D’un avion à un combat au Cameroun
D’un avion à un combat au Cameroun
J’ai
passé les fêtes de fin d’année au Cameroun, c’est aussi l’occasion de
renouer avec la politique locale. J’essaye de construire chaque jour un
contact franc avec les peuples du Cameroun et ceci n’est pas très
évident. J’ai donc délaissé un peu plus la presse écrite pour me
concentrer dans les différentes radios locales mais aussi dans certaines
chaînes de télévisions privées pour dialoguer avec les camerounais de
toutes les couches et de toutes les conditions.
Au Cameroun, nous avons pris l’habitude dire « nouvelle année, nouvelle
méthode ». Ce n’est pas une juxtaposition de deux expression, en réalité
c’est-à-dire dans les faits, la seconde expression n’est valide que
parce que la première existe, c’est elle qui lui donne naissance. Dans
le passé, nous avons eu de nouvelles années et notre conscience voire
notre agir collectif n’a point donné ou laissé émerger une nouvelle ou
de nouvelles méthodes qui auraient pu dans un premier temps susciter de
l’espoir et dans un second nous « inscrire dans une nouvelle dynamique. »
L’année 2011 a été une année électorale mais la capacité électoraliste
des camerounais a été mise en mal, elle a stagné et le comportement
sociologique des camerounais n’a pas pu être interprétée par les
spécialistes en la matière. L’année 2012 qui commence sera à son tour
électoraliste et électorale avec tout ce que cela entraine dans un pays
comme le nôtre.
Le Président de la république dans son traditionnel message de vœux aux
camerounais a signé qu’il continuera la mise en place de nos
institutions et qu’il renforcera les capacités d’Elecam à organiser des
élections « crédibles » mais et surtout « transparentes » car comme nous
pouvons l’imaginer, la transparence n’est pas une exigence des
bailleurs de fonds et des amis mais surtout une affaire de confiance
entre nous camerounais car d’elle dépend la cohésion sociale, l’unité
nationale, le développement économique. La cohésion sociale a elle-même
été mise en mal dès les premiers jours de 2012 à Douala par un conflit
opposant les « Deido » aux « Bamilékés » après l’assassinat d’un fils
deido qui a été attribué aux Bamiléké par une alchimie que personne ne
saurait expliquer rationnellement. Nous sommes donc en plein dans 2012
et les premiers jours de janvier sont déjà riches d’enseignements et de
défis à relever.
Le Président de la République dans son message du
31 décembre a longuement parlé de l’ennemi sournois et redoutable qu’est
la corruption.
Mais il a omis volontairement de débusquer cet ennemi dans les rangs des
membres de son parti, de son gouvernement et de son administration. En
créant le Tribunal Criminel Spécial, le chef de l’Etat a montré qu’il
n’a pas les deux mains sur le gouvernail du bateau camerounais, car il
propose là une mauvaise solution à un mal qu’il donne l’impression
d’avoir diagnostiqué. Ceux et celles qui mettent au quotidien les
finances publiques à genoux sont l’unique fruit de l’unique système qui
est en place au Cameroun depuis 1982.
Par une analyse simple, la durée de vie en activité d’un fonctionnaire
est de 30 ans maximum ce qui veut dire que ceux et celles qui sont les
gestionnaires des finances publiques dans notre pays sont les purs
produits du système de 1982.
Le Chef de l’Etat a aussi invité le peuple camerounais à compter de plus
en plus sur ses propres efforts, il a invité les uns et les autres à
s’inspirer de l’expérience des pays émergents, oubliant au passage
d’inviter les camerounais à se servir de leur créativité, ce qui aurait
donné plus de poids au « patriotisme économique » emprunté au programme
politique de Cameroun Generation 2011. On ne saurait développer le
Cameroun en s’inspirant des solutions qui ont été théorisées pour
résoudre des problèmes qui se posent à une société différente de la
nôtre. A chaque société particulière des solutions particulières.
Les théoriciens et les concepteurs des grandes réalisations semblent
donc très éloignés des problèmes de la société camerounaise. Ils
s’enferment au quotidien dans un jeu de cache où s’associe à la fois un
discours limpide et un discours double qui trahit leurs intentions
réelles ; celles au moins une de noyer leur champion. Doit-on penser à
l’écoute des vœux du président de la république que le RDPC est dépourvu
de toute idéologie politique pouvant inspirer une action
gouvernementale ? Malgré le courage du capitaine les matelots sont dans
les cordes, largués et la solution de rechange ne semble pas avoir été
pensée donc incapable d’être proposée.
