Il
est des défaites plus belles que des victoires. La conférence de presse
devant faire le point sur la situation de Paul Eric Kinguè et de Enoh
Meyomesse, organisée hier à Douala par « le tribunal article 53 », a été
interdite et on est passé à deux doigts de l’échauffourée.Défaite donc,
puisque la presse conviée à l’événement n’a eu droit qu’à l’empoignade
entre les forces de l’ordre et les organisateurs et intervenants. Mais
victoire aussi pour les défenseurs des droits et libertés, puisque les
autorités ont ainsi démontré une nouvelle fois que la vérité sur PEK et
ENOH doit rester cachée à la population du Cameroun au risque d’attenter
à l’ordre public. On ne peut pas leur donner tort puisqu’effectivement
si le bon peuple réalisait l’ampleur de l’injustice d’État qui s’est
abattue sur leurs frères, il y aurait risque de trouble à l’ordre
public.
En quelque sorte, le message est donc bien passé, puisque cette volonté
de bâillonner la vérité est en soi un aveu de culpabilité de la part des
autorités. C’est la preuve évidente que le système est parfaitement
conscient de son immoralité quand il condamne, humilie et torture ses
opposants qui ont l’audace de dénoncer ses exactions.
Ci-dessous le compte-rendu de cette Nième entrave à la liberté
d’expression dans un État qui, pourtant, se dit « démocratique » et « de
droit ».
HUBERT
Tribunal article 53 :
Conférence de presse interdite, une rixe évitée de justesse.
Ce vendredi à 15h était prévue une conférence de presse au Siège du
parti politique MANIDEM. C’était une occasion pour les amis de PAUL ERIC
KINGUE et le Collectif pour la libération d’ENOH de faire le point de
ces affaires rocambolesques, réexpliquer la genèse de leur détention, le
déroulé de leurs procès et des décisions iniques, et ces deux groupes
devaient parler des voies de recours engagés et de la mobilisation
extraordinaire autour de ces deux hommes.
A 14h45 environ Kuissu Mephou Gerard Coordonateur national du Tribunal
article 53 sera notifié de l’interdiction de la « manifestation
publique » selon « les dispositions pertinentes de la loi » comme
l’écrit dans sa missive Ekoa Mbarga Jean Marc Sous-préfet de Douala 1er.
Au départ deux policiers et deux gendarmes, très vite, une escouade de
gendarmes, de policiers, d’agents de renseignements et même des forces
spéciales envahiront les lieux. Attroupements, montée d’adrénaline,
menaces etc.
Le TRIBUNAL ARTICLE 53 tiendra ferme et fera une déclaration à la presse
sous le regard inquiet des bidasses. L’officier 2e grade Djoda du
commissariat du 3e arrondissement accroché au téléphone avec les
autorités passera le téléphone au coordinateur du Tribunal article 53 à
qui il sera enjoint de quitter les lieux.
Le Tribunal article 53 avait déjà affirmé aux forces de répression son
intention de se plier à l’injonction des autorités même s’il ne
comprenait pas cette décision arbitraire et liberticide. Il regrette
l’absence des dirigeants emblématiques du Manidem.
Devant la colère des militants du Manidem, face à l’incompréhension, des
membres du tribunal article53, avec les va-t-en guerre, il a fallu
manœuvrer, expliquer à la presse, calmer les uns et les autres. Rester
serein, ne pas exciter les forces de répression, respecter les avis des
uns et des autres, pour au final éviter une rixe.
Après avoir fait sa déclaration, le peloton de gendarmerie sous la
conduite du Commandant de compagnie Otoulou mettra hors du siège du
Manidem tout le monde devant une foule de curieux, de moto taxi.
Les journalistes eux-mêmes médusés, ébahis essayeront de comprendre et de poser des questions.
Soulignons que JEAN TAKOUGANG membre du Shadow cabinet du SDF en
provenance de Yaoundé pour la dite conférence où il était annoncé dans
le Collectif pour la libération de ENOH sur le volet juridique est
rentré en apprenant la décision des autorités qui sont à l’image de
notre pays : anti démocratique. Il n’était aucunement surpris par cette
décision.
