Désastre: Le pont du Wouri coupé en deux
DOUALA - 27 JUILLET 2010
© JEAN TSANGA | Aurore Plu
A l'origine de l'accident, le délabrement de buses sous le pont. Se pose aussi la question de la responsabilité des hommes qui ont englouti 15 milliards pour sa réhabilitation..
C’est un après-midi singulier qu'ont vécu les populations de Douala et plus particulièrement ceux qui font la navette entre Bonabéri et l'autre rive du pont sur le Wouri. Et pour cause, le fameux pont a encore fait parler de lui.
C'est en plein centre-ville que nous tâterons le terrain de la situation. Mis au parfum du fait, lorsque nous sollicitons une moto pour nous conduire sur les lieux, le conducteur ne passera pas par quatre chemins pour élever les enchères. Pour se justifier, il nous expliquera que, partir du Rond-point Deïdo pour le pont, c'est un véritable enfer. Dès lors on aura déjà une idée du phénomène.
La situation commence à se préciser lorsque nous abordons le Rond-point Quatrième. Ici, c'est un bouchon rare que subissent tous les usagers. Une longue file interminable de voitures, de motos, de piétons jonche le boulevard, presque immobiles les voitures ne peuvent pas circuler à cause du surnombre. Quand on arrive à l'entrée de l'axe qui va du Rond-point Deïdo au pont, c'est le comble. La marée humaine est exceptionnelle. A ce niveau la circulation des véhicules est totalement arrêtée. Seules les motos sont autorisées à traverser le pont. Les piétons peuvent également passer. Sur le pont, des hommes en tenue: militaires, gendarmes assistés par les agents de la police municipale essayent de maîtriser les foules afin de faciliter les choses. En début de soirée, l'eau a déjà cessé de couler sur le pont en grande quantité tel que nous l'avons appris avant d'arriver sur les lieux.
Cependant l'on observe encore beaucoup de flaques d'eau sur une distance d'à peu près cent mètres dès l'entrée du pont en venant de Douala.
Des précisions sur le désastre nous seront fournies par des acteurs trouvés sur le terrain, notamment les agents de la police municipale. De leurs témoignages, l'on retiendra que les buses chargées de conduire les eaux de la digue du port et qui passent sous le pont ont lâché. Ce délabrement a eu pour incidence, la remontée des eaux à la surface du pont. L'accident qui s'est produit aux environs de quatorze heures a vu très rapidement le pont du Wouri inondée. La première conséquence ici sera l'affaissement progressif du pont à l'endroit de la fuite d'eau. Une panique générale s'en est suivie. La gravité de la situation a été à l'origine des déplacements des plus hautes autorités de la ville, notamment le gouverneur de la région du Littoral, le délégué du gouvernement auprès de la communauté urbaine de Douala, le délégué régional des travaux public pour le Littoral.
Le plus remarquable, ce sont les commentaires qui fusent de partout. On entend ça et là des grognes, des plaintes: «le gouvernement attend qu'il y ait une vraie catastrophe sur le pont avec des morts d'hommes pour résoudre le problème de ce pont» lâche un conducteur de moto. «On espère qu'avec ce énième accident, les autorités comprendront enfin qu'il y a nécessité de construire un nouveau pont» peut-on entendre de la bouche d'une femme traversant le pont à pied. C'est aussi dans la foulée qu'on entendra parler des milliards dépensés pour la réhabilitation du fameux pont «pour rien !» s'exclame un citoyen.
La multiplicité des accidents sur le pont du Wouri, son délabrement visible et l'anxiété des populations sont des indices d'un désastre, et des signaux plus sérieux d'un drame annoncé sur notre nationale 1.
Cherchez les coupables !