Un discours économique sans mesure sociale
En évoquant l’économie mondiale, le Chef de l’Etat
a dit que sur celle-ci planent pour le moment de lourdes incertitudes
mais il n’a point jugé utile de s’y étendre. Cette pirouette lui a
permis de ne point évoquer des mesures sociales d’accompagnement
nécessaires en cette période de grandes austérités alors que plane sur
le CFA notre monnaie une possible et certaine dévaluation avant la fin
du mois de février 2012.
La machine gouvernante est grippée et je reste convaincu qu’elle est à
la fin de son cycle de vie. Les camerounais, sans les avoir interrogés
par une méthode scientifique bien donnée, nous le savons, ne survivront
pas à une seconde dévaluation sans mesure d’accompagnement social avec
en prime une nette augmentation des salaires qui stagnent depuis
plusieurs décennies. Les rédacteurs du discours de fin d’année du
Président de la République semblent donc avoir raté leur exercice à
moins qu’ils aient choisi d’être intentionnellement des mauvais
inspirateur de leur chef d’orchestre. Les vœux du Président de la
République volontairement donc esquivent tout y compris le simple
respect dû aux Camerounais et qui voudrait que le Chef de l’Etat martèle
sans cesse qu’il voudrait voir les conditions de vie de ses concitoyens
s’améliorer.
Il n’aborde ce volet pourtant central qu’entant qu’observateur externe
aux problèmes que vivent ses compatriotes, voilà pourquoi, il leur
promet des solutions sans un calendrier précis. Toutes les métropoles du
Cameroun sont sans eau avec tout ce que cela peut entrainer comme
maladies et la pire de toute étant le Choléra qui tue et progresse tous
les jours des périphéries vers les centre villes sans qu’une action
gouvernementale soit mise en œuvre pour la stopper. Bref les rédacteurs
des vœux du Chef de l’Etat ont liquidé en 18 minutes tout ce qu’il y
avait encore d’humain dans le non modèle de solidarité contenu dans le
programme politique du RDPC. Tout cela est à la fois court et
inacceptable : cette politique, sans perspective ni intelligence,
contraire à tout ce qui fait appel au génie des peuples du Cameroun,
doit être rejetée – je suis sûr qu’elle l’est et le sera.
Devrait-on à nouveau mettre en surface toutes les poches d’échec ?
Chômage de masse, insécurité croissante, mortalité routière en nette
augmentation, affaiblissement croissante des institutions, misère
ambiante, la liste est loin d’être exhaustive ! Le Président de la
République est très intelligent pour ignorer que les camerounais ne
suivent plus et les traitements qu’il nous propose ne correspondent pas
au diagnostique fait.
Il est urgent que le Président de la République joue les dernières
cartes qui lui restent, il est urgent qu’il geste dans la bataille le
peu d’énergie qui lui reste, parce qu’elle est peu elle doit être mieux
utilisée notamment en injectant comme il ne l’a jamais fait du sang neuf
dans son dispositif afin que les camerounais soient moins opposés les
uns aux autres, qu’il communique mieux, qu’il mette un terme au clan, au
système et calme ceux et celle qui attaquent en meute pour tenter de
discréditer les esprits les plus éclairés d’entre-nous.
Il faut du sang neuf à la SOPECAM, à la CRTV deux sociétés vitrines du
mode d’expression et de communication gouvernementale qui n’atteignent
plus les camerounais. Ce n’est pas en verrouillant la communication que
l’on protège le pouvoir qu’on prétend servir. Il faut du sang neuf à la
SNI portefeuille des sociétés d’Etat, des sociétés publiques et
parapubliques afin justement que les camerounais puissent laisser éclore
leur génie ; c’est plus qu’une nécessité. Le Cameroun explosera en
plein vol si rien n’est fait et ce qui doit être fait doit l’être en
profondeur et non en surface. Le Président de la République à défaut de
mettre le Cameroun en ordre de marche doit le mettre en ordre de
bataille et ce ne sera que justice.
Vincent Sosthène FOUDA
Socio-politologue
Chercheur à la Chaire de Recherche du Canada en mondialisation citoyenneté et démocratie
Université du Québec à Montréal - Canada