnes qui suivent.
J.O.N
Au lendemain de la nomination des trente derniers sénateurs par le chef de l’Etat, quelles pourraient être vos attentes ?
C’est les attentes que tout Camerounais pourrait avoir. De voir le président de la République être le président de tous les Camerounais. Une attente d’autant plus urgente que le président de la République entrevoit l’émergence du Cameroun à l’horizon 2035. Pour accéder à cette émergence tous les fils du Cameroun doivent être mis sur le chantier de la construction nationale dans tous les domaines. Il y a dans ce sens un souci sérieux de voir le mérite et la compétence guider le choix des hommes qui doivent gouverner à quelque niveau que ce soit. Je suis partisan d’une transition tranquille, apaisée et consensuelle. C’est les raisons pour lesquelles un travail doit être fait pour que nous puissions aboutir à cet idéal. Force est de constater que nous vivons un contexte dans lequel il y a plus de mécontents à l’intérieur du système gouvernant qu’à l’extérieur. C’est une situation qui n’est pas de nature à favoriser le développement et la cohésion sociale dont nous avons besoin en ce moment. Je ne vais pas critiquer l’âge de certaines personnes. D’ailleurs, moi-même je suis à la soixantaine. Il me revient tout simplement à l’esprit une assertion chère à Monseigneur Ndogmo qui disait que la jeunesse n’est pas un critère de compétence et aussi qu’elle est un climat de cœur. S’il y en a parmi les sénateurs qui se sentent capables de remplir leurs missions avec les efforts que cela suggère, on ne peut que les encourager. Il semble néanmoins évident que beaucoup n’ont plus la possibilité de se mouvoir sans le soutien des tierces. Et, c’est tout le problème. Il reste à réitérer que c’est des choix faits par le président de la République qui en est comptable et qui doit savoir pourquoi il les a faits. Je ne voudrais pas en rajouter au risque d’entendre des gens dire que « c’est la même chanson ». Toutefois, je remarque, une fois de plus que l’entourage du président de la République ne l’a pas suffisamment aidé sur cette question.
L’autre polémique autour de ces sénatoriales c’est la participation du Sdf et votre engagement aux cotés de ce parti lors de la campagne dans la région de l’Ouest. Quelles étaient vos motivations ?
Mes motivations sont connues. C’est celles d’un citoyen qui rêve d’un Cameroun prospère pour tous et avec tous. Les deux listes en compétition n’avaient pas pris en compte, au même degré, la représentation sociologique de cette région du pays. L’une d’elle avait focalisé ses choix sur un seul département. Les explications qui ont été données par la suite ne m’ont pas paru convaincantes. Il a été clairement indiqué par ceux qui ont confectionné ces listes qu’ils estiment être plus nombreux que le reste des ressortissants de la région de l’Ouest. Une attitude qui n’est pas de nature à structurer la cohésion sociale chez les ressortissants et les habitants de la région de l’ouest. C’est à croire que ceux qui promeuvent cet état de chose prônent la séparation des composantes sociologique de la région de l’Ouest. Ce qui paraît quand même gros à tout point de vue. Je pense que cela a été une erreur que je n’ai pas appréciée. Il y a juste à coté le fait que nous sommes dans un processus de fusion avec le Sdf. Une décision qui vient du constat selon lequel, tant que les partis politiques ne vont pas se faire violence afin de se mettre ensemble, aucun changement n’est possible. On a vu la rapidité avec laquelle les Camerounais se font acheter. Comment expliquer que, lors des élections sénatoriales, le Rdpc qui partait, bien sûr, avec une avance de six conseillers s’est plutôt retrouvé avec 42 de plus. Ça veut dire qu’il y a beaucoup de personnes dans la Sdf qui n’ont pas voté pour leur propre parti. Je puis vous dire qu’elles ne l’ont pas fait parce qu’elles étaient aussi mécontentes que l’on voudrait le dire. On sait ce qui s’est passé. Il n’y a plus de conviction au Cameroun. Les gens sont capables de vendre leurs propres organes pour des raisons purement alimentaires.
