Détournement de fonds: Amadou Ali et Dooh Collins attendus au Tribunal Criminel Special
Yaoundé, 08 avril 2013
© Labaran Mamouda | La Météo
L'ex-Ministre de la Justice a, selon Wikileaks, organisé une opération mafieuse de recouvrement pour détourner lui-même l'argent public et se rendre incontournable pour la succession à la magistrature suprême.
© Labaran Mamouda | La Météo
L'ex-Ministre de la Justice a, selon Wikileaks, organisé une opération mafieuse de recouvrement pour détourner lui-même l'argent public et se rendre incontournable pour la succession à la magistrature suprême.
Le Cameroun n'a sans doute pas fini
d'égrener ses mécomptes à l'international. Et Paul Biya est loin d'avoir
fini le ménage aussi bien avec son premier cercle que son dernier carré
de supposés fidèles, dont beaucoup se révèlent chaque jour comme de
dangereux prédateurs. Et cette fois encore c'est un proche parmi les
proches, réputé fidèle parmi les fidèles, qui est sur la sellette.
Amadou Ali, aujourd'hui Ministre en charge des Relations avec les
Assemblées, après avoir notamment présidé aux destinées du Secrétariat
Général de la Présidence de la République ou encore de la Justice, se
révèle une nouvelle fois comme un élément particulièrement dangereux
dans l'entourage du Chef de l'Etat, mais aussi un opportuniste prêt à
tout pour la magistrature suprême.
Au Ministère de la Justice, il a réussi à convaincre Paul Biya qu'il était l'homme de la situation pour aider le Cameroun à rapatrier les fonds publics présumés détournés et planqués à l'étranger. Il est allé jusqu'à faire débloquer près d'un milliard de francs CFA pour cette opération, menée avec un ténébreux «expert financier» du nom de Francis Dooh Collins. Des années plus loin, le pays ne semble pas avoir recouvré un seul centime dans cette opération qui, selon le Département d'Etat américain, se révèle plutôt, à travers les dernières révélations de Wikileaks, comme une grosse mafia destinée à berner le Président de la République et à flouer le Trésor public. Les manœuvres du chasseur des détourneurs de deniers publics et de son acolyte Dooh Collins ne sont pas seulement pernicieuses, elles intriguent les Américains, qu'on sait particulièrement sourcilleux en matière de gouvernance. Amadou Ali a, dans sa prétendue traque des «éperviables», développé un réseau informel qui ne permet aucune traçabilité d'action ou de dépense des fonds publics. Un peu comme dans l'histoire du voleur qui crie «ô voleur!», de l'arroseur arrosé. «En délaissant la personnalité de Dooh Collins, on peut comprendre qu'une enquête anti-corruption sérieuse impliquant des agences rattachées à de nombreux gouvernements exigera un système d'échange plus formel», se hasarde le rapport, citant la partie américaine. Mais on peut imaginer que, comme dans toute aventure aux objectifs cachés, le Ministre de la Justice d'alors se soit braqué contre une démarche qui aurait fini par trahir ses vrais desseins machiavéliques.
Soupçons américains
Ce qui n'a pas été sans réveiller les soupçons des Américains. «Dans l'intérêt de développer une lutte anti-corruption plus professionnelle et plus durable de la part du Gouvernement camerounais, nous chercherons à convaincre Amadou Ali de mettre en place bientôt une structure formelle chargée de ces affaires et d'autres requêtes semblables du Gouvernement camerounais, ce qui pourrait aussi contribuer à réduire le facteur d'improbabilité lié au rôle énigmatique de Dooh Collins». Ainsi reproduit, le câble de Wikileaks ne laisse pas de place au doute.
Personnage sulfureux s'il en est, Dooh Collins prétend avoir travaillé pour les services secrets français. Le même, face au feu nourri des questions des services américains, a fini par avouer que le Gouvernement français lui a signifié sa désapprobation de cette mission anti-corruption et lui a dit de ne pas voyager avec un passeport français pendant qu'il la mènerait». Mais, Amadou Ali ne doit avoir pas arrêté les frais, aveuglé qu'il est par ses ambitions présidentielles.
