Discours du Président de la République à l`ouverture du Comice Agro-pastoral d`Ebolowa le 17.01.2011
DISCOURS DU PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE, S.E. PAUL BIYA
Ebolowa, 17 janvier 2011
• Excellences,
• Monsieur le Gouverneur de la région du Sud,
• Monsieur le Délégué du Gouvernement auprès de la Communauté
urbaine d’Ebolowa,
• Autorités traditionnelles et religieuses,
• Populations de la région du Sud,
• Distingués invités,
• Mesdames, Messieurs,
C’est un très grand plaisir pour moi de me retrouver avec vous à
EBOLOWA à l’occasion de l’ouverture de ce Comice Agro-pastoral National
pour célébrer cet important rendez-vous du monde rural.
• Monsieur le Délégué du Gouvernement auprès de la Communauté
urbaine d’Ebolowa,
Je vous remercie de vos souhaits de bienvenue et de vos propos
aimables à mon endroit et à celui de mon Epouse.
J’apprécie sincèrement le prestigieux titre que les populations de la région du Sud viennent de me décerner. Et de tout cœur, j’accepte d’être élevé à la dignité de « NNOM NGII », c’est-à-dire le Maître suprême de la science et de la sagesse millénaires de cette région, j’espère être à la hauteur de cette dignité.
Je ne trahis aucun secret en vous révélant que mon Epouse est aussi
honorée de porter, désormais, le doux nom de « NYIA MEYONG », c’est-à-
dire « la mère des peuples ».
De même, nous avons accueilli avec grande satisfaction les cadeaux,
les manifestations de joie que nous avons obervées depuis que nous
sommes dans la capitale de cette région du Sud.
• Populations de la région du Sud,
Soyez remerciées pour tant de sollicitude et tant de générosité
affectueuse.
Je voudrais également remercier tous ceux qui ont contribué d’une
façon ou d’une autre à l’organisation de ce Comice. En premier lieu, bien sûr, la Commission Nationale d’Organisation pour le sérieux de son travail, mais aussi et surtout les agriculteurs, éleveurs, pêcheurs, artisans ruraux, venus parfois de très loin, pour la qualité de leurs produits exposés. Mes remerciements vont évidemment aux élites et aux populations de la région du Sud, si engagées et si nombreuses aujourd’hui, que je salue très chaleureusement.
Diverses raisons, liées notamment aux conditions météorologiques et
aux procédures, n’ont pas permis de mener à terme les différents chantiers
prévus dans le cadre de ce Comice. Je pense en particulier aux routes de
contournement et à l’hôtel du Comice. Je tiens à le dire : tous ces chantiers vont se poursuivre jusqu’à leur terme cette année. Mon Cabinet y veillera particulièrement aux côtés du vice-Premier Ministre chargé de l’Agriculture.
Populations du Sud en particulier, et du Cameroun en général. Pendant
près de vingt ans, vous avez voulu ce Comice. Voici donc le Comice, porteur
d’espoirs pour un monde rural résolument engagé dans le processus de développement. En effet, le Cameroun compte avant tout sur le secteur primaire, notamment l’agriculture, l’élevage, la pêche et l’artisanat, pour devenir, à l’horizon 2035, un pays émergent.
• Mesdames, Messieurs,
Vous vous souvenez, j’en suis sûr : depuis une vingtaine d’années, je
ne cesse de répéter que l’agriculture, au sens le plus large –c’est-à-dire
complétée par l’élevage et la pêche– est la véritable richesse de notre pays et que les recettes minières et du pétrole, aussi utiles qu’elles soient, ne peuvent être la seule base de notre développement. Est-il vraiment nécessaire de rappeler ce que sont nos potentialités dans le domaine agro-pastoral ? Vastes espaces terrestres ou maritimes exploitables, climats généralement favorables, fertilité des sols, variétés végétales nombreuses, main d’œuvre industrieuse et laborieuse, et j’en passe.
L’occasion me paraît donc propice de rappeler solennellement la
vocation de notre agriculture entendue au sens large :
- En premier lieu, elle doit nourrir notre population ou, en d’autres termes,
assurer notre autosuffisance alimentaire. Est-ce le cas ? En principe
oui, mais dans la pratique les choses sont un peu différentes.
