Dieudonné Leuze :« Les juges ont pris sur eux et à titre personnel de fabriquer et de faire usage des preuves matérielles fausses»
Jeudi, 02 Février 2012 09:19
Deux experts-comptables accusés dans l’affaire de la Sic portent plainte contre trois magistrats de la cour d’appel du Centre devant le président de la Cour suprême. L’un d’eux justifie leur démarche dans les colonnes de La Nouvelle Expression.
Avec votre collègue MESSY Claude Bernard vous avez porté
plainte contre trois magistrats de l’ordre judiciaire. Quelles sont vos
motivations ?
Nous sommes tous convaincus d’avoir été frustrés d’un procès juste et
équitable tel que le garantit notre Constitution à tout citoyen
camerounais. Pour preuve, les éléments et moyens de défense que nous
avons produits à la cour d’appel du Centre et notamment les fins de non
recevoir que ladite Cour dans son plumitif décide de joindre au fond,
n’ont jamais connu de réponse alors que, au plan du droit, lesdites fins
de non recevoir sont recevables en tout état de cause et en tout état
de procédure. Nous ne voulons pas insister sur les moyens contenus dans
les conclusions formelles ou alors développés oralement et mentionnés
dans le plumitif qui, pour des motifs qui ne relèvent pas du droit, ont
été purement et simplement jugés irrecevables. Enfin, la goutte d’eau a
été le fait que nous avons été stupéfaits de relever dans l’arrêt
portant notre condamnation que, de toute pièce, les juges de la
collégialité ont pris sur eux et à titre personnel de fabriquer et de
faire usage des preuves matérielles fausses. Ce qui implique dès lors
que ces derniers ont sciemment passé outre leur devoir sacré de juger en
toute indépendance et en toute impartialité, pour revêtir la qualité de
partie au procès.
Pour vous condamner, la cour d’appel avait retenu contre vous la non
révélation aux organes compétents de la Sic des nombreuses irrégularités
et autres inexactitudes relevées au cours de vos multiples missions,
faisant de vous les complices des fautes de gestion supposées de
l’ancien Dg de la Sic , Gilles-Roger Belinga. Quels ont été vos éléments
de défense produits devant cette juridiction ?
Tout d’abord, pour motiver sa décision relativement à la non révélation
supposée des irrégularités et inexactitudes inhérentes à la gestion de
l’ancien Dg, Gilles-Roger Belinga, la Cour a retenu comme fondement huit
(08) irrégularités jugées caractéristiques. Alors que ces huit
irrégularités que la Cour prétend être l’œuvre de la mission du Contrôle
supérieur de l’Etat dépêchée à la Sic , non seulement ne sont pas
contenues dans le rapport de ladite mission, mais ont été extraites par
le juge d’instance, afin de nous innocenter (cf. rôle 74 du jugement),
de nos propres rapport présentés respectivement au conseil
d’administration et à l’assemblée générale de la Sic , et que nous avons
régulièrement produits comme pièces à conviction nous dédouanant, tant
devant le tribunal d’instance que devant la cour d’appel de céans. Et il
est important de relever pour s’en étonner que ces huit irrégularités
sont la reprise sans réécriture, ni reformulation des 08 des 13
irrégularités que le juge d’instance, sans être exhaustif, avait
retenues à notre faveur. Sur ce point il ne s’agit pas de procès
d’intention, les preuves sont là, intangibles.
En portant plainte avec constitution de partie civile, qu’espérez-vous de la Cour suprême ?
Dans notre constitution la Cour suprême apparaît comme la figure
emblématique du pouvoir judiciaire au Cameroun. Cette haute juridiction
est l’incarnation de l’âme républicaine que le peuple camerounais a
souverainement concédée à ses illustres représentants. Aussi, dernier
rempart dans la régulation de la société, la confiance totale que le
peuple met en cette institution épargne notre pays de la dynamique
infernale de la justice populaire. Conséquemment, en nous adressant à
cette illustre institution, nous sommes convaincus de ce qu’elle mettra
tout en œuvre pour que la justice suive son cours pour le triomphe de
l’Etat de droit si cher à notre pays.
Votre combat traduit votre détermination à faire jaillir la
vérité dans l’affaire contre la Sic et l’Etat du Cameroun. Qu’est ce qui
vous permet d’espérer tant ?
La justice est rendue au nom du peuple camerounais souverain ; et il
ne viendra à l’esprit de quiconque de la confisquer à des fins autres
que celle de la régulation en toute équité de notre société. Or, il est
consacré que le devoir de la justice consiste à mettre en jeux, dans un
esprit d’impartialité, lois et procédures, afin de susciter la
manifestation de la vérité. Ce combat qui cesse désormais d’être le
nôtre pour devenir celui de tous les camerounais, participe du devoir
citoyen. En effet, si nos accusations s’avèrent fondées, nous sommes là
en face de la matérialisation d’une crise sociale majeure, puisque
portant sur les fondamentaux mêmes de l’Etat de droit, constant que même
dans les Etats évolués qui nous servent si souvent de modèle, mettre la
justice en accusation n’est pas un acte banal ; ce qui nous fait dire
que ce combat est un combat de portée nationale, afin que chaque
camerounais non seulement aie confiance en la justice de son pays, mais
s’assure à tout moment que sa cause sera entendue publiquement,
équitablement par un tribunal compétent, indépendant et impartial.