Entre-temps, il a, par l'entremise de proches, fait «fuiter» une prétendue liste de comptes bancaires attribués à de hautes personnalités de l'Etat. Il s'agissait, on subodore, de continuer à bluffe le Président Biya en lui présentant un bilan d'étape. Sont ainsi jetés en pâture, entre autres, Urbain Olanguena Awono, Polycarpe Abah Abah, Catherine Abena, Mme Haman Adama, Jean Marie Atangana Mebara, Luc Evariste Etogo Mbezele, Dieudonné Nguema Ondo, Jean Ndjem, Linette Ngo Yogo, Lamine Mbassa, Jean Bessala Nsama, Jérôme Mendouga, Ntongo Onguene, Jean-Baptiste Nguini Effa, Pierre Désiré Engo, Jean-Louis Edou, Gilles Roger Belinga, Gérard Emmanuel Ondo Ndong, Paul Ngamo Hamani, Zaccheus Forjindam, Ismaël Ibrahim Toukour, Yves Michel Fotso, Ephraïm lnoni, Lekene Donfack, Pierre Titi, Abraham Zoua Houli, Martin Abessolo, Edouard Etonde Ekoto, Alphonse Siyam Siwe, Caroline Abah Abah, Gervais Mendo Ze, Patricia Enam, Elisabeth Mongori, Louis Bapes Bapes, Joseph Edou, Laurent Nkodo, Awah Awah, Edith Mendomo, Paul Manga, Ivo Leke Tambo, Michel Meva'a m'Eboutou, Gervais Essama ou encore Mballa Hélène épse Mewoulou Oyono...
Perfidie. L'homme de main d'Amadou Ali a prétendu que les fonds, dont le montant (plus de 800 millions FCFA, Ndlr) faisait ciller ses interlocuteurs américains, étaient utilisés pour «appâter» les services secrets suisses et français chargés de «fournir d'importantes informations». En clair, on a cherché à corrompre pour chasser des corrompus! Las! Selon le câble, les officiels du Département de la sécurité intérieure à Washington «ont catégoriquement démenti les allégations de Dooh Collins». L'argent réputé avoir été débloqué pour désintéresser des entremetteurs n'a donc jamais été payé à ceux-ci, qui nient en plus avoir été associés à l'opération. Et Amadou Ali ne peut prétendre ignorer les opérations de son protégé sur le terrain. Où est passé l'argent des Camerounais?
La perfidie s'étale en grandeur nature dans le passage suivant: «Dooh Collins aura été jusque-là un élément essentiel dans l'ambitieux projet d'Amadou Ali d'exploiter des ressources internationales pour une enquête anti-corruption. Ses prétentions à utiliser les fonds du Gouvernement camerounais pour rémunérer les gouvernements étrangers dans ce processus, y compris celui des Etats-Unis, nous troublent». Les œuvres sataniques ne s'arrêtent pas là, puisque non seulement «Dooh Collins ne fait pas mystère de ses ambitions personnelles au-delà de la présente enquête», mais aussi, face à des interlocuteurs ahuris, «a prétendu que Biya avait déjà cédé d'énormes pouvoirs à Amadou Ali et qu'il était déjà presque conclu que Biya désignerait Amadou Ali pour lui succéder en 2011».
Au rapport! A travers les dernières révélations de Wikileaks, le rôle néfaste d'Amadou Ali auprès du Chef de I’Etat est définitivement étalé au grand jour. Depuis des années, le sérail n'a cessé d'être parcouru de sarcasmes sur le sujet de cet homme à la fois intrigant et mystérieux. En 1997, éclatait l'affaire des écoutes téléphoniques, une conversation avec Edouard Akame Mfoumou au cours de laquelle le même complotait déjà contre Titus Edzoa et Michel Thierry Atangana, promettant de les livrer pieds et poings liés à la justice «par petits bouts», où il voyait un mystérieux «type calcul [ont] des choses contre [lui]». Curieusement, Amadou Ali est resté aux affaires, le Président Biya continuant même à lui confier des missions parmi les plus délicates.