Quelques-unes de nos régions sont encore tributaires de l’aide
alimentaire. Certaines productions connaissent des pénuries.
Résultats : la spéculation intervient et les prix augmentent, rendant ces
denrées inaccessibles pour les plus démunis.
- Deuxièmement, dans un pays comme le nôtre où 60 % de la population
vit de l’agriculture, celle-ci devrait être le premier pourvoyeur d’emplois.
Or, nous savons que beaucoup de ruraux – les jeunes notamment
trouvent difficilement à s’employer et, attirés par les « lumières de la ville », nourrissent l’exode rural.
- D’autre part, la capacité de production de notre agriculture reste
fortement sous-exploitée, ce qui ne lui permet pas d’avoir dans notre économie la place qui lui revient et, par voie de conséquence, de contribuer au relèvement du niveau de vie des populations concernées.
Il y a là une des raisons de la stagnation de notre indice de
développement humain et de notre retard sur la voie des Objectifs du
Millénaire.
- Enfin, l’insuffisance de certaines productions, comme le riz, le maïs, le sucre, le poisson nous oblige à en importer d’importantes quantités, ce
qui déséquilibre gravement notre commerce extérieur. Or nous
pourrions sans difficultés produire davantage de ces denrées ou leur
substituer des produits locaux, comme le plantain, le manioc ou
d’autres tubercules.
Faisons maintenant, si vous le voulez bien, le tour de nos productions
végétales et animales afin de savoir où nous en sommes.
D’abord les productions végétales :
- Pour ce qui est des cultures vivrières, à forts enjeux de sécurité alimentaire, on a pu noter une légère croissance de production depuis quelques années. Cela est valable pour le riz, le maïs, le mil et le sorgho ainsi que le plantain, le manioc et la pomme de terre. Cette évolution favorable concerne aussi les légumes, les fruits et les oléagineux.
Mais je dois à ce point faire deux remarques :
Pour les céréales, il est clair que nous devrions en produire beaucoup
plus pour éviter, comme je l’ai déjà indiqué, d’avoir à en importer. Si j’en crois les renseignements à ma disposition, nous avons consacré, en 2009, 500 milliards de FCFA pour l’importation de la farine, du riz et du poisson, soit 7 fois plus qu’en 1994 ! Nous devons absolument nous libérer de cette dépendance. Comme l’ont si bien relevé, dans la Déclaration de Yaoundé, les participants à la Conférence internationale – Africa21, je cite : « l’Afrique ne doit plus importer pour manger ». S’il faut garder une idée forte de cette conférence, c’est celle-ci : « l’Afrique ne doit plus importer pour manger ».
Ma deuxième remarque concerne l’enclavement de nos bassins de
production des produits de base de notre alimentation, enclavement qui pénalise leur accès au marché. Et vous savez bien, ici dans la région du Sud, ce qu’enclavement veut dire.
Augmenter les productions déficitaires et améliorer nos voies de
communications avec les zones rurales doivent être désormais considérées
comme d’urgentes priorités.
- S’agissant des cultures de rente, essentiellement cacao et café, après
une diminution de la production consécutive à la chute des cours, on assiste
à un redressement progressif des tonnages, plus marqué pour le cacao, redressement qu’il faudra encourager. Il restera à régler les problèmes liés au vieillissement des vergers, à la qualité des produits et, là aussi, à l’entretien des pistes de collecte.
- Je voudrais également dire quelques mots sur les cultures
industrielles –coton, palmier à huile, hévéa, canne à sucre et banane dessert– qui sont à la fois du ressort de l’agriculture et de l’industrie.
A mon sens, nous n’exploitons pas suffisamment nos potentialités dans
ces secteurs. J’observe en effet que nous importons chaque année des contingents non négligeables de sucre et d’huile de palme alors que nous disposons de vastes espaces propres à ces cultures. Il me paraît également que nous pourrions étendre nos plantations d’hévéa et de banane, créatrices de rentrées de devises et d’emplois, et relancer la culture du coton pour répondre à une augmentation prévisible de la consommation mondiale qui commence à se manifester. J’ai l’impression que dans ces secteurs nous faisons preuve d’une timidité que je trouve excessive.
