Discours d'ouverture: Paul Biya remet du « déjà entendu »

Discours d'ouverture: Paul Biya remet du « déjà entendu »

Le Messager

L’actuel chef de l’Etat et candidat à sa propre succession a profité de la tribune du 3è congrès ordinaire de son parti pour tenir un discours de campagne. Il s’est agi d’un disque aux sonorités déjà entendues.

Qu’avons-nous donc fait des espoirs fondés sur nous par nos compatriotes ? Je répondrais sans ambages, en disant simplement que beaucoup a été fait, que beaucoup a été accompli, malgré les obstacles, malgré les difficultés et malgré les crises et leurs multiples conséquences



- Paul Biya,15 Septembre 2011



En s’exprimant ainsi lors de son discours d’ouverture de ce 3è congrès du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc), Paul Biya a cru bon, à quelques jours du début officiel de la campagne électorale de l’élection présidentielle dont il est une fois de plus candidat, défendre le bilan de son action et celle de son parti à la tête du pays depuis plus de deux décennies.

L’actuel chef de l’Etat du Cameroun sait très bien qu’une grande majorité des Camerounais trouve son bilan assez mitigé, si ce n’est épouvantable. D’où les propos assez vindicatifs du genre,

J’ajoute, au risque de chagriner les champions de la critique pour la critique, au risque de peiner ceux qui ne voient que le mal partout, au risque de décevoir les ténors de la péroraison creuse, et d’affliger les bonimenteurs du chao, j’ajoute, dis-je, que nous pouvons…, mieux, que nous devons être fiers des résultats que nous avons obtenus dans ces conditions si difficiles, pour le bien du Cameroun et du peuple camerounais.



- Paul Biya,15 Septembre 2011

 

 Il s’agit là, certes des propos pour encourager ses camarades militants et tous ceux qui soutiennent sa candidature à la prochaine élection présidentielle. Mais il s’agit aussi des propos pour répondre à ses contradicteurs et ses concurrents dans la course pour la conquête du fauteuil présidentiel. Pendant une bonne partie de ce discours de « politique générale », Paul Biya a passé le temps à citer les réalisations accomplies par son régime ces dernières années, et principalement au cours du septennat qui tire à sa fin.

C’est le cas de «la  politique d’ouverture en direction des autres formations politiques et de la société civile » dans l’exercice du pouvoir au Cameroun. Mais aussi, l’amorce « de la phase de mise en œuvre de la décentralisation par l’institution des régions en lieu et place des provinces, ainsi que le transfert des compétences de l’Etat vers les collectivités décentralisées, plus proches des attentes des populations ». Tout comme le président national du Rdpc cite le dispositif institutionnel (Chambre de comptes, Conac, Anif, Contrôle supérieur de l’Etat, Agence de Régulation des Marchés publics etc.) pour lutter contre la corruption.

Un candidat sur la défensive

Face à ce terrible fléau qu’est la corruption, qui, ces dernières années, à énormément stigmatisé son régime sur le plan national et international, Paul Biya indique, comme pour séduire les électeurs camerounais, et une certaine communauté internationale prompte à critiquer son désir de rempiler à la tête du Cameroun que, « ma détermination à combattre ce fléau est totale, et que la lutte contre la corruption va se poursuivre en s’in-ten-si-fiant, sans complaisance, sans discrimination, indépendamment du statut social ou de l’appartenance politique des personnes incriminées. Personne ne pourra se considérer comme étant au-dessus des lois ».

Le président-candidat du Rdpc sait très bien que sur le plan de la gestion économique, qui devrait normalement induire le progrès social au Cameroun, son régime ne peut pas pavoiser. Quand on connaît ou que l’on imagine le taux suffisamment élevé du chômage des jeunes au Cameroun depuis plus de deux décennies, et l’immense pauvreté qui écrase le plus grand nombre de Camerounais. Aussi se met-il en quelque sorte sur la défensive : « Les contraintes exercées sur l’économie nationale par les impératifs de notre redressement ont sensiblement compromis notre capacité d’investissement et nous n’avons pas pu agir comme nous le souhaitions. » et de poursuivre,  quelque peu sarcastique : « Nulle part dans le monde il n’existe de remède miracle au problème de l’emploi des jeunes. Faut-il pour autant baisser les bras et se soumettre à je ne sais quelle fatalité ? » Cette question donne alors l’occasion à Paul Biya de reformuler les projets déjà énoncés et qui vont certainement alimenter la substance de sa campagne électorale pour la présidentielle de 2011. Il évoque ainsi le fait que selon lui, « « Les grandes ambitions » vont devenir « Les grandes réalisations »  ». Avec notamment le recrutement de 25 000 jeunes à la fonction publique, la réalisation des fameux « grands projets structurants » que sont les barrages hydroélectriques de Lom Pangar, Memve’ele et Mekin, Nachtigal et Song Ndockayo.  Paul Biya cite pour séduire l’électorat, la réalisation de la centrale gaz de Kribi, la centrale de thermique de Yassa et le yard pétrolier de Limbé.