Votre partenaire politique a perdu dans son fief…
Le chairman a eu le courage de se présenter. Il croyait que cette élection serait différente des autres ou que les conseillers, au lieu de se faire acheter voteraient pour leur parti. Il pensait que le temps est suffisamment passé pour que tout le monde constate que le pouvoir n’a pas tenu ses promesses. Il n’a pas été retenu. Je suis content qu’il n’en a pas fait un drame. Il a clairement indiqué qu’il ne souhaitait pas être nommé. Moi aussi j’avais émis le vœu qu’on ne me nomme pas. Je sais qu’à l’issue des prochaines élections je vais retourner à l’Assemblée nationale.
Le Sdf s’en tire quand même avec quatorze sénateurs. On pourrait dire c’est déjà ça de gagné ?
Les quatorze voix qu’on a données au Sdf sont les aléas de la vie. Le pouvoir ne voulait pas donner ces voix à Fru Ndi. L’on voulait probablement lui donner sept voix à l’Ouest. En fait, le pouvoir n’y avait pas cru. En appelant au vote blanc dans l’Adamaoua où le Sdf n’avait aucun conseiller revenait à dire de voter l’Undp. Les électeurs ont malheureusement fait le choix contraire. La leçon à tirer de cette situation est que les populations du Nord en ont assez de voir des gens créer des partis alors qu’ils sont en fait du Rdpc. Ce désaveu est encore plus fort chez les militants du Rdpc de cette région qui ont compris qu’il s’agit des malins qui veulent prendre des raccourcis pour accéder à certains postes en se déclarant de l’opposition. C’est des astuces pour manger. On aimerait voir tous ces leaders supposés entrer et militer ouvertement dans le Rdpc. Les gens en ont marre de voir les Bello Bouba et autres Issa Tchiroma faire ce jeu. C’est des raccourcis qui ne trompent plus personne.
Concrètement, où en êtes-vous avec les négociations avec le chairman du Sdf dans le cadre de votre alliance ?
Nous ne sommes plus au stade des négociations. Nous sommes au stade pratique. Comment faire ? Comment réaliser concrètement cette alliance? Ça va se faire très rapidement. Je fais sacrifice de ma personne et de mon parti. Je pense que si tout le monde se met ensemble, ce serait meilleur. Il suffit que personne ne viennent avec des à priori sur ses capacités supposées ou réelles.
Ce que vous dites concrètement est que la dynamique et Albert Dzongang font désormais un avec le Sdf ?
La Dynamique et le Sdf font un seul parti désormais. La loi électorale a été bien préparée pour piéger l’opposition. En l’état actuel, il n’y a pas possibilité de panachage de listes. Le pouvoir en place l’a fait exprès de peur de voir les partis politique mettre ensemble leurs forces et se présenter aux différentes élections. On pourrait, dans le cas de Douala, voir une liste constituée du Sdf, de l’Add, la Dynamique et bien d’autres aller aux élections législatives, municipales ou toute autre élection. Néanmoins, il reste une solution. Il s’agit pour les partis politiques de se mettre ensemble pour faire bloc. Il s’agit pour les partis politiques de faire preuve de grandeur. A force égale, ce n’est pas le Sdf qui se fond dans la Dynamique. L’ancienneté et la représentativité du Sdf plaident pour cela. C’est la Dynamique qui doit se fondre dans le Sdf. Il faut aller à l’élection sous la bannière d’un seul parti et, pour cela, les partis doivent fondre dans une grande entité. J’appelle les autres partis politiques à faire preuve d’humilité et à fusionner pour le devenir de notre pays.
On vous a vu très actif au sein du « G7 », que devient ce regroupement ?
Le G7 a cette difficulté de fonctionnement qui fait croire à certains moments qu’il s’est disloqué. Ceux qui ont favorisé cette dislocation l’ont encore renforcée à l’occasion des élections sénatoriales. Beaucoup n’ont pas apprécié l’initiative du chairman du Sdf. Pour dire vrai, l’Udc, le Paddec et l’Afp sont allés faire bande à part. Je crois que Maitre Momo du Paddec a compris les enjeux. Le véritable problème de l’opposition, à l’heure actuelle, est de savoir comment aller ensemble. Il y a nécessité de s’unir. Pour l’instant, les militants de la Dynamique, de l’Add et du sdf comprennent cet enjeu. C’est le seul moyen pour contourner la loi qui ne veut pas de candidature indépendante. La loi ne veut pas de liste panachée et il nous reste à fusionner dans un grand parti. En fait, on condamne les Camerounais à créer plusieurs partis. Il y a des Camerounais qui ont les moyens de ce présenter aux élections municipales et législatives dans une région donnée et gagner mais on leur enlève cette possibilité du fait que la loi veut qu’il le fasse sous la bannière d’un parti politique. Dans les pays qui font nos références, les partis se mettent ensemble pour former de grandes entités. C’est cela la liberté. Lorsque l’on émet cette idée, il se trouve des gens qui y voient de la déstabilisation mais il faut garder à l’esprit qu’un parti politique n’est pas un fonds de commerce. Les leaders n’y sont pas à vie. L’idée qui est la notre est que le parti est un grand ensemble.
