Douala : Un braquage et cinq morts sur le carreau
Une vingtaine d’individus en possession d’armes de guerre, venus à bord
des navettes sur le fleuve Wouri, auraient emporté environ 201 millions
Fcfa samedi dernier.
Au lieu-dit, « Immeuble 4 étages » à
Bonabéri, l’impact du passage des assaillants était encore visible ce
samedi matin 19 mars 2011. Un cordon de sécurité a été mis en place par
la gendarmerie autour de la banque. Avec visiblement pour but d’empêcher
aux badauds de détruire les pièces à conviction au sol. Des tessons
des vitres jonchent le sol de l’agence Ecobank de Bonabéri.
Dans la
cour, deux traces de sang, séchées, d’une largeur de 50 Cm sont
visibles. Un peu plus loin, une paire de chaussures, un sac au dos et
des plastiques gisent dans une autre marre de sang. A l’arrière du
bâtiment de l’agence d’Ecobank, la scène est effroyable : Un pan du mur a
été éventré sur un diamètre d’environ un mètre. «Ils ont ouvert le mur à
l’aide des grenades, des explosifs et des dynamites. Sur le sol, un
appareil électrique pour allumer les explosifs était abandonné par les
assaillants», informe un gendarme, rencontré sur le site du braquage.
Bernard
Okalia Bilaï, le préfet du Wouri, qui venait de sortir, en matinée, de
l’agence Ecobank de Bonabéri, cible de ces attaques, a lancé, laconique,
à l’endroit de la presse : «Pour l’instant, on a enregistré cinq morts
et une dizaine de blessés. L’enquête suit son cours».
Il était 9h.
Il s’agit, apprend-t-on, des sources proches de l’enquête de deux
vigiles, de la banque, qui appartiennent à l’ex Wackenut devenu
G4Securicor, deux passagers d’un bus (dont une dame) et d’un conducteur
de moto taxi. «Suite aux échanges en mer avec nos forces de l’ordre,
cinq militaires camerounais ont été blessés dont un qui a succombé à ses
blessures. Ce qui porte le nombre de victime à 6 morts», informe le
gouverneur du Littoral, Francis Faï Yengo.
A la morgue de l’hôpital
militaire de la garnison où le reporter de Mutations s’est rendu, une
source bien introduite bat en brèche la version officielle et parle
plutôt de…14 morts : «A Bonabéri, 9 personnes étaient mortes sur le
champ. Par la suite, 4 blessés graves ont succombé à leurs blessures.
Cela fait 13 victimes. Plus le militaire tombé sous les balles des
assaillants en mer annoncé par le gouverneur, cela fait au total 14
morts», soutient mordicus notre source.
Attaque d’Idabato
Au-delà
du Préfet du Wouri qui s’est rendu sur le lieu du braquage, tout ce que
Douala compte d’autorités militaires ont fait le déplacement du site de
l’agence Ecobank, cible de l’attaque. On cite entre autres le général
Saly Mohamadou de la deuxième région militaire à Douala, et du
Commandant Lemani Jean Calvin, commandant de la 2ème région de
gendarmerie, le Colonel Esso Jules César, commandant de la légion du
Littoral, du commandant Noah, commandant de la compagnie de
gendarmerie de Douala 4ème, etc.
Sur le déroulement l’attaque
proprement dite, des sources concordantes révèlent qu’une vingtaine
d’assaillants, venus à bord des vedettes rapides du côté du bras mort du
fleuve Wouri (du côté de Youpwè), ont fait irruption vers 23h30. «Ils
avaient pris position dans les parages de la banque comme des vulgaires
badauds du quartier. Ils s’exprimaient en pigdin. A un signal donné, ils
ont tenu en respect les populations qui étaient encore dans les débits
de boisson à l’aide des Kalachnikovs. Par ailleurs, ils ont barré
l'accès à la banque des deux côtés avec des tirs nourris à l’aide des
mitraillettes. C’était comme dans un film américain. J’ai pris la fuite
pour aller dormir d’un œil. Vers 5h du matin, quand je suis sorti, j’ai
vu des militaires camerounais du Bir devant la banque», raconte,
Marcel, un chargeur de «cargo» (cars clandestins de transports publics
de Douala), qui n’est pas encore revenu de ses émotions.
Un
autre témoin raconte : «Je dormais dans un camion tout à côté. Et quand
j’ai entendu des coups de feu, j’ai voulu savoir d’où ils provenaient.
C’est ainsi que j’ai été repéré par les malfrats qui ont tiré sur moi.