Le pont sur le Wouri a été «retapé» il y a moins de trois ans. Les travaux ont duré plus de deux ans et ont englouti près de quinze milliards après des rallonges du budget. Le promeneur solitaire qui s'y aventurait pendant les travaux se faisait de sérieuses inquiétudes. On avait colmaté les fissures sur la voie au béton, avec des fers de tout petit diamètre. Et la couche de béton durait une épaisseur d'à peine une dizaine de centimètres en dessous desquels on apercevait du sable déversé à la hâte. On n'a pas besoin d'avoir été à Ponts et Chaussées pour sentir que c'était une escroquerie. Et pour cela seulement, une couche de sable et une de béton, on a dépensé 15 milliards. De quoi largement financer la construction d'un nouveau pont. Qui, diable ? a organisé une telle arnaque sous le soleil de Douala, sous le nez et à la barbe de tout le monde ? Il faudrait interroger Ambassa Zang, ministre des travaux publics, et le colonel Edouard Etonde Ekoto, alors délégué du gouvernement au moment des Travaux. La réfection du pont n'avait pas été financée sur le budget de la Communauté urbaine de Douala. Le Premier ministre est arrivé avec une forte délégation de Prados pour évaluer l'avancement des travaux, aucun des ingénieurs de la suite du Premier ministre ne s'est aperçu qu'on se faisait duper. Ils avaient tous le cœur au champagne qu'on allait ingurgiter après la promenade sur le pont. Voyons donc. Une buse d'eau éclate et l'eau, d'une certaine pression certes, parvient à trouer la chaussée sur le pont. Même un béton à une bonne compacité résiste plus longtemps au jet d'eau d'une buse. Aujourd'hui, il n'y a pas mille solutions, il va falloir recommencer. Nous sommes passés par là, avec la fréquence des poids lourds sur le pont, l'ouvrage va définitivement s'écrouler. Beaucoup plus vite qu'on ne le croit. S'il nous a fallu débourser autant de milliards pour rien, l'opération épervier a encore trouvé de nouveaux clients. Dieudonné Ambassa Zang a vu venir et s'est exilé. Etonde Ekoto est en prison et n'a plus peur de s'y retrouver. Mais il reste les responsables de la société de génie civil qui a gagné le marché. Ceux-là, on devra les retrouver et leur exiger de rembourser. Il y a des limites à tout, même aux plaisanteries de mauvais goût
© JEAN TSANGA | Aurore Plu
A l'origine de l'accident, le délabrement de buses sous le pont. Se pose aussi la question de la responsabilité des hommes qui ont englouti 15 milliards pour sa réhabilitation..
C’est un après-midi singulier qu'ont vécu les populations de Douala et plus particulièrement ceux qui font la navette entre Bonabéri et l'autre rive du pont sur le Wouri. Et pour cause, le fameux pont a encore fait parler de lui.
C'est en plein centre-ville que nous tâterons le terrain de la situation. Mis au parfum du fait, lorsque nous sollicitons une moto pour nous conduire sur les lieux, le conducteur ne passera pas par quatre chemins pour élever les enchères. Pour se justifier, il nous expliquera que, partir du Rond-point Deïdo pour le pont, c'est un véritable enfer. Dès lors on aura déjà une idée du phénomène.
La situation commence à se préciser lorsque nous abordons le Rond-point Quatrième. Ici, c'est un bouchon rare que subissent tous les usagers. Une longue file interminable de voitures, de motos, de piétons jonche le boulevard, presque immobiles les voitures ne peuvent pas circuler à cause du surnombre. Quand on arrive à l'entrée de l'axe qui va du Rond-point Deïdo au pont, c'est le comble. La marée humaine est exceptionnelle. A ce niveau la circulation des véhicules est totalement arrêtée. Seules les motos sont autorisées à traverser le pont. Les piétons peuvent également passer. Sur le pont, des hommes en tenue: militaires, gendarmes assistés par les agents de la police municipale essayent de maîtriser les foules afin de faciliter les choses. En début de soirée, l'eau a déjà cessé de couler sur le pont en grande quantité tel que nous l'avons appris avant d'arriver sur les lieux.
Cependant l'on observe encore beaucoup de flaques d'eau sur une distance d'à peu près cent mètres dès l'entrée du pont en venant de Douala.