Vous nous dites que trois formations parmi les sept qui constituaient le G7 ont claqué la porte. Vous avez le sentiment que les trois autres, hormis la dynamique qui a fusionné avec le Sdf partagent votre projet ?
Nous nous parlons. Il faut expliquer aux gens la vision que nous avons. Garga Haman, Maître Momo, Paul Ayah, Kah Walla, Fru Ndi et moi-même nous nous parlons. Le problème pour certains est de savoir ce que nous devons faire ensemble. Mais je crois que la loi telle qu’elle est faite aujourd’hui ne laisse pas beaucoup de choix. Sur le principe, tout le monde est d’accord pour la création ou le renforcement d’un parti existant pour en faire un grand parti politique. Nous sommes d’accord que tous ceux qui viennent ont leur place. Toutefois, nous prenons garde à ce que les gens ne viennent pas faire du contournement dans cette formation afin d’accéder à des strapontins.
Au regard de la conjoncture, le premier problème que vous aurez ne serait-il pas la grogne qui se fait ressentir au sein même du Sdf en ce moment ?
On retrouve les grognards partout. « Chaque toit cache la fumée du feu qui y couve » comme le disent les anciens. Il n’y a pas de maison sans problème. Généralement, au Cameroun, ceux qui crient les premiers sont généralement ceux qui ont donné les premiers coups. Personnellement, je n’étais pas d’accord que le Sdf aille aux élections, mais ce n’est pas une raison de méconnaitre tout ce que le Sdf a fait jusqu’aujourd’hui comme parti politique. Les sénatoriales étaient une parenthèse. C’était une élection perdue d’avance. Tous ceux qui y allaient le savaient. Si les gens n’y allaient pas, le Rdpc aurait cent pour cent et on aurait dit que c’est parce que les autres ne sont pas venus. Certains y sont allés et le Rdpc a toujours eu cent pour cent. Nous sommes allés à l’élection présidentielle en grand nombre et cela n’a pas empêché au chef de l’Etat d’avoir 85% contre tous les autres candidats. Juste pour dire que chaque geste posé en politique a sa conséquence. Cet épisode a permis à ceux qui nous regardent de savoir que la démocratie est caricaturée au Cameroun. Si après trente ans de pouvoir vous êtes élus avec 85%, cela veut dire qu’il ne reste que le sacre. Nous avons une élection à un tour. Avec 35% vous êtes élu et, tout le monde veut faire croire au chef de l’Etat que chez lui tout le monde a voté pour le président du Rdpc.
Ancien cadre du Rdpc et leader d’un parti d’opposition, comment percevez-vous la polémique sur les relations qu’entretiendraient votre partenaire et leader du Sdf avec le Rdpc et son chef de file, Paul Biya ?