Lorsque l’on veut s’exprimer paisiblement dans un cadre sécurisé, on
interdit. Si on va s’exprimer dans les missions diplomatiques ou depuis
les capitales européennes, on est taxé d’agent à la solde de l’étranger.
Mais en fait voilà l’origine est là : bâillonner les associations.
Nous voulons dans cette déclaration, nous insurger contre cette entrave à
la liberté d’expression, nous voulons dénoncer ces méthodes cavalières
qui ne font pas honneur à notre pays, encore moins à notre démocratie.
Qu’une petite association comme la notre, attire plus de militaires, de
policiers et de gendarmes qu’un meeting d’un grand parti ; cela exprime
un malaise et non une puissance quelconque du Tribunal article 53.
Célestin Djamen, cadre du SDF était annoncé pour parler de Paul Eric
Kinguè. Tout part de la dénonciation par Paul Eric Kinguè( PEK) qui
dénonce les ravages des pesticides sur les employés et les populations.
Ensuite, il dénonce les plantations françaises qui ne payent pas d’impôt
depuis plus de 40 ans ! PEK purge en ce moment une peine de perpétuité
ramenée à 10 ans. Cette peine dite au terme d’un procès où les témoins
de l’accusation ont totalement disculpé PEK : les Maires de Dibombari et
de Mbanga, la SENC exécutrice des travaux et la Mairie de Njombé-Penja
qui dit ne rien réclamer et de n’avoir subi aucun préjudice.
Le Président de la collégialité dans son jugement, ne fait apparaitre
aucune infraction et condamne PEK à 10 ans ferme non sans violer les
articles 397 et 457 du code de procédure pénal.
Bergeline DOMOU du Collectif pour la libération d’ENOH avait prévu
d’évoquer l’incroyablearrestation d’ENOH Dieudonné par le Colonel
Ngaliebou de la légion de l’Est qui l’a gardé par devers lui 30 jours
durant dans une cellule inhumaine. Elle avait prévu d’évoquer
l’extraordinaire mobilisation nationale et internationale qui lui permet
de rendre visite toutes les semaines à ce candidat recalé de la
dernière présidentielle. Jean Takougang qui devait aborder l’aspect
juridique devait lui évoquer d’une part : la qualification des faits et
les décisions. D’abord arrêté pour tentative de coup d’état, les faits
seront qualifiés de braquage à main armée. Mais jamais on aura vu ni la
voiture ni les Coréens braqués, jamais on aura vu l’or objet du braquage
et encore moins les armes du crime. Pire les témoignages ne sont ni
concordants ni cohérents. Mais au final ENOH prendra tout de même 7 ans
ferme. Il a fait appel.
Sur la santé des deux détenus, si on peut noter une relative sérénité,
PEK a quelque souci de santé et ENOH après l’achat de ses lunettes va
relativement mieux. Mais en prison on ne va jamais bien ; plus encore
lorsqu’on y est à cause de la puissance de certains potentats éphémères
tapis au cœur du pouvoir.
Le tribunal article 53, se retirera sur la pointe des pieds pour faire
cette déclaration et répondre aux questions de nombreux journalistes.
Tout compte fait, nous voulions que l’opinion nationale et
internationale se rappelle que dans les prisons camerounaises deux
hommes se meurent parce qu’ils ont osé agir, dire haut ce qu’ils
pensaient, qu’au Cameroun la démocratie, la liberté clamée est non
seulement un leurre mais une véritable utopie.
Et pour le démontrer le Sous-Préfet nous a donné un sacré coup de main :
interdire une anonyme conférence de presse, dans un petit parti, par de
petits citoyens.
Merci Messieurs. On est ensemble.
Pour la TRIBUNAL ARTICLE 53
Kuissu Mephou Gérard
« le silence devient un péché lorsqu’il prend la place qui revient à la protestation; et, d’un homme, il fait alors un lâche. » (A.Lincoln)