«
M. BIYA n’a pas eu le courage de dire aux camerounais que le nouveau
pont sur le Wouri n’est second que de manière apparente et provisoire.»
Au cours de sa dernière visite à Douala, le Président de la République a
procédé à la pose de la première pierre du nouveau pont sur le fleuve
Wouri et à l’inauguration de certaines industries à capitaux privés.
Pour ce qui concerne le nouveau pont, les proclamations officielles servies aux populations font croire que cette nouvelle infrastructure diminuera considérablement les embouteillages dans la ville de Douala du fait de l’existence de deux ponts sur le fleuve Wouri.
Il convient de rappeler que le premier pont, construit avec des technologies et des matériaux anciens qui ne sont plus adaptés et conformes aux normes actuellement en vigueur, supporte aujourd’hui un trafic 100 fois plus dense qu’au moment de son inauguration en 1954. Les travaux de réhabilitation effectués en catastrophe et à coup de dizaines de milliards du contribuable sur le premier pont par l’entreprise togolaise UDECTO, qui n’avait par ailleurs jamais réalisé par le passé un pont de cette envergure, visaient tout simplement à renforcer les piliers usés sans garantie ferme sur la stabilité et la durabilité de l’ensemble de l’ouvrage.
Au cours de la cérémonie de la pose de la première pierre, M Biya n’a malheureusement pas eu, au moins pour une fois durant ses 31 années de règne, le courage de programmer le deuil du premier pont en déclarant officiellement et avec clarté aux camerounais que le chantier qui sera lancé ne débouchera pas sur un second pont qui sera opérationnel en même temps que l’ancien, mais plutôt sur un nouveau pont qui remplacera l’existant en termes de volume de trafic. Il n’a pas eu le courage d’avouer que ces travaux visent en réalité à remplacer le premier pont qui représente un danger réel et permanent pour les usagers du fait de sa vétusté. Il n’a davantage pas eu le courage de dire que le nouveau pont sur le Wouri n’est second que de manière apparente et provisoire.
Il y a également lieu de relever qu’en termes de fluidité de la circulation, ce nouveau pont n’améliorera pas autant qu’on le pense les conditions d’accès de part et d’autre du fleuve Wouri. Le problème de bouchons sur cet axe stratégique pour l’économie du pays n’est pas la circulation sur le pont mais plutôt l’accès au pont depuis ses deux extrémités. Que ce pont ait 100 m de largeur ne résoudra aucun problème.
Une décongestion efficace et efficiente de la circulation dans la ville de Douala tant réclamée par les usagers en général et les opérateurs économiques en particulier impose dans l’urgence de :
- Construire le second pont sur le Wouri qui est prévu à Akwa Nord.
- Edifier des échangeurs aux deux extrémités du nouveau pont
- Eriger de véritables voies de contournement autour de la ville à partir de ses pénétrantes Est et Ouest.
- Déplacer loin de la ville la station de pesage de Yassa.
- Développer les infrastructures routières en bitumant tous les axes principaux de la ville et en entretenant les voies secondaires dégradées et abandonnées.
Toute initiative prise dans le cadre de l’amélioration de la mobilité
urbaine qui n’intègre pas simultanément ces cinq exigences fondamentales
ne sera pas à la hauteur des défis que doit relever une métropole comme
Douala. Le régime ne doit pas s'exonérer de toute responsabilité,
tenter de passer entre les gouttes et surtout traiter légèrement de ces
moteurs déterminants pour la croissance économique en invoquant
l’absence de ressources financières substantielles à dégager pour une
ville comme Douala, poumon économique du pays et de l’Afrique centrale.
Au demeurant, il convient de prendre acte de ce que le régime ait pu sur le tard tenir compte du risque majeur encouru par les populations en lançant les travaux du nouveau pont dont l’ouvrage définitif aura tout au moins l’avantage de sauver des vies humaines, en espérant vivement que l’ancien pont ne s’effondrera pas avant 44 mois, comme c’est prévisible à tout moment.
Pour revenir aux grandes articulations de la visite par ailleurs digne des Républiques bananières en ce sens que le dispositif sécuritaire folklorique a paralysé toute l’administration publique ainsi que l’essentiel des activités économiques dans la ville de Douala, le nouveau pont est financé essentiellement par les fonds extérieurs. La quote-part du Cameroun est infime. Le premier pont a été financé par la France depuis 59 ans. Le nouveau pont est également financé par la France à travers l’Agence Française de Développement. La Centrale à gaz de Ndogpassi est également presque entièrement financée par les anglais.
Pourtant notre pays, qui présente la curieuse et détestable
particularité d’organiser des cérémonies de pose des premières pierres
plutôt que celles de l’inauguration des ouvrages définitivement achevés,
a 53 ans d’indépendance. Si nos gouvernants étaient des hommes
d’honneur, ils n’auraient pas dépensé plusieurs centaines de millions du
contribuable- soit plus de cent mille fois le SMIG qui n’est que de
28.500 FCFA par mois- pour fêter ce que d’autres ont réalisé chez nous.
Paresseux et sans vision pour notre pays, nos gouvernants ont
définitivement décidé de contracter en toute opacité des dettes pour les
générations futures plutôt que d’investir avec nos ressources
budgétaires propres qu’ils n’ont de cesse de dilapider inutilement. A
titre d’illustration, le régime est resté, comme toujours, muet sur les
modalités de remboursement de la dette.
Honorable Jean Michel NINTCHEU
Député de Wouri Est.