Lors du dernier congrès du Sdf, je leur ai dit que mon expérience me fonde à soutenir que, lorsque vous avez un partenaire ou un ami qui s’appelle le Rdpc, il faut avoir deux cadenas à votre porte. Le Rdpc n’a pas d’ami. Le Rdpc a réussi à rouler l’Undp, Kodock et tous les autres. Le Rdpc roule tout le monde dans la farine. Nous étions à l’intérieur et nous pouvons soutenir que c’est un parti intolérant même pour ses propres militants. C’est un parti qui veut tout et contre rien. L’objectif du Rdpc est de rendre ses supposés partenaires et amis ridicules. Le Rdpc a profité d’une erreur de l’administration du Sdf qui l’a invité au congrès. Il a également profité de l’ouverture du chairman qui accepte les invitations. Le Rdpc a vite fait de médiatiser ces invitations. Il est également de notoriété au Cameroun que quand vous fréquentez certaines personnes ce n’est pas pour rien. Tout de suite, on déduit que s’il a vu le directeur du cabinet civil de la présidence de la République, c’est qu’il a eu beaucoup d’argent. Aussi, comme le chairman a décidé de ne plus démentir au sujet de ce genre de polémique mais de dire que s’il reçoit de l’argent, c’est l’argent du pays. En réalité, il ne peut pas avoir d’unité entre le sdf et le Rdpc. Sans fausse modestie, il faut reconnaitre que si le Rdpc a capitulé à l’Ouest, c’est à cause de moi. Quand je suis allé appeler à la conscience des conseillers municipaux de l’Ouest, le Rdpc n’avait plus d’autres choix que de revoir son discours et faire semblant d’avoir l’initiative du mot d’ordre de vote au profit du Sdf. le Sdf était condamné à gagner dans la région de l’Ouest. J’avais déjà trois départements qui étaient acquis à cette cause au moment où le Rdpc revenait à l’Ouest. Le Rdpc avait dès le départ instruit le vote blanc. C’est le chef de l’Etat, à la suite des informations qui lui sont parvenues qui s’est ravisé.
Quelles sont les chantiers prioritaires de votre alliance avec le Sdf et les autres ?
Notre objectif est tout simple : il s’agit de redonner aux Camerounais une raison d’espérer. Le mot changement sonne creux. Nous voulons nous mettre ensemble pour contribuer à la matérialisation du mieux vivre. Il s’agit de faire du mieux-être une réalité. Montrer aux Camerounais que les gens peuvent vivre ensemble pas pour leurs intérêts égoïstes mais pour apporter des solutions concrètes aux problèmes qui se posent. Nous sommes dans la logique d’un parti de propositions et d’actions. Si nous proposons des choses que monsieur Biya réalise ce sera une satisfaction pour tout le monde. Nous sommes heureux aujourd’hui de voir que les conducteurs de mototaxis sont pris en compte par le chef de l’Etat. C’est vraie que d’aucuns s’en sont appropriés à des fins de mercantilisme politicien. En politique, lorsque vous faites une proposition pour le bien du peuple et qu’elle est prise en compte par celui qui est aux affaires, il faut applaudir.
Est-ce à dire que Si Monsieur Dzongang est sollicité pour apporter du sien à travers un poste ministériel, il le ferait ?
Je n’accepterais pas. J’ai été sollicité à plusieurs reprises. Le système est structuré de sorte que lorsque vous êtes à un poste que vous donne un décret, vous ne décidez de rien. Vous ne pouvez pas être ministre dans un pays où vous ne pouvez prendre aucune décision. S’il vous arrive de le faire, il y a plus de chance qu’elle soit annulée qu’exécutée. Si c’est dans le but réel de construire et de faire avancer les choses j’accepterais. Si c’est dans la logique d’en rajouter aux nombreux titres que j’ai eus dans le Rdpc, cela n’est pas important pour moi. Je crois qu’être ministre dans le contexte actuel revient à se servir dans les caisses de l’Etat pas pour faire son travail. Je crois d’ailleurs qu’il n’y a plus beaucoup à voler même si le voleur trouve toujours un moyen de piller.
Votre démarche relativise généralement l’activisme des Camerounais de la diaspora. Y aurait-il un problème entre vous ?
Généralement, c’est des gens qui croient qu’ils ont la latitude de donner des leçons à nous qui nous battons de l’intérieur. Seulement, c’est celui qui dort avec le malade qui connait l’évolution de la maladie. Ils ne peuvent pas connaitre les problèmes du Cameroun plus que nous, ni avoir les solutions que nous n’avons pas. Nous leur demandons juste d’être modestes et de venir travailler avec nous s’ils pensent pouvoir le faire réellement. S’il y a des gens qui sont menacés au quotidien, c’est bien nous qui sommes au charbon tous les jours. Nous acceptons néanmoins de rester parce que le combat, c’est ici. Il est même regrettable que les gens aillent vendre le savoir qu’ils ont ailleurs. Nous devons construire le chez nous. C’est facile de rester quelque part en Europe ou en Amérique et de faire des discours sur ce que l’opposition devait faire et de ce qu’elle n’a pas fait. Nous souffrons déjà assez de la maltraitance verbale du pouvoir pour souffrir, en plus, de celle des personnes qui ne savent même pas de quoi elles parlent. La politique ne se lit pas. Elle ne se fait pas de la même manière en France ou aux Etats-Unis qu’au Cameroun. S’ils ont vu des choses en hexagone, ce n’est pas forcément applicable de la même manière au Cameroun.
