L’ interpellation, Jeudi 9 Fevrier, de Vincent Sosthène Fouda, homme politique et intellectuel, dont la candidature a été recalée à la dernière élection présidentielle, venu manifester à Ngousso en compagnie de jeunes camerounais dont le chanteur de rap Valsero pour exprimer leur indignation et leur soutien à Vanessa, les graves brutalités dont il a été victime et son incarcération le jour suivant n’ amène à l’ esprit qu’ une seule question : Où va le Cameroun ?
Dans la soirée de Vendredi 10 Fevrier, voici les
termes d’un rapport qui m’est parvenu :’’ Affaire Vanessa Tchatchou :
Vincent Fouda a été tabassé, déshabillé, et jeté manu militari dans une
cellule pouilleuse du Commissariat... Ses lunettes sont cassées.... On
l’accuse de ...trouble à l’ordre public, d’atteinte à la sureté de
l’Etat !’’ Pas moins !
Il faut souligner qu’ alors qu’il a été interpellé en même temps que
d’ autres manifestants qui eux ont été relaxés , Vincent Fouda a été le
seul à être retenu pour être déféré devant le Procureur, lui l’ homme
politique, ce qui atteste de ce qu’ il était une cible repérée d’
avance par les services de police, un peu comme hier Jacques Tiwa, cet
ancien du parlement estudiantin qui en Fevrier 2008 a été exécuté à bout
portant à Bepanda, Douala, par un gendarme alors même qu’ il n’ y
avait aucune manifestation dans le zone de la ville où il se trouvait.
Revenant à Vincent Fouda, le procureur, se lavant les mains comme Ponce
Pilate l’aurait renvoyé Vendredi soir au Commissariat du 1er
arrondissement de Yaoundé où lui ont été infligés les supplices décrits
plus haut.
Assez, c’est assez ! Jamais plus ça !
Dimanche 12 Fevrier dans la matinée, je reçois cet autre message : ‘’ Vincent Fouda a été sorti de sa prison par la porte de derrière en l’envoyant a l’Hôpital Général pour traitement... Il doit comparaitre devant le juge d’instruction ce Lundi 13 Fevrier pour atteinte a la sureté de l’Etat et trouble a l’ordre public’’.
Exercer un droit constitutionnel de manifester
pacifiquement pour une cause juste, voir ce droit être violé et être
arrêté, tabassé, jeté en cellule, avoir ensuite sur sa tète l’ épée de
Damoclès de comparaitre devant le juge d’instruction ce Lundi 13 Fevrier
pour ‘’atteinte a la sureté de l’ Etat et trouble a l’ ordre public’’,
voilà le crime consommé dont ce Gouvernement ne peut s’ absoudre, par
lequel il a montré sa vrai nature, et pour lequel le peuple et nous tous
devons le dénoncer et le combattre avec la dernière énergie en disant :
Assez, c’ est assez ! Jamais plus ca !’’
Car si nous ne le faisons, et comme si la coupe n’était pas pleine, nous
vivrons ce que j’ai vécu Samedi matin en recevant cet autre rapport,
cette fois concernant Valsero : ‘’La maison de Valsero a été passée au
peigne fin par la police qui le cherchait...’’
Le cas de Vincent Fouda fait penser à Enoh
Meyomesse, autre homme politique, candidat également recalé a l’élection
présidentielle, qui est incarcéré depuis des mois sous des prétextes
fluctuants et évasifs. Le cas de Valsero fait penser à Lapiro qui
avait été accusé ‘’d’avoir été vu’’- un crime typiquement camerounais
!- avec des manifestants- qui eux ont ete liberees !- tandis que lui a
été jeté en prison – pour l’exemple et l’intimidation assurément-
pendant 3 ans, sans autre motif ! Kafka ne trouverait pas meilleur
univers comme exemple d’un monde d’absurdité, de criminelle absurdité.
Devant la multiplication de tant d’actes de violations des Droits de
l’Homme et du Citoyen, la même question revient à l’esprit :
Ou va le Cameroun, lorsque une incurie criminelle du Gouvernement devant la disparition d’un nouveau-né ne suscite de sa part que le reflexe de sévir contre des citoyens qui ne veulent que montrer leur indignation et entretenir par des manifestations pacifiques le souvenir du bébé de Vanessa dont le sort reste incertain ?
Où va le Cameroun, si la jeunesse qui est la conscience d’un peuple dont elle exprime les tourments doit servir d’ exutoire de sauvagerie à des forces de l’ordre dressées depuis des décennies pour voir en elle une ennemie qu’ il faut tabasser ou abattre comme des vermines ?
