Développement - Mutation socioéconomique: Kribi devant Douala à l'horizon 2040
DOUALA - 18 MAI 2012
© Michel Michault Moussala | Aurore Plus
Si tout se déroule normalement selon son schéma directeur de l'aménagement global (Sdag), la ville de Kribi deviendra le premier pôle économique et industriel du Cameroun dans une vingtaine d'années, reléguant ainsi Douala au second plan.
© Michel Michault Moussala | Aurore Plus
Si tout se déroule normalement selon son schéma directeur de l'aménagement global (Sdag), la ville de Kribi deviendra le premier pôle économique et industriel du Cameroun dans une vingtaine d'années, reléguant ainsi Douala au second plan.
I.- Un coup de tête de Paul Biya
L’évènement est passé presque inaperçu. Le mercredi 14 mars 2012 a eu lieu à l'hôtel Hilton de Yaoundé la cérémonie de présentation officielle du schéma directeur d'aménagement du complexe industrialo-Portuaire de Kribi. La cérémonie était présidée par Louis Paul Motazé, président du comité de pilotage et de suivi du projet et secrétaire général des services du premier ministre. On peut rappeler pour mémoire que Louis Paul Motazé à été ministre de l'Economie, de la planification et de l'Aménagement du territoire du 7 septembre 2007 au 9 décembre 2011 et qu'à ce titre le projet de construction du complexe portuaire et industriel de Kribi est son bébé. Comment en est-on arrivé là? Le projet de construire un port en eau profonde à Kribi est vieux comme le Cameroun mais il dormait dans les cartons et les tiroirs poussiéreux de ministères. Il a fallu que quelque chose se produise au premier trimestre de l'année 2008 pour qu'on exhume ce projet que les kribiens avaient déjà oublié. En fin février 2008, certaines villes camerounaises et principalement Douala sont en proie à ce qu'on a appelé les émeutes de la faim qui avaient également touché d'autres pays africains au dessous du Sahara. La ville de Douala, capitale économique du Cameroun est mise à rude épreuve avec la destruction de biens, particulièrement des unités industrielles et commerciales par des hordes de jeunes gens dont certains étaient drogués. La ville de Douala est paralysée et n'arrive plus à ravitailler l'intérieur du pays en denrées de première nécessité. L'intervention de l'armée régulière ne met pas un terme aux émeutes, tout comme celle de la garde présidentielle. Le président Paul Biya est obligé de faire entrer en scène le bataillon d'intervention rapide (Bir) pour venir à bout de l'insurrection. Paul Biya n'a pas oublié le passé frondeur de la ville de Douala où l'opposition organisée ou non est très forte. Il comprend donc une fois pour toutes que l'hégémonie que cette ville exerce sur le plan économique sur l'ensemble du pays est un danger permanent pour son régime. Il faut donc faire quelque chose. Quoi, pense-t-il? Il trouve assez rapidement la réponse: Kribi. Oui, il faut ériger cette ville en nouveau poumon économique du Cameroun. Ça tombe même bien comme c'est un fils de la région du Sud d'où est située Kribi qui est ministre de l'Economie, de la planification et de l'Aménagement du territoire, Louis Paul Motazé. Sur instruction, Louis Paul Motazé qui est un bourreau de travail exhume le dossier de ce qui n'est alors que celui du port en eau profonde de Kribi et qui est devenu aujourd'hui après maints réajustements celui du complexe industrialo portuaire de Kribi. Pourquoi un complexe industriel et portuaire ? C'est ce que Paul Biya et certains stratèges de la région ont compris qu'au port en eau profonde de Kribi il fallait ajouter un volet industriel. En effet, il ne sert à rien de faire de Kribi qu'un simple port à l'importance limitée alors qu'avec ce volet industriel la ville de Douala ne peut plus soumettre à son diktat, l'ensemble du pays dès qu'elle est paralysée Par Un mouvement de contestation ou de troubles de toutes natures. Si à l'horizon 2040 et même bien avant si Kribi est hérissée d'entreprises, d’usines de toutes sortes fabriquant toute une gamme de produits allant des biens de première nécessité à l'industrie comme cela est prévu, Douala peut se mettre en grève que cela n'aurait aucune influence sur l’approvisionnement du pays et de la sous-région Cemac. En dehors des industries légères, la zone industrielle de Kribi comportera des industries lourdes telles la Sidérurgie, Paluminerie, etc. La zone industrielle de Kribi va favoriser, avec sa Création d’emplois par milliers, de fixer sur place les populations de la région du Sud. En réalité Kribi a un volet politique non moins important. L'importance politique du projet Paul Biya a compris que les populations de son Sud natal sont très mécontentes de lui, elles n'ont jamais caché leur désarroi de le voir quitter le pouvoir un jour sans avoir fait ou laissé une réalisation d'importance comme un signe de son passage à la tête du pays. Le chef de l'Etat a compris le message et a frappé très fort. Il est allé au-delà de ce que les populations du Sud pouvaient espérer. Car non