Des précisions sur le désastre nous seront fournies par des acteurs trouvés sur le terrain, notamment les agents de la police municipale. De leurs témoignages, l'on retiendra que les buses chargées de conduire les eaux de la digue du port et qui passent sous le pont ont lâché. Ce délabrement a eu pour incidence, la remontée des eaux à la surface du pont. L'accident qui s'est produit aux environs de quatorze heures a vu très rapidement le pont du Wouri inondée. La première conséquence ici sera l'affaissement progressif du pont à l'endroit de la fuite d'eau. Une panique générale s'en est suivie. La gravité de la situation a été à l'origine des déplacements des plus hautes autorités de la ville, notamment le gouverneur de la région du Littoral, le délégué du gouvernement auprès de la communauté urbaine de Douala, le délégué régional des travaux public pour le Littoral.
Le plus remarquable, ce sont les commentaires qui fusent de partout. On entend ça et là des grognes, des plaintes: «le gouvernement attend qu'il y ait une vraie catastrophe sur le pont avec des morts d'hommes pour résoudre le problème de ce pont» lâche un conducteur de moto. «On espère qu'avec ce énième accident, les autorités comprendront enfin qu'il y a nécessité de construire un nouveau pont» peut-on entendre de la bouche d'une femme traversant le pont à pied. C'est aussi dans la foulée qu'on entendra parler des milliards dépensés pour la réhabilitation du fameux pont «pour rien !» s'exclame un citoyen.
La multiplicité des accidents sur le pont du Wouri, son délabrement visible et l'anxiété des populations sont des indices d'un désastre, et des signaux plus sérieux d'un drame annoncé sur notre nationale 1.
Cherchez les coupables !
Le pont sur le Wouri a été «retapé» il y a moins de trois ans. Les travaux ont duré plus de deux ans et ont englouti près de quinze milliards après des rallonges du budget. Le promeneur solitaire qui s'y aventurait pendant les travaux se faisait de sérieuses inquiétudes. On avait colmaté les fissures sur la voie au béton, avec des fers de tout petit diamètre. Et la couche de béton durait une épaisseur d'à peine une dizaine de centimètres en dessous desquels on apercevait du sable déversé à la hâte. On n'a pas besoin d'avoir été à Ponts et Chaussées pour sentir que c'était une escroquerie. Et pour cela seulement, une couche de sable et une de béton, on a dépensé 15 milliards. De quoi largement financer la construction d'un nouveau pont. Qui, diable ? a organisé une telle arnaque sous le soleil de Douala, sous le nez et à la barbe de tout le monde ? Il faudrait interroger Ambassa Zang, ministre des travaux publics, et le colonel Edouard Etonde Ekoto, alors délégué du gouvernement au moment des Travaux. La réfection du pont n'avait pas été financée sur le budget de la Communauté urbaine de Douala. Le Premier ministre est arrivé avec une forte délégation de Prados pour évaluer l'avancement des travaux, aucun des ingénieurs de la suite du Premier ministre ne s'est aperçu qu'on se faisait duper. Ils avaient tous le cœur au champagne qu'on allait ingurgiter après la promenade sur le pont. Voyons donc. Une buse d'eau éclate et l'eau, d'une certaine pression certes, parvient à trouer la chaussée sur le pont. Même un béton à une bonne compacité résiste plus longtemps au jet d'eau d'une buse. Aujourd'hui, il n'y a pas mille solutions, il va falloir recommencer. Nous sommes passés par là, avec la fréquence des poids lourds sur le pont, l'ouvrage va définitivement s'écrouler. Beaucoup plus vite qu'on ne le croit. S'il nous a fallu débourser autant de milliards pour rien, l'opération épervier a encore trouvé de nouveaux clients. Dieudonné Ambassa Zang a vu venir et s'est exilé. Etonde Ekoto est en prison et n'a plus peur de s'y retrouver. Mais il reste les responsables de la société de génie civil qui a gagné le marché. Ceux-là, on devra les retrouver et leur exiger de rembourser. Il y a des limites à tout, même aux plaisanteries de mauvais goût