En séjour au Cameroun, les émissaires de cette Ong, Jean-Eric Nkurikiye et Godfrey Byaruhanga se sont également prononcés sur la situation de Paul Eric Kingue.
«Comme en 2010, nous avons rendu visite hier, 14 décembre 2012, au Secrétariat d’Etat à la Défense, à Michel Thierry Atangana et au Pr Titus Edzoa. Des entretiens avec les milieux diplomatiques, la société civile, des parlementaires et de certaines autorités, il ressort que ces personnalités sont des détenus d’opinion en raison de leur position politique supposée ou de fait. Pour cette raison, il est souhaitable qu’elles soient remises en liberté. Il en est de Michel Thierry Atangana, de Titus Edzoa comme de Paul Eric Kingue qui séjourne à New-Bell». Ce cliché fait partie de ceux émis au cours de la conférence de presse que les deux experts d’Amnesty International ont donné à Yaoundé samedi, 15 décembre 2012.
A l’occasion, Godfrey Byaruhanga et Jean-Eric Nkurikiye ont, répondant à une question de journaliste sur les arguments qui fondent Amnesty International à déduire que certaines prisons du Cameroun abritent des détenus d’opinion, soutenu que les expressions les plus visibles ce cette situation sont messieurs Edzoa et Atangana. Parce qu’ils viennent chacun de purger 15 ans de prison, parce qu’à l’approche de la fin de cette première peine décidée au terme d’un procès «inéquitable» en 1997, les autorités camerounaises ont décidé de rouvrir une autre instruction dont le procès vient de se solder par une peine de prison de 20 ans, «tout porte à croire que c’est le cas».
D’ailleurs, pour s’en convaincre, Godfrey Byaruhanga revient sur les circonstances de l’arrestation des deux détenus: «la démission du gouvernement du ministre Edzoa et l’annonce de sa candidature à la présidence de la République contre Paul Biya». Sur cette question lancinante, les enquêteurs d’Amnesty International croient savoir que c’est au moins en partie parce que Michel Thierry Atangana a été présenté comme directeur de campagne de M. Edzoa, qu’il est incarcéré et victime de ce qui apparait comme harcèlement judiciaire. Sur la même lancée, Godfrey Byaruhanga et Jean-Eric Nkurikiye trouvent surprenant que deux des trois juges de la collégialité ayant conduit les débats du récent procès mettant en cause les deux détenus soient remplacés le jour prévu pour le verdict.
«Il s’agit d’une situation troublante qu’aucun défenseur des droits de l’homme ne peut trouver normale», se sont-ils émus. A la question de savoir s’ils ont eu plus de chance que l’ambassadeur français au droits de l’homme, François Zimeray, d’accéder à la cellule de Michel Thierry Atangana, ils disent n’avoir pu. Non pas que les autorités camerounaises aient refusé. Mais parce qu’en guise de protestation contre les dirigeants camerounais, le détenu a estimé que «ce qui a été refusé à l’ambassadeur de France pour les droits de l’homme, doit l’être pour tout le monde. Encore que l’ambassadeur a plus de droit à le faire que nous», font savoir les défenseurs de droits de l’homme, contrairement aux dires du ministre de la Communication, Issa Tchiroma Bakary au cours d’un point de presse à la Crtv (la radio télévision d’Etat).
Au cours de sa rencontre avec les médias samedi dernier, l’équipe d’Amnesty International a fait un tour d’horizon de la situation des droits de l’homme au Cameroun. Ainsi, les deux émissaires de l’Ong internationale ont soutenu que la situation des prisons camerounaises est préoccupante. «Il n’est pas en effet, normal que des malades mentaux se retrouvent dans les prisons comme c’est le cas au Cameroun». S’ils déplorent les conditions de vie, de nutrition et de santé à Kondengui à Yaoundé et New-Bell à Douala, il s’étonnent du niveau de violence contre certains détenus notamment dans les quartiers 09 et 10 plus connus sous la dénomination de Kosovo considérés comme des mouroirs.
En campagne pour l’abolition de la peine capitale, Amnesty International souhaite que le Cameroun qui n’a pas pratiqué d’exécution depuis pratiquement 20 ans, adopte une législation sur l’abolition. Comme l’Ong se prononce en faveur de la dépénalisation des délits de presse, l’homosexualité et le harcèlement des défenseurs des droits de l’homme dont les avocats Alice Nkom et Michel Togue. Autant de chantiers que les deux experts de Amnesty International ont abordé avec les ministres Amadou Ali, Laurent Esso, Issa Tchiroma et Edgar Alain Mebe Ngo’o. Des échanges dont ils n’ont cependant pas voulu révéler la teneur. Le prochain rapport de l’Ong sur le Cameroun, devant en avoir la primeur.