L’opposition camerounaise tente de mieux s’organiser pour les législatives à venir. Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’elle a intérêt à s’unir si elle veut avoir une quelconque chance de peser. Car, il faut l’avouer, elle est quasiment aphone, inexistante et cela ne lui offre aucune chance de remporter un scrutin. Certes, dans ce pays, on compte beaucoup d’intellectuels dont certains n’hésitent pas à monter au créneau pour dénoncer la mauvaise gouvernance et la corruption ambiantes.
Mais, force est de constater que la plupart des Camerounais semblent aujourd’hui bien résignés à subir le pouvoir à vie de Paul Biya. En d’autres termes, les Camerounais semblent s’en remettre à la Providence pour espérer un changement à la tête de leur Etat. L’opération « Epervier » qui avait été brandie par le régime Biya comme une preuve de bonne gouvernance est, au fil du temps, apparue comme un instrument de règlement de comptes. Ce faisant, elle s’est révélée une des plus grandes arnaques politiques du siècle. Il faut le dire et il est nécessaire de s’en convaincre : une démocratie sans possibilité d’alternance n’en est pas une. C’est un simulacre de démocratie où on met en place des institutions qui n’ont de vie que leurs noms, et qui n’ont pour vocation que de berner les observateurs non avisés.
Les partis d’opposition également, par paresse ou insuffisance de conviction, ne développent pas de stratégies à même de changer la donne. Mais s’il est vrai et incontestable que ces régimes sont condamnables pour leur antidémocratisme primaire, que les opposants politiques le sont pour l’insuffisance de leur engagement, la frange éclairée de la population elle-même, n’est pas sans reproche. Il y a dans les pays africains beaucoup de soi-disant intellectuels passés maîtres dans l’art de la rhétorique sur l’absence de démocratie sur le continent, mais qui, sous prétexte que les hommes politiques ne sont pas honnêtes, ne participent à aucune action de nature à instaurer ou à approfondir - c’est selon- la démocratie dans leur pays. C’est leur droit, serait-on tenté de dire. Mais là où cela le semble moins, c’est quand on s’aperçoit que in fine, ce comportement n’est ni plus ni moins qu’un refus de participer aux efforts tendant à améliorer la gouvernance de leur communauté qu’ils semblent pourtant appeler de tous leurs vœux dans leurs thèses. Il y a de la culpabilité dans certains silences, de la lâcheté dans certaines inactions. La gouvernance d’un pays est si importante que ceux qui ont quelque moyen d’aider à l’améliorer, ont un devoir envers leurs concitoyens, encore prisonniers de l’ignorance et de la pauvreté.
En tout cas, il n’est pas normal que la gestion d’un pays soit laissée aux seuls hommes politiques, abandonnée aux seuls calculs politiciens. La société civile devra y jouer un rôle de premier plan. Même dans les démocraties les plus avancées, c’est elle qui joue très souvent le rôle de sentinelle en matière de défense des valeurs républicaines. Des fois, elle pousse l’engagement jusqu’à sonder les programmes de gouvernement des candidats, et à influencer d’une manière ou d’une autre le verdict des urnes. Dans certains pays africains par exemple, il nous a été donné de voir ce rôle accru de la société civile dans le jeu démocratique, dans la dévolution du pouvoir d’Etat. Au Sénégal, Abdoulaye Wade, dont la candidature a été contestée, n’a pas été battu à la régulière par la seule force de l’opposition politique, encore moins de Macky Sall. On sait tout le travail fait par la société civile avec des mouvements comme « Y en a marre ». On a également en mémoire l’influence qu’a eue la société civile nigérienne dans la préservation des acquis démocratiques du pays au moment où Tandja, dans son aveuglément, a mis à rude épreuve les institutions républicaines. Lorsque Wade et Tandja tenaient mordicus à « finir leurs chantiers », leurs opposants politiques à eux seuls, avaient très peu de chances de contrarier vraiment leurs desseins. Cela démontre à suffisance que la défense de la démocratie n’est pas l’affaire des seuls hommes politiques, dont l’action est très souvent minée par des calculs égoïstes. Il est donc important qu’en plus de l’opposition politique camerounaise qui semble décidée à se donner les moyens d’être plus visible et de peser dans le jeu politique, la société civile aussi sorte de sa torpeur. C’est seulement à ce prix que la démocratie pourra prendre des couleurs dans ce pays, de façon effective.