Détournements des fonds publics: Ces responsables du Mindef attendus au Tcs

Yaoundé, 01 Juillet 2013
© Darline Datchoua | La Nouvelle

Le Procureur général Bikong du Tribunal criminel spécial, vient d'instruire une enquête auprès des responsables de la solde au Ministère de la Défense. Les réseaux «Mboma» infiltrés au sein du Ministère de la Défense (Mindef) dans la panique.

Dans l'affaire des 112 matricules fictifs qui passe depuis le 26 juin dernier au Tribunal criminel spécial, le Procureur général n'est pas passé par 4 chemins pour demander l'audition des responsables de la solde au Ministère de la Défense. Pour de nombreux observateurs, c'est cette direction stratégique du Ministère de la Défense qui est l'épicentre du phénomène des salaires fictifs et de la pratique de gonflement des salaires appelée «Mboma». A en croire certains observateurs qui ont suivi cette audience de l'affaire des 112 matricules fictifs au Ministère de la Défense, l'impunité à l'endroit de certains responsables de ce département ministériel va bientôt prendre fin. D'ailleurs, le Procureur général Bikong, représentant du Ministère public, en s'offusquant de la seule présence des agents de la Caisse nationale pour la promotion de l'investissement (Cnpi) qui, dans cette chaîne de détournement de deniers publics, ont perçu 30% du montant détourné, tandis que les auteurs principaux s'en tiraient avec le reste, c'est-à-dire 70%, a expressément prescrit l'audition des responsables du service de la solde au Ministère de la Défense. Selon le magistrat en effet, avant que les fonds détournés ne tombent dans quelques comptes bancaires, il faut qu'il y ait préalablement des tripatouillages et des complicités en amont - Ministère de la Défense, Ministère des Finances -Pour certains analystes, si la chaîne est ainsi remontée comme l'instruit le Procureur général Bikong, un véritable coup de pied sera donné dans la fourmilière de la pratique de gonflement des salaires - Mboma - qui prospère depuis des années sur les flancs du Ministère de la Défense. Dans son édition N°174 du lundi 18 juin 2012, votre journal publiait un cas authentique d'un puissant réseau qui éventre la fortune publique via le Ministère de la Défense. Dans le rôle du chef de file, on retrouve en très bonne place le richissime adjudant-chef et pasteur Moïse Ngué, matricule 815991C et ses bras séculiers, le sergent-chef Pierre Fossong et Gabriel Ndogmo chargé de valider la paie au Ministère des Finances. Selon des sources dignes de foi, ce réseau de distraction des fonds publics qui fonctionne à côté d'autres réseaux similaires, ponctionne ainsi allègrement les fonds publics depuis plus d'une décennie.

Une affaire de milliards frauduleusement soustraite du Trésor public! Pour la petite histoire, l'aventure de Moïse Ngué dans ces opérations de délestage de la fortune publique débute en 2007. Recruté dans l'armée comme sapeur-pompier, Moïse Ngué, n'a pas tardé à intégrer les milieux des faussaires par l'entregent d'un aîné qui va lui donner quelques clés pour se faire beaucoup d'argent et en très peu de temps. Ces clés se déclinent en très peu de choses: avoir des attaches à la Direction de la Solde au Ministère de la Défense; notamment à la division informatique; disposer d'une très bonne relation au Ministère des Finances et principalement dans les réseaux de traitement des salaires et autres virements et avoir un bon complice dans une banque de la place ou dans un établissement de micro-finance.


