La tragédie est survenue dans la nuit du 11 au 12 février 2013 au quartier Makèpè, montée Ange Raphaël. Une bougie allumée dans la maison à l’origine des flammes.
La famille de Williams Nya Tchami était encore inconsolable au petit matin d’hier mardi 12 février 2013. Elle n’entendra, ni ne reverra plus leurs enfants et petits enfants. « Je n’en reviens pas. Ce n’est pas possible. Tout ça à cause de la coupure de l’énergie électrique », se lamente une jeune dame au milieu d’une foule de curieux qui a envahit le couloir donnant accès à une maison complètement consumée par les flammes. Les cris et les pleurs fusent de partout. Cette tragédie qui met tout le quartier en émoi, est survenue dans la nuit du 11 au 12 février 2013 aux environs de 24 heures. Les quatre enfants dont trois filles et un petit garçon du couple Eugénie et Williams Nya Tchami agent décisionnaire à la mairie de Douala 5ème sont tous morts, calcinés. Dans ce qui reste de la maison où habitait cette famille, les corps de Laurel Nya Njike (10 ans), Flore Nya Mbakop (9 ans), Kandisse Nya Nyamsi (7 ans) toutes élèves à l’école privée Bilingue le portique et Auriol Nya (2 ans) sont emballés dans un linceul et rangés sur une table noircie par les flammes. « Une scène effroyable », laisse entendre une voix dans la foule.
Ces enfants ont rendu l’âme à l’absence de leurs parents. « Les parents étaient absents au moment des faits. La mère assistait sa belle mère hospitalisée à Laquintinie de Douala et le père était sorti en laissant la bougie allumée», explique Bamen le grand-père des défunts. Selon certains témoins, l’une des filles a essayé en vain de sortir de la pièce sinistrée sans toutefois y parvenir parce que la porte était verrouillée. « Elle a crié. Elle a demandé à son père de la sauver mais il n’a rien pu faire face aux flammes », témoigne une femme.
Supputations
L’incident s’est produit alors que tout le quartier était plongé dans le noir. Même si les causes réelles de cet incendie restent encore inconnues, les supputations vont bon train. Certains témoins expliquent que la bougie allumée dans la maison aurait brûlé le lit sur lequel les victimes étaient couchées. Tandis que d’autres thèses évoquent l’idée d’un court-circuit provoqué par le retour brusque de la fourniture de l’électricité. Alors que l’enquête est encore en cours, les habitants pointent un doigt accusateur vers la structure en charge de la distribution de l’énergie électrique au Cameroun. « Rien ne serait arrivé s’il y avait l’électricité au quartier », affirme un proche de la famille. Le préfet du Wouri, Paul Béa et le sous- préfet de Douala 5ème, Jeanneau Tamadjo descendus sur les lieux du drame ont tenu à calmer les foyers de tensions qui se créaient déjà dans la foule. « Nous devons respecter ses enfants et les accompagner dignement à leur dernière demeure. Donc restons calme », sollicite Jeannot Tamadjo.
Il a fallu cependant l’intervention des sapeurs pompiers pour circonscrire le feu. « Les sapeurs pompiers sont arrivés avec beaucoup de retard. Ils ont juste limité la propagation des flammes », souligne Hervé un habitant du quartier. En attendant les résultats de l’enquête, les corps ont été immédiatement conduits au village Banenkane dans le département du Ndé pour inhumation.
Après l’incendie... Des manifestants assiègent l’agence Aes-Sonel de Ndokoti
Ils accusent la société de distribution d’électricité d’être la cause du drame.
Agence Aes Sonel de Ndokoti. La circulation est bouchée. Après le triste incendie qui a calciné quatre enfants au quartier Maképè, lieu dit Carrefour Ipa, les riverains ont pris d’assaut le site. Ils ne décolèrent pas. Rage et haine se lisent sur les visages. En main, des photographies des enfants décédés et des pancartes. «Remettez-nous nos quatre enfants calcinés», «Trop c’est trop. Non à Aes-Sonel», «Il est strictement interdit à un agent d’Aes-Sonel de distribuer les quittances dans le quartier Cité-Sic», sont entre autres messages inscrits sur les pancartes. Des écriteaux qui captivent l’attention de tous les passants, même l’âme la plus froide est gagnée par l’émotion. Les forces de l’ordre (Groupement mobil d’intervention, Equipe spéciale d’intervention rapide…) recadrent avec douceur les manifestants.
«Nous avons marre d’Aes-Sonel. Nous sommes fatigués des coupures d’électricité intempestives», tempête Martial Assontia, un voisin de la famille sinistrée. Le jeune homme qui tient en main une pancarte dénonce avec la dernière énergie l’entreprise de distribution d’électricité. «C’est à cause de Aes-Sonel. Hier (lundi), se rappelle-t-il, on a coupé l’électricité à 16h30. Aux environs de 22h, le père des quatre enfants est sorti prendre de l’air. En prenant soin de fermer la porte parce que les enfants étaient seuls dans la maison. Une heure après, le courant vient et disparait. Ce qui a occasionné l’explosion d’un transformateur. C’est à cet instant qu’on voit un feu gigantesque sortir du toit de notre voisin.» Après une bouffée d’air, il poursuit : «on aurait dit l’enfer. Les flammes étaient indescriptibles. Nous avons tout tenté. Leur père, William s’est brûlé les deux mains parce qu’il forçait la porte. Le pire c’est qu’on entendait ces enfants pleurer, crier à l’aide. Ça fait énormément mal. A cause d’Aes-Sonel on pleure maintenant Kévine, France, Laurel et Nya avec qui on venait de causer.» Murielle est plus tranchée.
«Nous ne voulons plus de Aes-Sonel. Si elle est incapable de nous satisfaire qu’elle s’en aille. Ce drame n’est pas le seul», narre Murielle. Et d’ajouter : «un garçon a failli perdre sa vie dans la même nuit à Ange Raphael. Il regardait la télévision avant la coupure. Quand le courant est revenu à minuit, un court-circuit s’est signalé dans sa chambre alors qu’il dormait, puis c’était le feu. Heureusement que ses frères qui étaient encore éveillés ont vu les flammes à temps.» Accusations sur accusations, Viviane et d’autres manifestants se plaignent car, disent-ils, «on nous coupe l’électricité tous les jours, mais à la fin du mois ce sont de grosses factures qui tombent. Qu’on arrête ça.»
L’envolée des évènements a poussé le délégué régional du Littoral d’Aes-Sonel à venir calmer la population. Lucas Fotso a déclaré à propos : «Nous allons ouvrir une enquête pour découvrir les causes de l’incendie. Quand on aura les résultats, on reviendra vers la famille.» C’est suite à ces paroles que la manifestation a pris fin.