seulement il y a le complexe industriel et portuaire, il y a aussi le chemin de fer qui va relier les gisements de fer de Mbalam dans l'Est du pays au port de Kribi tout comme la route bitumée qui va également relier les deux lieux. Il y a le bitumage des routes reliant les principales viles de cette région du pays comme par exemple Sangmélima-Ebolowa dont les travaux ont déjà commencé. L'énergie n'est pas en reste avec la construction en cours de la centrale à gaz ou thermique de Mpolongwé (Kribi), les centrales hydroélectriques de Memve'ele et de Mekin, etc. Depuis l'annonce de tous ces projets, la cote de Paul Biya a sensiblement grimpé dans son Sud natal. Beaucoup de gens ne jurent que par lui et sont prêts à donner leur vie pour le défendre. C'est que Paul Biya a pensé que s'il ne faisait rien pour sa région d'origine, ce n'est pas son successeur à la tête du pays qui viendra le faire. Ce dernier sera occupé à faire autre chose comme par exemple lui aussi de sa région d'origine. Un mini- Etat en création En réalité, c'est un micro-Etat de 17 000 km2 que Paul Biya est en train de mette en place car doté de toutes les infrastructures citées plus haut, il pourrait être autonome en tout: produits alimentaires, produits d'industries légères, produits d'industries lourdes, voies ferrées, routes, port de Kribi pour le commerce avec l'extérieur, forêts, terres fertiles et propices à l'agriculture, cours d'eau, universités, etc. Les investissements qui seront tous dans le Sud en matière d'infrastructures de diverses natures dépassant la somme de ce qui se fera dans les neuf autres régions du pays. Paul Biya est très malin: il a laissé le soin à Louis Paul Motazé alors ministre de l’Economie, de la planification et de l'Aménagement du Territoire de lancer les travaux de Kribi pour l'enlever par la suite et y placer un originaire de l'Ouest, originaire du département des Bamboutos, Nganou Djoumessi lors du remaniement ministériel du 9 décembre 2011. Mais seulement Paul Biya n'a rien donné à Djoumessi puisque c'est toujours Louis Paul Biya Motazé, actuel secrétaire général du premier ministre qui pilote, qui est président du comité de pilotage et de suivi du projet. Et c'est à ce titre qu'il a donc présidé la séance de présentation officielle du schéma directeur d'aménagement du complexe industrialo-portuaire de Kribi le 14 mars dernier à l'hôtel Hilton. Les projections du Fmi et de la Banque Mondiale Le fait que Kribi va supplanter Douala dans 25 ou 30 ans comme premier pôle industriel et économique du Cameroun ne sort pas de l'imagination débridée d'un journaliste mais des études réalisées par le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale (BM) dont les experts viennent de séjourner au Cameroun pendant deux semaines. Avant même cette mission, ces deux institutions financières internationales se sont depuis longtemps penchées sur le complexe industrialo portuaire de Kribi et ont conclu que si les choses se déroulaient connue prévu, Kribi va passer devant Douala dans deux ou trois décennies sauf en population. On estime que la population de Kribi augmentera de 100 000 habitants à l'horizon 2040. En effet, il sera impossible pour Kribi d'avoir deux millions d'habitants à l'horizon 2040 quelque soit l'exode rural dans la région du Sud ou le déplacement des populations d'autres régions du pays vers Kribi, principalement de Douala dont une bonne partie d'opérateurs économiques vont délocaliser leurs entités de production pour le chef-lieu du département de l'Océan. Kribi aura l'avantage d'avoir des infrastructures neuves, des usines modernes, ce que Douala n’a pas. Et une offre abondante en énergie électrique avec la centrale à gaz de Kribi que renforcera les centrales hydroélectriques de Memve’ele et de Mekin. Il- Le complexe industrialo portuaire de Kribi en raccourci Superficie: 26 000 hectares. Il s'étendra jusqu'à 35 kilomètres au large des côtes atlantiques. Tirant d'eau: 15 à 16 mètres. Des bateaux d'une capacité de 100 000 tonnes pourront y accoster Investissements: 6 500 milliards de F Cfa. Financement: Chine, Etat camerounais, collectivités publiques régionales, organismes publics et parapublics, secteur privé. Infrastructures prévues: - un port général avec: . Un terminal à conteneurs. . Un terminal polyvalent. . Un terminal aluminium accompagnant une usine d'élaboration de cette matière. . Un terminal hydrocarbures associé à une aire de stockage. . Un terminal céréalier. Il est prévu - Un terminal méthanier avec en prévision la construction d'une usine de liquéfaction de gaz naturel. Il s'agit d'une usine de gaz naturel liquéfié (Gni) comme celui de Punta Europa de Guinée Equatoriale. . Un port de plaisance (tourisme) . Un port de pêche industrielle . Une base navale . Des zones d'industrialisation dont une aciérie . Des zones d'urbanisation . Une autoroute . Un chemin de fer Emplois générés à terme: 20 000 directs 20 000 indirects |
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