Codes

Après cet apprentissage, Moïse Ngué, apprend-on, aurait très vite gravi les échelons au point de créer son propre réseau de détournement des fonds publics. Et ceci, après avoir recruté de jeunes sous-officiers ambitieux qui voulaient rapidement rouler carrosse. Dans la ville de Yaoundé, le lieu-dit «Château» Ngoa Ekellé est l'un des endroits prisés pour se faire établir de faux documents. Il n'y a pas que de jeunes bidasses qui intègrent souvent ces réseaux de pillage de la fortune étatique. Selon des sources introduites à la Direction de la solde au Ministère des Finances, des officiers supérieurs font également partie de ces délinquants. L'on indique à propos que ce sont ces hauts galonnés qui sont parfois appelés à la rescousse quand un membre du clan est dans de sales draps. Des enquêtes menées il n'y a pas longtemps par le haut commandement militaire, ont permis de tomber sur des cas de hauts galonnés de nos forces de défense. A l'Etat-major particulier de la présidence de la République, nos sources généralement très bien informées indiquent que ce brûlant dossier qui accable près d'une dizaine d'officiers supérieurs, au rang desquels des colonels comme un certain Bidja, a été géré «in mitius», c'est-à-dire en douce, dans le but de ne pas «éclabousser» la grande muette. Il était question, indique-t-on en petits comités, que des ordres de recettes soient établis à chacun des prévaricateurs et que les fonds détournés reviennent tout simplement au Trésor public.

Dans le cas particulier des jeunes initiés de Moïse Ngué, des indiscrétions glanées à très bonnes sources, indiquent qu'ils se recrutent non seulement dans le corps des sapeurs-pompiers, mais aussi dans les rangs des fonctionnaires civils. Dans ce cas type, Moïse Ngué débute son action par l'établissement d'une carte d'identité nationale à son poulain. Cela se passe au sous-sol de la Direction de la Police judiciaire. Ici, une dame, officier de police, s'occupe particulièrement des différents dossiers de Moïse Ngué. Après l'obtention du précieux sésame, le réseau du Cenadi entre en jeu et traite de l'attribution d'un matricule, à travers Gabriel Ndogmo qui officie au Ministère des Finances. C'est à lui que revient la lourde et délicate tâche de vous inscrire comme bénéficiaire d'un magot qui, par la suite est viré dans votre compte bancaire. Il revient par la suite à Moïse Ngué lui-même, de conduire son poulain, bulletin de paie en main, devant le guichet de la banque ou d'une coopérative «alliée». Selon des indiscrétions, Gabriel Ndogmo reste l'élément clé du système. C'est à lui que revient en effet le rôle de faire valider les faux avancements, les faux échelons, les fausses pensions de retraite, les faux bulletins de paie, etc...

Par ailleurs, une fois à la banque, c'est encore Moïse Ngué qui officie toujours aux côtés de son poulain comme «body-guard». Une fois l'argent perçu, l'adjudant gratifie à son protégé ce qui lui plaît. Pour une sortie de 1 500 000 FCFA par exemple, son interlocuteur peut bénéficier de 10 000 FCFA à 40 000 FCFA seulement. A titre de rappel, l'adjudant Moïse Ngué et compagnie emploieraient plus de 250 personnes par mois. Une véritable industrie. Selon des confidences, les décaissements effectués au bénéfice des prête-noms et remis à Moïse Ngué, oscilleraient entre 37 675 000 de FCFA à 50 000 000 de FCFA par mois. Son code connu dans ses réseaux au Ministère des Finances et de la Défense est «Moses ou Me». Celui du parrain a aussi un nom: «Travail ou Work» et au bout de la chaîne se trouve Gabriel Ndogmo désigné sous le code «End ou You». C'est à son domicile sis au lycée bilingue de Yaoundé qu'il perçoit souvent son pactole. Dans notre édition 174 précité, nous avons publié un faux bulletin de salaire du Lieutenant-Colonel Charles Mahamat, matricule 543053U, salaire de base Ttc 460 519 de FCFA (quatre cent quatre-vingt mille cinq cent dix-neuf francs). Il est à noter qu'après nos investigations, il s'était révélé que le Lieutenant-Colonel n'a jamais fait partie des effectifs de l'armée camerounaise, mais existe quand même sur les bulletins de paie de Moïse Ngué et sa clique. Du grand banditisme dans nos forces de Défense que veut sanctionner aujourd'hui le Tcs. Il faudrait pour cela commencer par le haut...


02/07/2013
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