Autant dire que, depuis de longues années, comme tout bon prestidigitateur, l'ex Ministre de la Justice s'est employé, sous des prétextes divers et procédures judiciaires alambiquées, à rouler le Chef de l'Etat dans la farine afin d'écarter de son chemin toute personne simplement soupçonnée de lui faire de l'ombre dans sa quête effrénée de magistrature suprême. Sur le chemin, de nombreux dignitaires du régime se sont retrouvés embarqués dans des tracasseries inextricables. Un bon nombre sont actuellement derrière les barreaux, les plus «chanceux» ayant été condamnés à de lourdes peines d'emprisonnement; les autres encore empêtrés dans les méandres de procédure qu'ils ont eux-mêmes du mal à maîtriser. Une fois de plus, sans doute une fois de trop, le jeu trouble de M. Ali est mis au grand jour sous un angle des plus scandaleux. Il est sûr que Paul Biya ne fermera pas éternellement les yeux face à ce collaborateur qui charrie une belle unanimité contre lui.
Au Ministère de la Justice, il a réussi à convaincre Paul Biya qu'il était l'homme de la situation pour aider le Cameroun à rapatrier les fonds publics présumés détournés et planqués à l'étranger. Il est allé jusqu'à faire débloquer près d'un milliard de francs CFA pour cette opération, menée avec un ténébreux «expert financier» du nom de Francis Dooh Collins. Des années plus loin, le pays ne semble pas avoir recouvré un seul centime dans cette opération qui, selon le Département d'Etat américain, se révèle plutôt, à travers les dernières révélations de Wikileaks, comme une grosse mafia destinée à berner le Président de la République et à flouer le Trésor public. Les manœuvres du chasseur des détourneurs de deniers publics et de son acolyte Dooh Collins ne sont pas seulement pernicieuses, elles intriguent les Américains, qu'on sait particulièrement sourcilleux en matière de gouvernance. Amadou Ali a, dans sa prétendue traque des «éperviables», développé un réseau informel qui ne permet aucune traçabilité d'action ou de dépense des fonds publics. Un peu comme dans l'histoire du voleur qui crie «ô voleur!», de l'arroseur arrosé. «En délaissant la personnalité de Dooh Collins, on peut comprendre qu'une enquête anti-corruption sérieuse impliquant des agences rattachées à de nombreux gouvernements exigera un système d'échange plus formel», se hasarde le rapport, citant la partie américaine. Mais on peut imaginer que, comme dans toute aventure aux objectifs cachés, le Ministre de la Justice d'alors se soit braqué contre une démarche qui aurait fini par trahir ses vrais desseins machiavéliques.
Soupçons américains
Ce qui n'a pas été sans réveiller les soupçons des Américains. «Dans l'intérêt de développer une lutte anti-corruption plus professionnelle et plus durable de la part du Gouvernement camerounais, nous chercherons à convaincre Amadou Ali de mettre en place bientôt une structure formelle chargée de ces affaires et d'autres requêtes semblables du Gouvernement camerounais, ce qui pourrait aussi contribuer à réduire le facteur d'improbabilité lié au rôle énigmatique de Dooh Collins». Ainsi reproduit, le câble de Wikileaks ne laisse pas de place au doute.
Personnage sulfureux s'il en est, Dooh Collins prétend avoir travaillé pour les services secrets français. Le même, face au feu nourri des questions des services américains, a fini par avouer que le Gouvernement français lui a signifié sa désapprobation de cette mission anti-corruption et lui a dit de ne pas voyager avec un passeport français pendant qu'il la mènerait». Mais, Amadou Ali ne doit avoir pas arrêté les frais, aveuglé qu'il est par ses ambitions présidentielles.
Entre-temps, il a, par l'entremise de proches, fait «fuiter» une prétendue liste de comptes bancaires attribués à de hautes personnalités de l'Etat. Il s'agissait, on subodore, de continuer à bluffe le Président Biya en lui présentant un bilan d'étape. Sont ainsi jetés en pâture, entre autres, Urbain Olanguena Awono, Polycarpe Abah Abah, Catherine Abena, Mme Haman Adama, Jean Marie Atangana Mebara, Luc Evariste Etogo Mbezele, Dieudonné Nguema Ondo, Jean Ndjem, Linette Ngo Yogo, Lamine Mbassa, Jean Bessala Nsama, Jérôme Mendouga, Ntongo Onguene, Jean-Baptiste Nguini Effa, Pierre Désiré Engo, Jean-Louis Edou, Gilles Roger Belinga, Gérard Emmanuel Ondo Ndong, Paul Ngamo Hamani, Zaccheus Forjindam, Ismaël Ibrahim Toukour, Yves Michel Fotso, Ephraïm lnoni, Lekene Donfack, Pierre Titi, Abraham Zoua Houli, Martin Abessolo, Edouard Etonde Ekoto, Alphonse Siyam Siwe, Caroline Abah Abah, Gervais Mendo Ze, Patricia Enam, Elisabeth Mongori, Louis Bapes Bapes, Joseph Edou, Laurent Nkodo, Awah Awah, Edith Mendomo, Paul Manga, Ivo Leke Tambo, Michel Meva'a m'Eboutou, Gervais Essama ou encore Mballa Hélène épse Mewoulou Oyono...