Ces derniers voyant que les balles ne m’atteignaient pas, ils sont venus
à moi. Ils m’ont bastonné, et m’ont demandé de me coucher à même le
sol. L’un des bandits va monter sur mon dos avant de crier : «fais ta
dernière prière», raconte Rigobert Gamma, 28 ans, vigile en service à la
société Comalu qui jouxte l’immeuble Eco-Bank. “
Dans la foulée,
l’alerte a été donnée. Les forces de l'ordre, apprend-t-on, sont
arrivées. Il y aurait eu d’échanges de coups de feu, selon les
gendarmes. Faux ! rétorquent des riverains avec qui Mutations a échangé.
«Devant d’impressionnants tirs nourris des assaillants à l’arme
lourdes, nos forces de l’ordre étaient campées à bonne distance. Il n’y a
pas eu d’affrontements directs avec les braqueurs. Chez nous à la
maison, personne n’a fermé l’œil de la nuit», souffle une dame, Mme
Moussongo, visiblement traumatisée, dont le domicile est situé en face
de l’immeuble Eco Bank.
Vers 2h30, au moment où les assaillants
prenaient la fuite après 3h d’opération, ils auraient emporté trois sacs
d'argent. Toutefois, «s’ils ont pu accéder à la chambre forte de la
banque, ils n’ont pas pu prendre le coffre-fort. Je crois qu’ils avaient
sous-estimé le dispositif de sécurité de la banque», informe un haut
responsable de la gendarmerie.
Sur l’identité des braqueurs, Bernard
Okalia Bilaï le préfet du Wouri affirme : «Lorsque vous observez le
matériel utilisé (explosif et armes lourdes notamment, ndlr), je peux
vous affirmer qu’il s’agit d’assaillants. Il n’y a pas de doute
là-dessus. Ils ont opéré avec une grande précision. Ce qui laisse penser
qu’ils y‘auraient bénéficié des complicités. Pour l’instant, des
suspects ont été interpellés pour être entendus», confie le préfet du
Wouri.
Golfe de Guinée
Sur l’identité de ces suspects,
l’on apprend qu’il s’agirait des pêcheurs rencontrés sur le fleuve
Wouri. Les forces de l’ordre (Sapeurs-pompiers, gendarmes et policiers,
etc) ont fait une battue dans la mangrove du Wouri d’où les assaillants
ont pris la fuite. C’est à bord de leurs embarcations que les
assaillants ont pris la fuite en empruntant un des bras morts du fleuve
Wouri qui débouche sur l’océan Atlantique et le Golfe de Guinée.
Par
ailleurs, dans la même nuit, d’autres attaques, confirmées par le
préfet de Ndiang, ont eu lieu dans les environs d’Idabato. S’agit-il de
l’échange musclé entre forces camerounaises et les assaillants, annoncé
par le gouverneur du Littoral ? Ou alors s’agit-il d’une autre attaque
isolée ? Nous n’avons pas eu de réponses à ces interrogations, au moment
où nous allions sous presse.
Limbe
Pour l’instant,
certains blessés sont internés à l’hôpital de district de
Bonassama-Bonabéri. Le même samedi 19 mars 2011, sur instruction du
président de la République, apprend-on, Edgar Alain Mebe Ngo’o, le
ministre délégué à la présidence en charge de la Défense avait effectué
une descente à Douala pour une réunion de crise.
Le Mindef qui a
visité les différents sites du sinistre, apprend-on, était accompagné du
Dgsn, du Dgre, etc. Dès leur arrivée à Douala, la délégation s’est
rendue à l’agence Eco-Bank sinistrée. Sur le montant d’argent emporté,
un cadre d’Eco Bank, cité par radio Equinoxe, une radio de Douala,
avance la somme de 201 millions volés par les assaillants. Toute chose
qui aurait intrigué la délégation du Mindef qui aurait marqué leur
étonnement sur les 201 millions qui étaient dans des simples valises et
non dans le coffre-fort de la banque et pourquoi pas acheminés dans les
coffre-forts de l’agence de la Beac de Douala ?
L’attaque de
l’agence d’Ecobank de Bonabéri de samedi dernier rappelle un autre
assaut similaire le 28 septembre 2009 à Limbe (Sud-Ouest). Une
cinquantaine d’assaillants lourdement armés, en possession des grenades,
venus à bord de quatre fly-boat, avait investi «Down beach», l’avenue
des Banques où elle a attaqué les agences locales de la Société
générale de banque (Sgbc), du Crédit Lyonnais avant de bombarder entre
1h et 4h du dimanche matin, l’agence d’Amity Bank. Des coffres-forts et
leurs contenus avaient été emportés.
Eric Roland Kongou