Passons maintenant, si vous le voulez bien, aux productions animales :
- Elles sont en progrès. La viande de bœuf, de petits ruminants et de
porc atteint des tonnages appréciables. Mais la progression la plus
remarquable concerne la volaille, ce qui a eu pour effet d’en réduire considérablement les importations. Cette constatation est intéressante dans la mesure où elle fait apparaître qu’une augmentation de notre production nationale entraîne presque automatiquement une réduction des importations.
La production de lait et des œufs a elle aussi connu une croissance notable.
Mais je suis sûr que pour l’ensemble de ces secteurs, il y a encore des marges importantes de progression.
- La pêche maritime, en rivière et la pisciculture ont une place
importante dans notre pays en raison de leur apport en protéines dans l’alimentation de notre population. Force est de reconnaître que nous n’avons pas encore exploité toutes les possibilités de nos ressources halieutiques.
Des efforts devront être faits en ce sens, ce qui nous dispensera d’importer de grandes quantités de poisson, de maquereau notamment dont nous raffolons.
Est-ce à dire que dans ces différents secteurs, notre stratégie de
développement n’a pas atteint ses objectifs ?
Il s’agissait, je le rappelle, d’avancer dans la voie de la modernisation de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche traditionnels afin d’accroître la production et la productivité des petites exploitations et de favoriser l’émergence d’unités de production de « seconde génération », c’est-à-dire d’entreprises de moyenne et grande taille respectueuses de l’environnement.
De très nombreuses actions ont été lancées à cette fin par les pouvoirs
publics, actions qu’il serait fastidieux d’énumérer toutes ici. Elles touchent aussi bien à la formation, aux coopératives qu’à l’appui aux sociétés de développement agricole et à la micro-finance rurale, pour ne citer que celles-là.
A côté de ces « actions de base » en quelque sorte, il convient de mentionner les grands projets ou programmes, nombreux eux aussi, qui concernent les problèmes transversaux du secteur rural. On peut citer le programme d’appui au développement de la compétitivité des filières agro-pastorales et halieutiques ou le programme national de vulgarisation et de recherche agricoles, parmi d’autres.
En raison du grand nombre et de l’extrême diversité de ces actions et
de ces programmes, il est difficile ce jour de procéder à une évaluation globale de notre stratégie.
Si des résultats indéniables ont été obtenus dans certains domaines,
l’impression d’ensemble est celle d’une trop grande dispersion et d’un certain manque de cohérence.
Le moment est donc venu de mettre en pratique de manière résolue la
grande politique agricole que j’ai souvent publiquement appelée de mes vœux. J’engage les départements ministériels concernés dans cette voie, toutes affaires cessantes et je veux des résultats substantiels.
Je leur demande de tout mettre en œuvre pour assurer notre sécurité
alimentaire, pour créer des emplois en milieu rural, pour réduire nos importations et développer nos exportations de produits agricoles afin que notre agriculture au sens large joue son rôle de moteur de l’économie nationale.
Essayons d’analyser les facteurs qui sont de nature à donner une
impulsion nouvelle à notre agriculture.
Notre politique de développement du secteur rural doit résoudre
l’épineux problème de l’insuffisance de financements, qu’il s’agisse
d’investissements publics ou privés. Nous devons également remédier à
diverses autres anomalies telles que :
- le manque de matériel végétal et animal amélioré,
- les difficultés d’accès à la terre,
- la faiblesse du taux d’encadrement,
- la médiocre productivité des terres,
- l’ampleur des pertes post-récoltes,
- l’enclavement des bassins de production,
- la longueur des procédures de paiement,
- l’inadéquation du système des marchés par rapport au calendrier
agricole.
A quoi viennent s’ajouter les effets du changement climatique.
A l’exception de cette dernière contrainte à laquelle nous n’avons
d’autre choix que de nous adapter, toutes les autres appellent des réponses
urgentes et appropriées. Parmi les plus importantes, je citerai :
- la mise en place d’une unité de production d’engrais,
- la mise en activité de l’usine de montage de machines agricoles
dont la construction est en cours ici à Ebolowa,
- la réhabilitation des fermes semencières,
- la préparation d’une réforme foncière visant à répondre aux
exigences de l’agriculture de seconde génération,
- la construction de marchés et de centrales d’achat de produits
agro-pastoraux et halieutiques,
- la réforme de la formation et de l’enseignement agricoles,
- le renforcement du dispositif de financement des activités rurales
par l’ouverture de la Banque Agricole et de la Banque des PME-
PMI.