Qui aurait cru que nous en serions encore là, trente ans après l’arrivée au pouvoir de Paul Biya, lui qui a tant promis en matière de gestion moderne et civilisée de l’ espace d’ expression publique, lorsque nous vivons chaque jour davantage le recours à des pratiques de sauvagerie et filouterie politique avérées? Les citoyens du Cameroun sont aujourd’hui fondés de dire ‘’ Notre enfer est une République’’, en comparaison au titre du livre ‘’ Notre prison est un royaume’’ dans lequel le grand écrivain Bernanos a dressé le tableau hallucinant de la dictature de Franco en Espagne le siècle dernier et à coté de laquelle le système de répression néocoloniale qui sévit sur notre pays depuis 60 ans tient une répugnante parité.
Enoh Meyomesse, Vincent Fouda, Vanessa Tatchou, sont ou ont été pensionnaires forcés d’ un Etat, qui pendant ce temps, remet en liberté un certain Kisob, individu qui hier encore a affirmé sur les ondes de radios internationales avoir été l’ organisateur d’ une attaque qui a coûté la vie à trois gendarmes, lequel est allé se livrer à Bamenda à une ‘’conférence de presse- manifestation publique-exhibition’’, cornaqué par le Sous- préfet qui partageait sa table devant les journalistes, policiers en piquet d’ honneur. Il a raconté ensuite comment il a été hébergé pendant quatre mois dans les pavillons luxueux du Mont Febe, une porte à cote du palais des Hôtes Présidentiels ! Les Americains, dépassés, s’ exclameraient: ‘’ what the heck is that?’’... Mais nous autre revenons à la même question lancinante: Où va le Cameroun ?
De toute évidence du Mal au Pire...
D’un Etat incompétent à un Etat criminel, qui destine son peuple à une véritable descente aux enfers, un Etat qui affiche sa volonté de liquider toutes les voix susceptibles de remplacer les vielles figures politiques qui, sous l’ effet d’ une corruption multiforme, sont devenues des ‘’danseuses de la République’’, aphones, quand vient le temps de dénoncer l’incurie du Gouvernement, même dans le cas de crime comme le cas de la disparition du Bebe de Vanessa.
L’enseignement des temps présents
Les temps que nous vivons sont dénonciateurs et révélateurs.Ces temps dénoncent aux yeux du peuple ses véritables bourreaux. Ils sont reconnus à leur silence devant les actes criminels et les violations des Droits civiques, humains et politiques de base dont quotidiennement, ce Gouvernement se rend coupable. Alors que la douleur digne et admirable de Vanessa, le travestissement de la Justice pour servir la neutralisation de Enoh Meyomesse, l’utilisation des forces de police pour infliger des mauvais traitements à Vincent Fouda, devraient susciter un chœur unanime de protestation, on ne les entend pas, Présidents de ‘’ grands partis’’, Députés, Elites, Membres du Gouvernement, certaines figures qui se sont fait dans le passé un nom dans la société civile. Ils ont le dos tournés au peuple torturé et humilié, absorbés qu’ils sont par le fastueux mirage de la splendeur de leur condition et de leur toute puissance.
Le martyre de Enoh Meyomesse et Paul Eric Kingue lui montre que force restera à la fin des jours à la justice immanente. Le courage de Vincent Fouda le rassure en ce qu’il est encore des Camerounais qui peuvent payer de leur personne pour que soit vaincu le Mal et triomphe la Vérité.
Vanessa, Enoh Meyomesse et Vincent Fouda peuvent
être pensés aujourd’hui comme le corps mystique du peuple camerounais
sur la voie de sa libération, de sa rédemption, de ‘’sa montée du
Carmel’’. Ce peuple devra s’ébrouer de l’engourdissement et de la
prostration où le plongent et le maintiennent les pratiques massives et
constantes de magie noire par le pouvoir, ceci dit en pesant mes mots.
Soyons préparés à traverser des étapes semées de douleurs et de
pleurs. Mais au bout du chemin, nous croiserons l’aube de la Renaissance
du Cameroun.
Le peuple camerounais a tout d’un grand peuple ; cette jeunesse a tout
pour prendre en main son destin et reconquérir son droit au rêve.
Pourquoi ce peuple et cette jeunesse ne suivraient-ils pas la voie qu’a
prise Gandhi pour libérer l’Inde, pourquoi ne suivraient-ils pas
l’exemple de ces jeunes tunisiens qui ont mis fin à la dictature toute
en email de Ben Ali en Tunisie, pourquoi ne prendrait-il pas l’exemple
des Egyptiens qui, en 18 jours, ont mis l’Egypte sur la voie de la
Démocratie ? Ce peuple et cette jeunesse ont entre leurs mains la clef
de leur bonheur, comme l’ indique l’ Article 35 de la Déclaration
Universelle des Droits de l’ Homme et du Citoyen du 24 juin 1793 : «
Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l'insurrection est
pour le peuple, et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des
droits et le plus indispensable des devoirs. »
A travers les derniers événements, l’Histoire ne frappe-t- elle pas à
notre porte pour dire : ‘’Il est temps que tu te réveilles, que tu te
lèves, que tu reconquiers tes Droits, Peuple du Cameroun’’?