Perfidie. L'homme de main d'Amadou Ali a prétendu que les fonds, dont le montant (plus de 800 millions FCFA, Ndlr) faisait ciller ses interlocuteurs américains, étaient utilisés pour «appâter» les services secrets suisses et français chargés de «fournir d'importantes informations». En clair, on a cherché à corrompre pour chasser des corrompus! Las! Selon le câble, les officiels du Département de la sécurité intérieure à Washington «ont catégoriquement démenti les allégations de Dooh Collins». L'argent réputé avoir été débloqué pour désintéresser des entremetteurs n'a donc jamais été payé à ceux-ci, qui nient en plus avoir été associés à l'opération. Et Amadou Ali ne peut prétendre ignorer les opérations de son protégé sur le terrain. Où est passé l'argent des Camerounais?
La perfidie s'étale en grandeur nature dans le passage suivant: «Dooh Collins aura été jusque-là un élément essentiel dans l'ambitieux projet d'Amadou Ali d'exploiter des ressources internationales pour une enquête anti-corruption. Ses prétentions à utiliser les fonds du Gouvernement camerounais pour rémunérer les gouvernements étrangers dans ce processus, y compris celui des Etats-Unis, nous troublent». Les œuvres sataniques ne s'arrêtent pas là, puisque non seulement «Dooh Collins ne fait pas mystère de ses ambitions personnelles au-delà de la présente enquête», mais aussi, face à des interlocuteurs ahuris, «a prétendu que Biya avait déjà cédé d'énormes pouvoirs à Amadou Ali et qu'il était déjà presque conclu que Biya désignerait Amadou Ali pour lui succéder en 2011».
Au rapport! A travers les dernières révélations de Wikileaks, le rôle néfaste d'Amadou Ali auprès du Chef de I’Etat est définitivement étalé au grand jour. Depuis des années, le sérail n'a cessé d'être parcouru de sarcasmes sur le sujet de cet homme à la fois intrigant et mystérieux. En 1997, éclatait l'affaire des écoutes téléphoniques, une conversation avec Edouard Akame Mfoumou au cours de laquelle le même complotait déjà contre Titus Edzoa et Michel Thierry Atangana, promettant de les livrer pieds et poings liés à la justice «par petits bouts», où il voyait un mystérieux «type calcul [ont] des choses contre [lui]». Curieusement, Amadou Ali est resté aux affaires, le Président Biya continuant même à lui confier des missions parmi les plus délicates.
Autant dire que, depuis de longues années, comme tout bon prestidigitateur, l'ex Ministre de la Justice s'est employé, sous des prétextes divers et procédures judiciaires alambiquées, à rouler le Chef de l'Etat dans la farine afin d'écarter de son chemin toute personne simplement soupçonnée de lui faire de l'ombre dans sa quête effrénée de magistrature suprême. Sur le chemin, de nombreux dignitaires du régime se sont retrouvés embarqués dans des tracasseries inextricables. Un bon nombre sont actuellement derrière les barreaux, les plus «chanceux» ayant été condamnés à de lourdes peines d'emprisonnement; les autres encore empêtrés dans les méandres de procédure qu'ils ont eux-mêmes du mal à maîtriser. Une fois de plus, sans doute une fois de trop, le jeu trouble de M. Ali est mis au grand jour sous un angle des plus scandaleux. Il est sûr que Paul Biya ne fermera pas éternellement les yeux face à ce collaborateur qui charrie une belle unanimité contre lui.