L’opinion garde néanmoins de vous l’image d’un ethnocentriste. Une image que vous ne rechignez pas apparemment ?
Albert Dzongang ne peut pas être considéré comme un ethnocentriste. La première raison étant que je suis né et j’ai grandi hors de la zone qui est censée être mon village. L’endroit où mes parents sont nés. La vérité est que, à l’analyse de la société camerounaise, les répartitions sont toujours inégales. Le cas s’est encore vécu avec les Yabassi qui se sont plaints de leur non-représentation dans les rangs des sénateurs. Est-ce à dire que les Yabassi ou les Bassa qui sont autochtones sont tribalistes ou ethnocentristes parce qu’ils font des réclamations ? Dès l’instant où, dans la gestion du pays, les gouvernants ont introduit la notion de régionalisation, il faut aller jusqu’au bout. S’il y a cinquante postes à pourvoir et que certaines personnes ne s’y retrouvent pas, on ne peut pas parler de tribalisme ou d’ethnocentrisme s’ils revendiquent ce qui leur est dû. C’est celui qui ne prend pas en compte toutes les composantes sociologiques qui crée le tribalisme et les frustrations. Ce n’est pas parce que je décrie certaines choses que je suis un tribaliste. En voulant systématiquement soupçonner et écarter les Bamiléké à certains endroits, on finit même par les exaspérer. La mode est à la fabrication des tartuffes. C’est bien dommage. J’ai souffert de l’exclusion. Je devais être le premier maire de Douala 3e. On a tout fait pour m’enlever sous le prétexte que je ne suis pas autochtone. Celle qui menait cette cabale est aujourd’hui maire à Douala. Du coup, je pense que mon combat a servi à quelque chose. Les temps évoluent en fonction des combats qu’on mène. J’ai mis quinze ans pour être député. On me le proposait à toutes les législatives mais on me demandait d’aller être député à Bamendjou. Ma lutte c’est le vivre ensemble et l’être ensemble. Le tribalisme s’accentue du fait de la panne d’idées et d’actions qui caractérisent ceux qui nous gouvernent. Ils y trouvent un terrain fertile pour leurs intérêts politiciens. Lorsqu’on nomme un ministre fut-il de la région de l’Ouest, il ne contribue pas au développement d’une région quelconque. Il se bat pour ses intérêts personnels et égoïstes.
Avez-vous le sentiment que cette situation est exclusive aux Bamiléké ?
Cette situation est générale. Beaucoup d’autres groupes sociologiques sont marginalisés de cette façon. Un jour, j’ai été reçu par le président de la République et je lui ai dit : « Monsieur le président, si je vous parle de Douala et de l’Ouest c’est parce que je vis à Douala et je suis de l’Ouest. Donc je ne vais pas vous parler des choses que je ne connais ou ne maitrise pas. » Allez dans les régions de l’Est, du Centre et dans d’autres coins du pays, vous allez trouver des gens qui ne parlent pas mais qui souffrent de ce tribalisme. Il faut que les gens fassent attention à ne pas tirer des conclusions hâtives ou de globaliser. J’ai vu des situations similaires même dans la région d’origine du chef de l’Etat. Pensez-vous, honnêtement, qu’un villageois Bulu est plus heureux qu’un villageois Bafoussam. Il faut tout simplement que chacun dénonce ces situations d’où qu’il soit. Ceux qui n’ont pas voyagé passent le temps à dire que les Beti ont tout pris. Il faut citer les noms de ceux qui ont pillé ou qui continuent de le faire. Nous sommes condamnés à vivre ensemble. Je milite simplement pour qu’il y ait une dose de méritocratie et une de régionalisation pour que tout le monde se retrouve.
Entretien avec Joseph OLINGA N.