Au final, le président national du Rdpc a, au cours de son discours d’ouverture de ce 3è congrès ordinaire, réitéré le bilan de son régime et rappelé les projets d’avenir pour le Cameroun. Reste maintenant une question indispensable : à presque 80 ans, et quasi usé par 40 ans de haute administration, dont 29 ans à la tête du Cameroun, Paul Biya peut-il encore véritablement conduire, avec la plus grande efficacité, ce pays vers le progrès ? Seul l’avenir nous le dira.
 
Musellement. La presse écrite exclue du Congrès

Pourtant accrédités pour assurer la couverture médiatique de cet événement, des journalistes exerçant dans les quotidiens Le Messager, Mutations, La Nouvelle Expression et le Jour se sont vus refuser les badges.

Indésirables ? Assurément. D’aucuns parleraient même d’encombrants. Car au regard du calvaire qu’ils ont vécu hier matin, les reporters des quatre quotidiens ci-dessus cités n’auront pas tort de penser que c’est cette image que le comité d’organisation du 3ème congrès ordinaire du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc) a voulu leur coller. Arrivés hier très tôt (7h) au ministère de la Communication, lieu du retrait de badges, ceux-ci n’en sont ressortis qu’à 11 heures, après avoir essuyé un camouflet.

Torturés par les navettes entre l’une des salles annexe du Mincom et les bureaux du directeur du développement de la presse privée et de la publicité ; suppliciés par le désordre créé lors de la délivrance du précieux laissez-passer, obligés de subir les caprices des cadres du ministère, les hommes de médias donnaient l’impression d’être de vulgaires marionnettes que ces responsables chargés de la délivrance desdits badges s’offraient le malin plaisir de manipuler leur guise. Au bout du compte, ils n’ont pu faire le déplacement du Palais des congrès. Faute de mieux, il a fallu pour certains d’envisager un « Plan B » pour sauver les meubles et offrir à leurs fidèles lecteurs le fruit de leur perpicacité. 

Dsp

Tout commence à 7h 30, lorsque l’un des responsables chargés de la délivrance des badges aux journalistes accrédités annonce que certains noms ne figurent pas sur la liste définitive. Comme pour se justifier, celui-ci tente de faire comprendre aux hommes de médias déjà en furie que « c’est la Direction de la sécurité présidentielle (Dsp) qui nous a remis cette liste. Si le nom d’un organe de presse ne s y trouve pas, ce n’est pas de notre faute. Nous n’y sommes pour rien ». Pendant ce temps, les journalistes des radios et des télévisions sont gracieusement servis.

Plus grave,  non seulement ces badges s’octroient à dose homéopathique mais l’opération est à tête chercheuse. C’est par affinité ou par souci à l’appartenance ethnique qu’on est servi. Si certains médias chanceux s’en sortent avec dix badges (alors qu’ils n’ont accrédité que cinq journalistes), d’autres, notamment les cinq quotidiens (Le Messager, Mutations, La Nouvelle Expression et Le Jour) sont carrément ignorés. « Nous ne savons pas comment les gars de la Dsp ont procédé avec vos badges. Peut-être c’est à l’esplanade du Palais des Congrès qu’on vous les remettra. Sait-on jamais !», tente d’expliquer un cadre du Mincom.

Liberté de la presse ?

Faisant preuve de civisme et de bon sens, les « oubliés du Congrès » vont, malgré tout, attendre encore quelques minutes, dans l’espoir que leur situation sera décantée. Mais ils seront piqués au vif lorsque la radio nationale va annoncer l’arrivée du président de la République au Palais des congrès. Les multiples coups de fil à leur hiérarchie et leurs complaintes ne changeront rien à leur calvaire. « Si le président est déjà arrivé, cela signifie que rien ne peut plus être fait pour vous », souligne d’un air moqueur un responsable du Mincom. Cérise sur le gâteau, l’on apprend que la Cameroon Radio and television (Crtv) chargée d’assurer la retransmission en direct du congrès a reçu une centaine de badges, tandis que la Société d’édition de presse du Cameroun (Sopecam) en a reçu plus d’une cinquantaine.

Las d’attendre pour rien, les reporters vont se déployer comme ils peuvent. Pour la plupart, c’est à la télé qu’ils vont suivre la cérémonie d’ouverture des assises. Et dire que dans son discours de circonstance, le chef de l’Etat a fait mention d’une kyrielle de libertés : « liberté politique, liberté syndicale, liberté de culte, liberté d’opinion, liberté de circulation, liberté de la presse et bien d’autres encore ». Mais, de quelle liberté de presse s’agit-il ?

Jean François CHANNON / Christian TCHAPMI  




16/09/2011
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