Dominique Sopo: «La mobilisation autour de Michel Atangana ne doit pas se relâcher»

Yaoundé, 26 Mars 2013
© Correspondance

Le Président du Comité de soutien à Michel Thierry Atangana est rentré le 14 mars du Cameroun où il a rencontré le détenu français toujours dans l'attente de sa libération.

Ancien Président de SOS-Racisme, Dominique Sopo revient d'un séjour d'une semaine au Cameroun. Il s'y rendait en tant que responsable du Comité de soutien de Michel Thierry Atangana, ce Français détenu plus de 16 ans dans une cellule du Secrétariat d'Etat à la Défense à Yaoundé. Le prisonnier condamné une première fois en 1997 pour des détournements de fonds qu'il a toujours niés et dont la preuve n'a jamais été rapportée par l'accusation, a été de nouveau été jugé pour les mêmes faits à l'automne dernier, et condamné à 20 années supplémentaires d'emprisonnement. Le cas Atangana avait été évoqué par François Hollande, lorsque le Président de la République a reçu son homologue camerounais, Paul Biya, à Paris le 30 janvier. Biya s'en était remis à la décision de la Cour suprême camerounaise qui pourrait être rendue au début du mois d'avril.


Avez-vous pu rendre visite à Michel Thierry Atangana?

J'ai pu le rencontrer à quatre reprises en dehors de sa cellule au Secrétariat d'Etat à la Défense. Je n'avais fait aucune demande officielle. J'ai pu entrer à l'intérieur de l'enceinte sans problème. Après, cela a été plus difficile pour l'approcher. Douze gendarmes se relaient pour le garder avec des armes de guerre. A ma première visite, le face à face a été tendu pendant trois à quatre minutes. Puis on m'a laissé accéder à lui.


Dans quel état d'esprit l'avez-vous trouvé?

Il n'est pas déprimé. Il a plutôt bonne mine. Je l'ai trouvé très combatif. Nous avons longuement évoqué l'affaire dans ses détails pour élaborer une stratégie de communication. Il doit plus montrer l'homme qu'il est, quelqu'un qui n'a rien à faire en prison. Il remercie vivement tous ceux qui le soutiennent en France et au Cameroun. Depuis les visites consulaires qu'il a obtenues grâce à l'action de l'Ambassadeur de France, Bruno Gain, il se sent moins isolé. Il passe la journée sur une terrasse de 9 à 20 heures. Ses frères peuvent alors rester avec lui. Ils le raccompagnent tous les soirs jusqu'à sa cellule pour qu'il n'y ait pas d’accident malheureux. Des prêtres viennent le voir tous les jours. Il est très croyant. Il prépare même des jeunes au mariage. Mais il a aussi le sentiment de tourner au rond dans les mêmes lieux avec les mêmes personnes. Être entouré en permanence par des militaires est opprimant.


Avez-vous pu évoquer son cas avec les autorités officielles?

J'ai demandé rendez-vous à plusieurs Ministres. Aucun n'a donné suite. Sauf le Ministre de la Justice mais c'était le dernier jour, alors que j'étais en train de monter dans l'avion de retour pour Paris! J'ai aussi été ignoré par les medias publics. J'ai pu m'exprimer dans la presse privée. J'ai fait le tour des partis d'opposition. J'ai rencontré nos amis du Comité de soutien local. J'ai eu le sentiment que l'opinion avait évolué en sa faveur. Au début, il ne suscitait qu'indifférence. C'était un riche qui était tombé et que l'on jetait à la vindicte populaire. Aujourd'hui, beaucoup de Camerounais savent que Michel Atangana n'a rien à voir avec ce qu'on lui reproche. Mais les gens sont encore tenus par la peur. Pourquoi aller dénoncer une injustice au risque de mettre en péril sa carrière? Il n'empêche que ce qui a été écrit dans la presse ici et en France permet de démontrer les incohérences et les mensonges de l'accusation.


Par exemple?

Il risque de passer encore des années en prison. Je n'en donnerai qu'un seul, mais il est significatif. En juillet 1997, Michel est arrêté depuis déjà -plusieurs semaines. Il est conduit au Tribunal pour une requête de l'un de ses co-accusés, l'ancien Secrétaire Général de la Présidence, Titus Edzoa. Lorsqu'il arrive sur place, on le conduit dans une salle, et il comprend qu'en fait c'est son procès qui commence! Ses Avocats protestent. Ils demandent un report de l'audience. Elle est interrompue. Et au retour du Tribunal, les Avocats de Michel sont expulsés!


Une libération du prisonnier est-elle possible à court terme?

La mobilisation autour de Michel ne doit pas se relâcher. Il faut exercer sur le pouvoir camerounais une pression continue jusqu'à ce qu'il soit libéré. Sinon, il risque de passer encore des années en prison. J'ai parfois eu l'impression que les autorités faisaient le dos rond en espérant qu'Atangana soit à nouveau oublié.

Extrait du journal L'Express du 20/03/2013

Source: Sans Detour



31/03/2013
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