Dieudonné Essomba : “L’élite dilapide l’argent du pétrole”

 

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L’économiste camerounais analyse la place du pétrole dans notre économie et invite à renforcer la diversification des exportations.

 

 

Quelle est la place du pétrole dans l'économie camerounaise?
La place du pétrole est fluctuante et dépend des années. On peut néanmoins dire qu’il contribue pour 5 à 8% au PIB et de 20% à 25% dans le budget national. Mais son apport le plus important est dans le commerce international où il contribue pour 45% des recettes extérieures. C’est une place très importante, mais qui n’atteint pas les sommets hégémoniques qu’on trouve dans l’économie équatoguinéenne ou nigériane.

 

Quel regard portez-vous sur l'utilisation de la manne pétrolière au Cameroun?
L’exploitation pétrolière est une enclave technologique dans laquelle l’apport du système productif est très faible, voire nulle, contrairement à d’autres ressources comme le cacao,  le café ou le coton qui interpellent un grand nombre d’acteurs avec lesquels il faut composer. Pour augmenter la quantité de cacao produite par exemple, le Gouvernement est obligé de négocier avec les paysans pour les inciter à produire davantage. Le pétrole qui n’a pas cet inconvénient se trouve sous le contrôle total des pouvoirs publics qui disposent ainsi d’une importante marge de manoeuvre pour l’affecter à leurs orientations, même si celles-ci ne correspondent pas aux intérêts bien compris de la Nation. Dans le cas du Cameroun, le pétrole est essentiellement affecté à l’entretien de l’appareil bureaucratique et l’entretien de la consommation somptuaire de l’élite politico-administrative, qui le dilapide en achat de VX, de champagne et de voyages à l’étranger.

 

 

Le Cameroun respecte-t-il le protocole de l'inititive ITIE?
Le Cameroun fait partie des pays conformes à l’ITIE et on peut supposer que c’est parce qu’il respecte les contraintes de transparence imposée par cette organisation. En tout état de cause, la transparence du secteur pétrolier avait été imposée par les bailleurs de fonds lors de l’ajustement structurel, comme l’une des conditionnalités pour la remise des dettes.

 

Le Cameroun ne dépend t-il pas trop de la manne pétrolière?
Il en dépend beaucoup, mais on trouve pire. Dans une certaine mesure, l’économie du Cameroun moins déséquilibrée que beaucoup d’autres, mais il est possible d’améliorer la situation en renforçant la diversification des exportations, mais aussi en développant un secteur manufacturier local.

 

Ne faut-il pas s'en inquiéter au regard de la conjoncture mondiale?
L’économie du Cameroun dépend fortement de la conjoncture internationale, car tout son système productif et sa consommation sont fortement liés aux importations. Il est évident que si les recettes extérieures baissent, la conséquence automatique est une baisse du niveau de vie et une pression à l’endettement extérieur. C'est donc un juste motif d'inquiétude.

 

© Le Jour : Propos recueillis par Jean-Philippe Nguemeta


13/11/2015
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