J’appelle donc les différents départements ministériels et services en
charge de notre développement rural à se saisir de ces dossiers et à prendre
des dispositions pour les mettre en œuvre dans les meilleurs délais
possibles.
Par ailleurs, le développement du monde rural suppose le
désenclavement des bassins de production agricole, la mise en œuvre des
grands projets structurants.
Aussi ai-je décidé la réalisation des routes bitumées suivantes :
- Ebolowa-Kribi par Akom II,
- Ebolowa-Kribi par Lolodorf, dans le cadre du complexe
industrialo-portuaire de Kribi,
- Olama-Lolodorf,
- Sangmelima-Ouesso par Djoum, dont les financements sont
prêts,
- Ebolowa-Sangmelima par Mengong, dont les travaux
commencent cette année.
J’ai aussi décidé de faire démarrer le plus tôt possible les travaux de
construction d’un certain nombre d’ouvrages. Il s’agit notamment, vous le savez :
- du barrage hydroélectrique de Memve’ele et du port en eau
profonde de Kribi ;
- du barrage hydroélectrique de Mekin ;
- de la centrale à gaz de Kribi.
Au plan sanitaire, un centre d’imagerie médicale fonctionne à Ebolowa
depuis l’année dernière. Quant au centre d’hémodialyse, les travaux seront bientôt lancés, le marché ayant déjà été attribué. Par ailleurs, l’hôpital de référence de Sangmelima sera livré cette année.
• Mesdames, Messieurs,
• Chers compatriotes du monde rural,
J’ose espérer que ce Comice marquera le début de la relance de notre
politique agricole. Malgré la stricte discipline budgétaire à laquelle nous sommes contraints, un effort financier exceptionnel sera fait par l’Etat au bénéfice de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche au cours des prochains exercices. Ainsi pouvons-nous espérer, comme je l’indiquais plus haut, que ces activités deviendront les moteurs de notre économie et qu’elles joueront un rôle essentiel dans notre marche vers l’émergence.
Il est à noter que la mise en œuvre de cette grande politique agricole et
les exigences du développement rural que je viens d’évoquer, vont nécessiter
sans aucun doute l’apport complémentaire de la coopération internationale.
C’est pourquoi je voudrais tout particulièrement saluer la présence à ce
Comice des représentants des organisations internationales et des pays amis
du Cameroun, et les remercier pour l’appui qu’ils nous apportent dans ce domaine.
Nos partenaires internationaux peuvent être assurés qu’ils trouveront
toujours chez nous, non seulement des facteurs naturels propices, mais aussi
des populations laborieuses et un environnement favorable, reposant sur des
institutions stables et une volonté forte de développer notre agriculture.
Avant de conclure, je tiens à rendre un hommage mérité à nos
paysans, en particulier aux femmes rurales qui ne ménagent aucun effort, à
tous les maillons de la chaîne de production agro-pastorale, et grâce auxquelles nous pouvons manger à notre faim.
L’agriculture, je le répète, est notre authentique richesse.
J’aimerais, pour terminer, m’adresser à nouveau à tous ceux qui sont
venus, de près ou de loin, à EBOLOWA pour exposer le fruit de leur labeur.
Je voudrais les remercier une nouvelle fois, les féliciter et rappeler devant eux que tous les Camerounais –je dis bien tous– sont enfants ou petits-enfants d’agriculteurs, d’éleveurs, de pêcheurs ou d’artisans ruraux et qu’ils doivent en être fiers. C’est la raison pour laquelle nous sommes solidaires d’eux et qu’ils peuvent compter sur nous.
Alors tous ensemble, prenons l’engagement solennel, ici et maintenant,
d’œuvrer résolument pour que la nouvelle politique agricole dont je viens d’esquisser les lignes commence, dès les six prochains mois, à devenir réalité. De la sorte, le Cameroun, que la nature a si généreusement doté, consolidera sa vocation et sa place de grenier de l’Afrique Centrale.
Vive le Comice Agro-pastoral National d’EBOLOWA !
Vive la région du Sud !
Vive le Cameroun !
Je vous remercie.